Economie

Revalorisation des salaires : tout comprendre aux branches professionnelles

La question des revalorisations salariales est au cœur de l’actualité avec le retour de l’inflation. Celles-ci sont aussi négociées dans les branches professionnelles. Mais savez-vous vraiment ce qu’est une branche professionnelle ? Pour l’Éco a décidé de vous expliquer cela en cinq questions.

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L’un des moyens pour redonner du pouvoir d’achat aux Français serait « d’obliger les branches à augmenter leurs minima dans les trois mois qui suivent une nouvelle hausse du Smic. Faute de quoi, il y aurait une sanction financière », proposait le 22 janvier Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, au JDD.

Le retour de l’inflation replace les branches professionnelles au centre du débat public. Quel est leur véritable pouvoir en matière de négociations salariales ? Que recouvre véritablement l’expression « branche professionnelle » ? Et pourquoi Laurent Berger en fait-il un élément clé de politique publique ? Pour l’Éco répond à ces questions.

Pourquoi ça fait l’actualité ?

Au dernier trimestre 2021, 108 branches avaient au moins un niveau de rémunération situé en deçà du salaire minimum. Par exemple, dans les industries de la volaille, il y a « douze coefficients en dessous du Smic », à en croire la fédération CFDT de l’agroalimentaire. Dans ce cas, les négociations de branches prévalent sur le Smic et les autorisent à payer leurs salariés en dessous. Un cas de « non-conformité » qui aurait atteint un seuil « historiquement élevé » d’après le dernier rapport du comité d’experts sur le salaire minimum, publié fin 2021.

Les revalorisations récentes du Smic, en particulier celle intervenue au 1er octobre 2021 (+2,2 %), pourraient être la cause de ce seuil élevé, car bon nombre de conventions de branche n’ont pas été renégociées depuis.

Ces textes prévoyaient des grilles de rémunération dont la base a été « rattrapée », voire dépassée par le salaire minimum.

Qu’est-ce qu’une branche professionnelle ?

Une branche professionnelle regroupe les entreprises d’un même secteur d’activité. Chacune établit une convention collective qui regroupe tous des accords négociés.

Le principe de branche est relativement récent : avant 2016, il n’en existait aucune définition juridique. C’est la loi du 8 août, « relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels », qui lui en a donné une.

La compétence des branches professionnelles s’exerce à différents niveaux, appelés domaines : les domaines réservés à la branche professionnelle, les domaines pour lesquels la branche a la possibilité de rendre ses dispositions impératives et les domaines pour lesquels l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche. Dans ce dernier cas, l’employeur peut adapter la règle aux conditions particulières de son entreprise, si et seulement si, elle est plus avantageuse pour le salarié.

Et surtout, les branches professionnelles avec un petit nombre de salariés ne parviennent pas à négocier des avantages sociaux aussi intéressants que les branches les plus importantes. Selon la branche, un salarié ne bénéficie donc pas des mêmes avantages qu’un autre, par exemple en matière de parcours professionnels, de formation ou encore de garanties collectives de prévoyance.

Prenons l’exemple de la métallurgie. La prime d’ancienneté est calculée ainsi : 3 % après 3 ans d’ancienneté + 1 % par an, plafonné à 15 % après 15 ans. Elle se base sur la rémunération minimale hiérarchique (RMH) selon la catégorie à laquelle appartient le salarié. Elle est majorée de 5 % pour les ouvriers et de 7 % pour les agents de maîtrise d’atelier.

À quoi servent les conventions collectives ?

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Convention collective

Règles particulières du droit du travail applicables à un secteur donné (contrat de travail, hygiène, congés, salaires, classification, licenciement, etc.). La convention collective est conclue par les organisations syndicales représentatives des salariés et les organisations ou groupements d’employeurs.

La convention définit les garanties applicables aux salariés employés par les entreprises, notamment en matière de salaires minimaux ou de classifications. Ce cadre minimum protège les salariés de conditions de travail moins favorables. Néanmoins, la convention collective n’est pas obligatoire. Il faut distinguer trois cas de figure.

Premièrement, l’employeur adhère à une organisation patronale, il doit alors appliquer la convention signée avec le syndicat.

Deuxièmement, il existe une convention collective dite « étendue » pour le secteur en question. Le simple fait d’appartenir à un secteur oblige l’employeur à respecter les règles de la profession.

Troisièmement, il n’existe pas de convention collective étendue et l’employeur n’a pas adhéré à une organisation patronale : il n’est alors pas contraint d’appliquer la convention collective.

Toutes les conventions ne sont pas aussi détaillées les unes que les autres : certaines laissent le champ libre au Code du travail. Mais le monde du travail, en perpétuelle évolution, rend rapidement ces conventions caduques. Pour certains thèmes, la loi prévaut à la convention ou à l’accord d’entreprise. En principe, ces branches ont un champ d’application national, mais par exception, certaines peuvent être adaptées au niveau local.

Le périmètre de la négociation collective a été élargi, et la branche s’est même vu conforter dans deux de ses missions. D’abord, la régulation de la concurrence avec notamment la limitation du dumping social. Ensuite, l’anticipation économique à travers la formation professionnelle grâce au fléchage des publics prioritaires vers des formations (nouveaux métiers, salariés faiblement qualifiés, etc.) et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

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Dumping social

Mise en concurrence par les employeurs, dans le cadre de la mondialisation économique, de travailleurs des pays développés avec la main-d’œuvre moins chère des pays en développement.

Pour la métallurgie, la branche est responsable de l’investissement dans la formation, du développement de la certification des parcours de formation, de l’amélioration de la réponse aux besoins en compétences des entreprises et de la responsabilisation des personnes, sans distinction de statut.

Combien de branches existe-t-il ?

De l’industrie du bois de pin maritime en forêt de Gascogne à la conchyliculture (élevage de coquillages)… 250 branches professionnelles étaient recensées en France en 2020.

Certaines regroupent plusieurs dizaines d’entreprises, soit des centaines de milliers de salariés, tandis que d’autres ne comptent que très peu d’entreprises. La métallurgie, par exemple, comptait plus d’un million de salariés en 2020.

En 2015, on comptait entre 500 et 700 branches professionnelles en France. Le résultat d’une restructuration souhaitée par le gouvernement.

Faut-il des branches plus puissantes ?

Depuis 2015, le gouvernement a lancé un chantier de restructuration. L’ambition consiste à renforcer les branches professionnelles, en permettant des négociations sociales plus « dynamiques » et plus « équilibrées » selon les mots du ministère du Travail, et une mutualisation des moyens pour qu’elles soient à même de remplir leurs différentes missions.

Cette restructuration permettrait également de « créer un socle solide pour les petites et moyennes entreprises (entre 10 et 250 salariés), majoritairement non couvertes par les accords d’entreprise ».

Plus simplement, l’idée est d’avoir moins de branches en France, mais qu’elles soient plus grandes et plus puissantes. L’intérêt de fusionner les branches réside bien dans le pouvoir d’influence, car on écoutera davantage des représentants d’un million de salariés plutôt que ceux de 20 000 salariés.

Aujourd’hui, les branches les plus puissantes siègent dans les organismes interprofessionnels, tels que le Medef, et participent aux négociations interprofessionnelles. Une présence qui protège au mieux les intérêts du secteur ainsi que ceux des salariés.

En Allemagne, des branches toutes-puissantes

En Allemagne, l’essentiel des débats sur les relations professionnelles porte sur les négociations collectives de branche. C’est à ce niveau que sont définis avec régularité les standards de rémunération et de condition de travail. Un maître-mot pour ces négociations : la cogestion entre partenaires sociaux.

L’État allemand n’a pas son mot à dire, et ces « conventions sectorielles sont généralement conclues au niveau régional, et pas au niveau national », décrit une étude de 2013 réalisée par « Étui », l’institut syndical européen, centre de recherche de la Confédération européenne des syndicats.

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