Notes : technique, 5/5 – environnement, 5/5 – insertion, 5/5.
Notre maison brûle et les patrons ne regardent plus ailleurs. Depuis 5, 10 ans, voire 25 chez quelques industriels, ils font appel à un conseiller en transition neutralité carbone. Employé par un cabinet de conseil spécialisé en stratégie carbone, comme Carbone 4, un des pionniers français, ce conseiller accompagne les entreprises dans la réduction de leurs émissions de CO2 dans l’atmosphère.
« Les demandes explosent au point qu’au cours des derniers mois, les cabinets ont dû refuser des clients et des missions, faute d’avoir en interne les ressources suffisantes pour les mener à bien », observe Caroline Renoux, directrice de Birdeo, un cabinet de recrutement spécialisé dans le développement durable.
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Développement durable
Façon d’organiser la société de manière à lui permettre d’exister sur le long terme et de concilier l'amélioration du bien-être des générations présentes et futures, en prenant en compte les impératifs comme la préservation de l’environnement.
Les crises sanitaire et économique n’ont pas balayé ce sujet au long cours : la transition vers un modèle économique plus durable et une activité plus soutenable pour la planète. « Au contraire, elles ont accrû son urgence. Le sujet infuse même dans les PME et ETI, d’où la hausse des demandes pour des conseillers en transition neutralité carbone », ajoute la directrice de Birdeo.
Quelles formations ?
La majorité des conseillers en neutralité carbone sont des ingénieurs. À l’université ou en école (citons Centrale Nantes et Mines Nancy), ils se sont spécialisés sur les sujets du développement durable. Un bon bagage technique est nécessaire pour exercer le métier. Pour calculer l’empreinte carbone d’une entreprise, il agit avec méthode. Il évalue autant les tonnes de CO2 émises directement par elle – le chauffage du bureau, par exemple (scope 1) – que les émissions indirectes – choix du fournisseur d’électricité ou trajets domicile-travail des salariés (scopes 2 et 3). Il connaît aussi parfaitement les mécanismes de réductions pour proposer au client les actions ayant le plus d’impact.
« Découper » l’activité
La mine inquiète, les responsables RSE, voire les dirigeants eux-mêmes, arrivent dans ces cabinets avec une question qui leur brûle les lèvres : « Quel impact aura le dérèglement climatique sur mon business ? » Parce qu’il y en aura un, ils le savent. « Plus tôt ils connaîtront les risques, mieux ils pourront anticiper et mettre en place une stratégie et des actions qui assurent la pérennité de leur activité », témoigne Hughes-Marie Aulanier, directeur Stratégie chez Carbone 4.
Un peu comme un cancer, plus la maladie est diagnostiquée tôt, plus le patient augmente ses chances de s’en sortir. D’ailleurs, à la façon d’un médecin, Hughes-Marie Aulanier et ses confrères commencent par poser un diagnostic, avant de réfléchir aux remèdes. « Les pollutions diffèrent évidemment d’une entreprise à l’autre. Mais l’unité de calcul reste la même : nous raisonnons en tonnes de CO2 rejetées dans l’atmosphère », explique-t-il. Chaque pan de l’activité est passé en revue : choix des fournisseurs, transport des matières premières, usages de la clientèle, fabrication.
Nous identifions les actions efficaces à lancer pour réduire les émissions de chaque pan. Elles ne pourront pas être totalement supprimées. D’où la troisième et dernière étape : développer des puits de carbone.
Hughes-Marie Aulanier,directeur de stratégie de Carbone 4.
« Ensuite, nous identifions les actions efficaces à lancer pour réduire les émissions de chaque pan. Elles ne pourront pas être totalement supprimées. D’où la troisième et dernière étape : développer des puits de carbone », détaille le directeur de stratégie de Carbone 4. Autrement dit, une entreprise noue un partenariat avec une association pour planter des arbres ou investit dans des technologies captant et stockant les émissions de CO2.
Industriels et groupes du BTP
Cinq ans après l’accord de Paris, 270 entreprises françaises, dont 43 % des sociétés du CAC 40, ont pris des engagements pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, souligne une étude du CDP – anciennement « Carbon Disclosure Project », cette organisation internationale à but non lucratif créée en 2012 détient la base de données mondiale la plus importante sur la performance environnementale des villes et des entreprises.
« En quelques années, nous sommes passés des mots à l’action. La réglementation est plus forte, les investisseurs, clients et salariés plus regardants et les prix des énergies fossiles s’envolent. Les entreprises n’ont plus le choix, pour rester compétitives, attractives et rentables, elles doivent agir et transformer leur modèle », estime Caroline Renoux.
En Chiffres
270
Entreprises françaises ont pris des engagements pour atteindre la neutralité carbone dans les trente prochaines années.
Les plus avancés sur le sujet et le gros des clients de ces cabinets en stratégie carbone sont les industriels ou groupes du BTP, autrement dit les plus gros pollueurs. « En 2005, l’Europe a fixé un prix au carbone. Quand vous êtes sidérurgiste et que vous savez qu’en fabriquant une tonne d’acier, vous rejetez deux tonnes de CO2 dans l’atmosphère, vous comprenez rapidement que la rentabilité et la compétitivité de votre activité sont menacées. Pour ne pas couler, les sidérurgistes européens comme d’autres industriels ont donc, il y a 20-25 ans, constitué en interne des équipes d’ingénieurs – ancêtres des conseillers en transition neutralité carbone – et investi dans des programmes de recherches pour trouver des solutions leur permettant de réduire leurs émissions de CO2 », conclut Philippe Sessiecq, responsable des enseignements en écologie industrielle à Mines Nancy.
Comment réduire la pollution numérique de sa boîte ?
Le numérique pollue presque autant que les avions. Il contribue à 4 % des émissions à effet de serre mondiales contre 4,7 % pour le transport aérien. Mais que peut faire une entreprise pour réduire sa pollution numérique ? Stéphane Duret, associé du cabinet Magellan Partners, spécialiste de la transformation digitale, livre trois pistes.
Choisir des data centers moins énergivores. « Ils absorbent entre 2 % et 3 % de l’électricité produite dans le monde ; 45 % de cette énergie sert à climatiser la salle des serveurs pour que la température n’y excède pas les 20 °C. Des groupes comme Dell, Intel ou HP ont compris que leurs machines pouvaient supporter des températures allant jusqu’à 30 °C. Désormais, elles utilisent moins la climatisation. »
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Garder son smartphone ou ordinateur plus longtemps. « Une grande entreprise renouvelle son parc informatique tous les deux ans en moyenne, alors qu’il fonctionne très bien pendant trois voire quatre ans. Quant au smartphone de fonction, pour deux euros de plus par mois, les opérateurs proposent un téléphone avec deux numéros (un pro et un perso). »
Favoriser le stockage local des données plutôt que le Cloud. « C’est ce qu’a fait la Ville de Paris en 2019. Ses données sont désormais stockées dans ses serveurs Porte de La Chapelle, là où elles sont utilisées. Elles ne font plus le tour de la planète. »