Bien avant le reste du monde, le marché finlandais des télécommunications a connu la déréglementation. Une déréglementation précoce donc, qui a contribué au succès fulgurant de Nokia. Il faut dire que GSM, le réseau paneuropéen standard de téléphonie mobile, est une de ses créations, au moment même où le téléphone portable, innovation majeure, devient un produit de masse.
Entre 1992 et 2002, les ventes de Nokia passent de 23 à 506 millions de terminaux. Mais l’entreprise va rater la marche incarnée, en 2007, par l’iPhone et son écran tactile, le scrolling et, surtout, son incroyable marché d’applications. Google s’engouffre dans la brèche avec son système Android, qui devient la référence du secteur. Pendant ce temps, Nokia continue de proposer sa plateforme Symbian, devenue pourtant obsolète.
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Dépassé par la concurrence, financièrement exsangue, l’ex-leader tombe dans l’escarcelle de Microsoft, qui débourse 5,44 milliards d’euros pour acquérir la division téléphonie de Nokia, en 2013.
Fatale aversion pour le changement
Devenir leader de son secteur est un objectif naturel pour tout dirigeant d’entreprise, mais une fois en haut de l’échelle, le risque de chuter est d’autant plus grand.
Les causes de l’échec de Nokia, après avoir joui d’une domination inégalée sur le segment mobile pendant plusieurs années, sont nombreuses : résistance à l’évolution que constituent les smartphones, stratégies marketing mal ciblées, surestimation de soi, manque d’innovation dans un secteur technologique en révolution permanente. La plupart de ces mauvaises décisions résultaient de l’aversion de Nokia pour le changement. Le danger, pour un leader, est de reproduire, encore et toujours le même comportement.
Pour échapper à cette fatalité, il faut une culture du changement. Nokia s’est trop longtemps contenté d’innovations incrémentales, progressives, avec des améliorations portant uniquement sur des produits ou des services existants. Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, Apple et Google multipliaient les innovations de rupture en réponse à un changement de comportement des consommateurs.
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Le management du changement consiste à gérer l’ensemble des facteurs qui influent sur l’activité de l’entreprise et d’adapter cette dernière aux mutations de son environnement. Il existe de nombreuses études sur cette compétence capitale.
Citons John P. Kotter, professeur à Harvard, sans doute celui qui a le mieux illustré le paradigme managérial du changement. Conçu de manière holistique, ce dernier, pour Kotter, est surtout affaire de management. Il insiste sur plusieurs étapes cruciales : créer un sentiment d’urgence, générer des victoires rapides, ancrer les nouvelles mesures dans la culture d’entreprise. L’échec de Nokia a été une puissante leçon pour toutes les entreprises : sans cap ni leadership, l’échec est inévitable.