Economie
"Self Made" (série Netflix) : Entreprendre malgré le racisme et le sexisme, le parcours de Madam C.J. Walker
Portées par sa foi dans le pouvoir d’entreprendre et par sa croyance en elle-même, Madam C.J. Walker a bâti un empire de la cosmétique. Derrière la succes story, cette série en quatre épisodes met en lumière les descriminations qui touchent la communauté afro-américaine.
Clément Rouget
[Pop Éco, c'est la rubrique de Pour l'Éco qui décrypte par la pop culture un sujet économique.]
Le titre de la série biographique Self Made ne doit rien au hasard. Fille d’anciens esclaves, Madam C.J. Walker naît dans le sud des États-Unis, en 1867. Elle est orpheline à 10 ans, mariée à 14, veuve à 20. Blanchisseuse, puis vendeuse au porte-à-porte, elle deviendra la première self-made-woman millionnaire de l’histoire des États-Unis, en bâtissant un empire de la cosmétique.
Championne du saut d’obstacles
« Je veux une société grande comme Rockefeller, Carnegie et Ford réunis », affirme Madam C.J. Walker dans la série. Le personnage surmonte tous les obstacles, portée par sa foi dans le pouvoir d’entreprendre pour façonner un monde meilleur et, bien sûr, en elle-même : « Dieu aide ceux qui s’aident. »
Son entreprise vient répondre à un besoin qui concerne surtout les femmes noires. Grandes oubliées du marché, elles sont pourtant nombreuses à souffrir d’affections du cuir chevelu en raison de l’application de produits agressifs et de conditions de vie déplorables.
Madam C.J. Walker veut aussi offrir des opportunités à ces femmes en leur confiant un emploi, voire la gestion de salons de coiffure franchisés. « Faire de l’argent pour moi-même ne me satisfait pas. Je veux créer des centaines d’emplois pour des femmes noires. Peu d’entre nous accomplissent leur destinée. Nous sommes sans cesse discréditées, ignorées, rabaissées, battues ou lynchées. »
Inégalités et lois raciales
Si elle parvient à s’élever grâce à une intelligence hors pair et un sens aiguisé des affaires, l’Amérique du début du XXe siècle dans laquelle elle se lance est divisée par des lois raciales. Billie Holiday n’y a pas encore chanté Strange Fruit, réquisitoire contre les lynchages que subissent régulièrement les Afro-Américains, pendus aux arbres.
Et Madam C.J. Walker n’est pas seulement noire. Elle est aussi une femme. Un double obstacle récurrent dans la série, tant elle doit affronter la misogynie des hommes, blancs et noirs. « J’ai proposé à un homme d’investir dans mon entreprise, il a tenté de me violer. »
Véritable modèle, elle incite toutes les femmes noires à prendre leur destin en main grâce au capitalisme libéral et à l’esprit d’entreprendre. « Je comprends votre hésitation et votre inclination à rester discrètes. J’ai longtemps été discrète. Parfois, le silence est la seule protection d’une femme noire. Mais vous êtes plus intelligentes que vos maris », assure-t-elle lors d’un discours devant des femmes noires.
Toutes aux manettes !
Bien que révoltée par un système politique et économique où celles-ci doivent affronter plus d’obstacles que quiconque pour réussir, elle conclut, sûre de sa légitimité et de l’héritage qu’elle souhaite léguer : « L’entrepreneuriat féminin est bon pour tous. C’est le futur. Moi, j’ai appris à raconter mon histoire, je ne peux plus me taire. »
Coulisses
Self Made est une mini-série en quatre épisodes de 45 minutes diffusée depuis mars 2020 sur Netflix. L’actrice Octavia Spencer, qui incarne l’entrepreneure à l’écran, participe également à la production de la série, tout comme le basketteur star LeBron James. Cette fiction incarne la volonté de l’industrie du cinéma de mettre en valeur l’histoire afro-américaine.
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