Sur son compte Instagram, Pour l’Éco vous a posé la question. Une majorité de nos lecteurs et lectrices (58 %) y a répondu par l’affirmative. Après notre éclairage, quel sera votre avis ?
Les abonnés de Pour l’Éco ne sont pas les seuls à plébisciter le bio. De 2010 à 2020, l’agriculture biologique a connu en France une croissance à faire pâlir nombre de secteurs économiques : de 10 % à 20 % par an. Le marché est passé en 10 petites années de 3,7 à 13,1 milliards d’euros.
Seulement, à la surprise générale, la machine s’est enrayée : - 3,2 % en 2021. Et la baisse a continué au début de 2022. Simple accident de parcours ? Rien n’est moins sûr, même si une partie de l’explication est conjoncturelle.
Les ventes en 2020 ont en effet augmenté artificiellement durant le Covid, où les produits bio étaient parfois les derniers disponibles dans les étalages. L’inflation galopante et la perte de pouvoir d’achat des Français les attirent aussi davantage vers les prix bas, en témoigne le succès des marques distributeur (+11 % depuis le début de l’année) et des supermarchés hard-discount.
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Mais la crise du bio est plus profonde. En 2018, Leclerc ouvre un premier magasin 100 % bio. L’ambition du patron est haute : ouvrir 200 magasins et « devenir le leader européen » du secteur. Quatre ans plus tard, le point de vente pionnier a fermé ses portes et seules 17 boutiques survivent tant bien que mal, raconte Capital.
Définitivement un marché de niche ?
Selon plusieurs experts, le bio, avec ses 6,6 % de part de marché, pourrait avoir atteint son plafond, et devra sans doute se contenter à l’avenir de rester un marché de niche. Ils s’appuient sur un argument de taille : 80 % des Français pensent que le bio est inabordable pour eux. Le surcoût à la caisse est en effet loin d’être négligeable : 75 % de plus, selon une étude du magazine spécialisé Linéaires. Pour le jambon cuit, l’écart bondit même à 2,5 fois le prix.
Les consommateurs sont aussi perdus entre les différentes contraintes environnementales. Vaut-il mieux acheter un kiwi bio néo-zélandais ou un kiwi issu de l’agriculture conventionnelle française ? « Le bio est trop cher, pas toujours bon, et peut avoir traversé la planète. Je préfère manger local », nous explique par exemple Mathieu par message.
Paradoxalement, le bio est aussi victime de son succès. La concurrence sur le secteur de l’alimentaire responsable s’est intensifiée. Surfant sur la vague des consom’acteurs, des dizaines de labels, plus ou moins sérieux, ont fait leur apparition dans les rayons, participant au flou ambiant : HVE (Haute valeur environnementale), Bleu-blanc-coeur, C’est qui le patron ? !….
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Pas si bon pour le climat
Autre faille, le consensus scientifique a battu en brèche un des principaux facteurs d’achat du bio : la volonté de préserver la planète. Le résultat d’une méta-analyse de l’Université du Minnesota comparant les impacts écologiques des différentes cultures agricoles est sans appel : l’agriculture biologique, bien que plus vertueuse à l’hectare, se retrouve pire pour le climat que l’agriculture conventionnelle1.
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Un paradoxe simple à expliquer : du fait de rendements plus faibles (autour de 25 % en moyenne et de 40 à 50 % pour les céréales), le bio devrait consommer davantage de terres pour nourrir autant de personnes.
Et l’addition ne s’arrête pas là : ses bénéfices pour la santé sont loin d’être établis par les études scientifiques2.
1. L’agriculture locale et bio est-elle vraiment meilleure pour l’environnement ?, The Conversation, Serge-Étienne Parent, 2020
2. Le point sur la valeur nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l’agriculture biologique, Cahier de nutrition et de diététique, 2010