Aujourd’hui, le secteur du bâtiment représente environ 46 % des consommations énergétiques totales de la France, devant l’industrie (27 %) et le secteur des transports (24 %). A priori, ces chiffres justifient que les investissements – publics et privés – dans la rénovation énergétique des bâtiments aient avoisiné les 20 milliards d’euros en 2021.
Ces investissements sont favorisés par une gamme d’aides impressionnante : MaPrimeRénov’, Éco-prêt à taux 0, TVA à 5,5 %, certificats d’économies d’énergie, crédit d’impôt pour la transition, etc. Mais toutes ces dépenses et ces subventions ont-elles vraiment un impact sur les consommations d’énergie ?
Deux chercheurs affiliés à l’École des Mines de Paris, Gaël Blaise et Matthieu Glachant, ont tenté de répondre à cette question1 en 2019 en s’appuyant sur une enquête conduite entre 2000 et 2013 par l’institut TNS-Sofres dans laquelle un panel représentatif de plusieurs milliers de ménages français était interrogé sur ses dépenses énergétiques et sur le montant de ses travaux de rénovation thermique.
Pour chaque année, ces deux chercheurs ont pu comparer les variations des dépenses énergétiques des ménages ayant réalisé des travaux de rénovation (c’est le groupe test), aux variations des dépenses énergétiques des ménages n’ayant pas réalisé de travaux de rénovation (c’est le groupe témoin).

Gain : 8 euros par an
Les auteurs constatent que chaque année, environ 13 % des ménages réalisent des travaux de rénovation thermique (groupe test). C’est loin d’être négligeable. Ils constatent aussi que, sur la période étudiée, la facture énergétique a augmenté dans les deux groupes – vraisemblablement à cause de mouvements dans les prix de l’énergie et de variations climatiques –, mais que cette augmentation est plus faible dans le groupe test (voir tableau). Un ménage du groupe test dépense environ 20 euros par an de moins qu’un ménage du groupe témoin.
Ce gain doit être rapporté aux montants des investissements consentis. Compte tenu des données fournies par l’enquête TNS-Sofres, les auteurs estiment qu’en moyenne, une somme de 1 000 euros investie dans la rénovation énergétique se traduit par un bénéfice de 0,64 % (environ 8 euros) sur la facture énergétique annuelle d’un ménage ayant entrepris des travaux de rénovation, comparée à la facture d’un ménage qui ne les aurait pas entrepris. En termes de consommation énergétique, la rénovation de l’habitat n’a donc quasiment aucun impact.
En admettant une durée de vie de l’investissement de 20 ans, Gaël Blaise et Matthieu Glachant calculent qu’un ménage moyen du groupe test ne « récupère » jamais, et de loin, son investissement malgré les aides reçues et les (maigres) économies d’énergie qu’il réalise. Comment expliquer que de nombreux ménages entreprennent pourtant de coûteux travaux de rénovation qui ne modifient quasiment pas leur consommation énergétique ?
Le confort d’abord
Une première série de raisons tient au manque de professionnalisme de certaines entreprises et aux types de travaux effectués. Ainsi, dans l’enquête de TNS-Sofres, 40 % des travaux concernent l’isolation des portes et fenêtres, une intervention peu efficace dès lors que le reste de la maison (murs, planchers, combles) demeure mal isolé.
Mais, plus profondément, les ménages qui réalisent des travaux de rénovation énergétique ne le font pas prioritairement pour diminuer leur facture, ni « pour la planète »… mais pour leur bien-être.
Une vaste enquête de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) datant de 2017 révèle que les ménages français qui entreprennent des travaux de ce type le font très majoritairement pour améliorer leur confort (78 %), moins pour réduire leur facture (49 %)… et encore moins pour faire « un geste » pour la planète (14 %) !

Oui, mais… Les travaux qui améliorent le confort conduisent aussi les ménages à accroître la température de leur logement. Pour caricaturer : avant les travaux, la maison était chauffée à 19 °C et ses occupants mettaient un pull. Après les travaux, ils vivent en bras de chemise avec une température de 21 °C. Le confort s’est amélioré, ce qui était le but, mais la consommation d’énergie n’a pratiquement pas varié.
Pour réduire cette dernière, les travaux de rénovation énergétique n’ont d’intérêt que si en même temps nous adaptons nos comportements. L’allongement constant de la liste des aides et subventions à l’amélioration de l’habitat n’est pas une solution.
1. « Quel est l’impact des travaux de rénovation énergétique des logements sur la consommation d’énergie ? Une évaluation ex post sur données de panel », La Revue de l’Énergie n° 646, 2019.