Le problème ne tient pas simplement aux confinements et au ralentissement économique. Le concurrent PSA, dont les ventes ont également baissé, sort de la même période avec un résultat net positif. Ce qui pêche ? D’abord, la rente Nissan n’est plus au rendez-vous.
En 2017, Renault avait intégré à son bénéfice 2,7 milliards d’euros versés par son partenaire japonais, dont il détient 43 % du capital. En 2020, tout au contraire, Nissan a contribué de 4,9 milliards d’euros à la perte de Renault.
Comme son homologue européen, le constructeur japonais souffre d’un retournement du marché automobile mondial qui s’est fait sentir à partir de 2019. Le modèle économique de l’alliance Renault-Nissan, consistant à vendre le plus de véhicules possible, est remis en cause.
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En 2017, elle avait pris la place de numéro un mondial des constructeurs avec 10,6 millions de véhicules vendus. Un titre perdu en 2019 face au groupe Volkswagen.
À quel prix, ce podium ? « La stratégie, fondée sur la course aux parts de marché – donc aux volumes – pariait sur une forte augmentation du marché mondial qui n’a pas eu lieu, si bien que nous avons une surcapacité de production structurelle, que l’effondrement des ventes dû à la crise du Covid-19 a aggravée », diagnostiquait, en juin 2020, devant l’Assemblée nationale, son nouveau président, Jean-Dominique Senard.
Source : résultats annuels de Renault
Une mondialisation peu profitable
En résumé, Renault produit trop de voitures qui ne lui rapportent pas assez et il faut réduire les frais. Pour ses nouveaux dirigeants, c’est une façon de tourner la page Carlos Ghosn, l’ex-président de l’alliance contraint de quitter son poste début 2019 après avoir été accusé par les autorités japonaises de malversations financières.
Les premières mesures ont été prises dès le mois de mai, alors que Luca de Meo, débauché chez Volkswagen et nommé dès janvier 2020, était contraint de rester l’arme au pied par une clause de non-concurrence. Un plan d’économie de deux milliards d’euros a été lancé, consistant notamment à supprimer 15 000 postes, soit 8 % des effectifs mondiaux, d’ici 2023.
Les capacités de production doivent passer de quatre millions de véhicules en 2019 à 3,3 millions en 2024. Moins de travail pour les ouvriers, mais aussi pour les ingénieurs : 800 millions d’euros doivent être économisés dans la recherche et le développement. En France, où 4 600 postes doivent disparaître, 1 900 suppressions concernent l’ingénierie et le tertiaire.
En Chiffres
15 000 postes
C'est le nombre de postes qui seront supprimés chez Renault d'ici 2023, soit 8% de l'effectif mondial
Maintenant, comment redémarrer en concevant et en vendant moins de voitures qu’avant ?
« Quand nous sommes allés sur les marchés émergents, nous avons cherché la façon la plus facile de gagner des parts de marché, avec des modèles d’entrée de gamme. Après 10 années d’expansion mondiale, l’Europe représente encore les trois quarts de nos profits », a expliqué Luca de Meo en présentant en janvier dernier « Renaulution », son plan stratégique pour l’entreprise.
Les petits véhicules du segment dit « B », comme la Zoe électrique ou le Dacia Duster, représentent aujourd’hui les deux tiers des ventes.
Mais la mondialisation a coûté cher à Renault, avec des modèles qui ont dû s’adapter à plus de 100 pays différents. Alors que ce qui lui rapporte le plus, ce sont les véhicules plus grands du segment « C », comme le Scénic, ou « D », comme le Koleos, vendus notamment en Europe.
Il s’agit donc de se recentrer sur la région qui reste le premier marché du groupe, avec 68 % des ventes, et sur des voitures plus chères.
Avant 2025, le prix des Renault devra avoir augmenté en moyenne de 7 000 euros. Même Dacia, la marque low cost du groupe, va monter en gamme et augmenter ses prix. Pour tailler dans les coûts de production, 80 % des voitures seront fabriquées sur trois plateformes communes avec Nissan.
Source : résultats annuels de Renault
Une R5 électrique
L’électrification fait partie intégrante de la stratégie du groupe, puisque la réglementation européenne impose aux constructeurs de réduire l’impact environnemental de leurs véhicules. Renault doit proposer sept nouvelles voitures électriques d’ici 2025, dont une nouvelle version de la populaire Renault 5. « Ces motorisations sont en général plus chères que les thermiques, il est tout naturel que Renault s’attende à en vendre moins », analyse Tommaso Pardi, directeur du Groupe d’étude et de recherche sur l’industrie et les salariés de l’automobile (Gerpisa-ENS Cachan).
En France, l’usine de Flins, la plus ancienne de Renault depuis la fermeture de celle de Boulogne-Billancourt, va se trouver métamorphosée. À partir de 2024, on n’y fabriquera plus de voitures neuves. Elle doit devenir une « refactory », c’est-à-dire un centre où les véhicules électriques usagés seront remis à neuf avant de repartir sur les routes.
Actant l’inexorable décroissance du marché automobile, Renault fait le pari de l’économie circulaire pour continuer à gagner de l’argent. Cela sera-t-il suffisant ?
Toute une histoire : visages et virages d’un groupe phare
24 décembre 1898 : Louis Renault (1877- 1944) gravit la rue Lepic, à Paris, au volant d’une voiturette à deux places.
En 1929 a lieu l’ inauguration de l’usine Renault sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt, qui emploiera jusqu’à 10 000 personnes dans les années 1970 avant de fermer, en 1992.
En 1945, Louis Renault est accusé d’avoir collaboré avec l’Allemagne. Son entreprise est nationalisée et devient la Régie nationale des usines Renault.
1996 marque la privatisation effective, engagée depuis 1990. L’État devient minoritaire au capital et Renault s’engage dans la compétition mondiale.
En 1999, sous la houlette de Carlos Ghosn, Renault s’allie au Japonais Nissan par des participations croisées. Mis en cause pour des malversations financières, Carlos Ghosn démissionne en 2019. L’alliance Renault-Nissan lui survit.