Le logement participatif, le modèle à la mode pour loger les revenus modestes, adopte des formats variés, en centre-ville comme en zone rurale (immeubles d’habitation, éco-village, etc.). Peut-il pour autant concurrencer le modèle pavillonnaire ?
Avec 20 millions de logements individuels sur 37,2 millions de logements au total en France, dont une écrasante majorité correspond au pavillon avec jardin que plébiscitent la plupart des Français, cela semble impossible.
« On considère que le parc de logements se renouvelle de 1 % par an. Le gros du parc existe donc déjà. Se pose alors la question de leur transformation, leur durée, leur adéquation à la demande », explique Anne D’Orazio, maîtresse de conférences à l’École nationale supérieure d’architecture Paris-La Villette.
Les critiques contre le modèle pavillonnaire ne datent pas d’hier. « Les banlieues pavillonnaires ont d’abord été vues comme des espaces de conformisme et d’individualisme, comme peuvent encore en rendre compte aujourd’hui la littérature, les films et les séries télé. Rappelons aussi la critique formulée par le sociologue Pierre Bourdieu : le pavillonnaire sert à enchaîner le petit propriétaire à un crédit et à le dissuader, par exemple, de faire grève », énumère Éric Charmes, directeur de recherche à l’ENTPE, l’école de l’aménagement durable des territoires.
Le logement participatif, le modèle à la mode pour loger les revenus modestes, adopte des formats variés, en centre-ville comme en zone rurale (immeubles d’habitation, éco-village, etc.). Peut-il pour autant concurrencer le modèle pavillonnaire ?
Avec 20 millions de logements individuels sur 37,2 millions de logements au total en France, dont une écrasante majorité correspond au pavillon avec jardin que plébiscitent la plupart des Français, cela semble impossible.
« On considère que le parc de logements se renouvelle de 1 % par an. Le gros du parc existe donc déjà. Se pose alors la question de leur transformation, leur durée, leur adéquation à la demande », explique Anne D’Orazio, maîtresse de conférences à l’École nationale supérieure d’architecture Paris-La Villette.
Les critiques contre le modèle pavillonnaire ne datent pas d’hier. « Les banlieues pavillonnaires ont d’abord été vues comme des espaces de conformisme et d’individualisme, comme peuvent encore en rendre compte aujourd’hui la littérature, les films et les séries télé. Rappelons aussi la critique formulée par le sociologue Pierre Bourdieu : le pavillonnaire sert à enchaîner le petit propriétaire à un crédit et à le dissuader, par exemple, de faire grève », énumère Éric Charmes, directeur de recherche à l’ENTPE, l’école de l’aménagement durable des territoires.
Politiquement épineux
Aujourd’hui, c’est l’argument écologique qui l’emporte. Pour ses détracteurs, qui pointent son impact environnemental, le modèle pavillonnaire est notamment responsable de l’étalement urbain et de l’artificialisation des sols.
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Dans un discours très critiqué, l’ancienne ministre déléguée à l’Environnement, Emmanuelle Wargon, avait déclaré que les maisons individuelles, « ce rêve construit pour les Français dans les années 1970 », « ce modèle d’urbanisation qui dépend de la voiture pour les relier », sont un « non-sens écologique, économique et social ». « Le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène dans une impasse », selon ses propos rapportés par plusieurs médias. Elle avait dû les retirer.
Des tiny houses pour les étudiants ?
Pour certains, les tiny houses (toutes petites maisons écologiques et déplaçables) sont une attraction touristique. Pour d’autres, c’est la seule voie d’accès rapide à un logement peu onéreux. La société Ma petite maison verte s’est spécialisée dans la construction de ce type d’habitat pour les particuliers, les entreprises et les collectivités.
Les logements sont fabriqués en bois et en carton recyclé (IPAC) par des travailleurs en situation de handicap dans son atelier d’Épinay-sur-Orge. Elle souhaite également assurer la gestion locative de villages sociaux à destination de personnes en situation de précarité. Son premier projet en la matière devrait voir le jour en septembre 2023, à Évry-Courcouronnes (91), avec 14 petites maisons qui logeront 31 étudiants.
Le débat est politiquement épineux et les politiques publiques ont largement soutenu l’accès à la propriété individuelle dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, entretenant l’image d’Épinal d’une famille française vivant dans sa maison individuelle, avec sa voiture, son jardin, etc.
« Il est trop facile de crier haro sur le pavillon quand on sait toutes les spéculations des années 1990-2000 qui ont empêché les ménages d’accéder aux espaces centraux des villes devenus de plus en plus chers », estime encore Anne D’Orazio.
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Jean-Laurent Cassely et Jérôme Fourquet, auteurs de La France sous nos yeux, économie, paysages, nouveaux modes de vie (Seuil), parlent du « modèle Plaza majoritaire2 », du nom de l’animateur télé Stéphane Plaza. « Il représente dans l’imaginaire collectif l’idéal pavillonnaire avec terrasse, piscine, volets roulants, belle pelouse… et un certain rapport aux centres commerciaux et aux lieux de consommation. »
Cela dit, les enquêtes réalisées auprès des habitants de pavillons montrent une très grande diversité d’aménagements, de modes de vie et d’opinions politiques, infirmant toutes les critiques formulées jusqu’à présent.
L’effet jardin
En réalité, « aucune étude sérieuse ne met en exergue les points négatifs du modèle pavillonnaire », insiste Anne D’Orazio. Certes, la faible densité de l’habitat pavillonnaire entraîne une dépendance vis-à-vis de la voiture, mais le fait d’avoir un jardin instaure aussi une activité sociale plus locale et un moindre déplacement des habitants le week-end. Selon la chercheuse, « ce n’est pas tant la densité que nos modes de vie qui font la différence, en habitat individuel comme en collectif ».
Le placement en liquidation judiciaire, cet été, du groupe Geoxia, constructeur des maisons Phénix, Familiale ou Castor, interroge néanmoins. Lancée il y a 75 ans, son activité de construction de pavillons individuels a permis à de nombreux ménages peu fortunés d’accéder à la propriété. Pour les analystes du marché de l’immobilier, cette faillite résulte des erreurs du groupe et ne prouve pas que le modèle pavillonnaire est à bout de souffle.
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Pour convaincre les banques, la coopérative d’habitants
Il faut beaucoup d’imagination pour visualiser le futur microquartier de la Forêt des Groues, en plein cœur de Nanterre (92). En ce mois de juillet 2022, les ouvriers s’activent sur de grandes étendues de sable.
Sur les brochures colorées fournies par le groupe Lamotte, le promoteur qui pilote le projet, les jardins partagés sont matérialisés par d’énormes légumes multicolores et la coopérative d’habitants par un rectangle gris surmonté d’un toit végétalisé et d’une terrasse où sont installés de petits bonshommes blancs.
Cette « coopérative d’habitants » comprend sept logements de 60 à 135 m2 et des parties communes, pour un budget global de 2 millions d’euros environ. C’est « avant tout une démarche d’habitat participatif, pour impliquer fortement les futurs habitants dans la programmation, la conception et la gestion de leur immeuble », précise Rabia Enckell, fondatrice de Courtoisie urbaine, la société qui fait le lien entre le groupe de coopérateurs et le promoteur. La livraison du projet immobilier, qui comptera 150 logements au total, est prévue pour fin 2023.
Voilà déjà deux ans que ce projet de propriété collective est en cours de montage. Les membres, tous des Nanterriens « qui n’auraient pas pu avoir un logement sur ce projet-là, car ils n’ont pas accès aux prêts individuels », ne posséderont pas les murs de leur appartement, mais « des parts sociales dans une société coopérative d’habitat ».
Son modèle économique est assez complexe : l’épargne des habitants est transformée en capital social pour permettre à la coopérative de contracter en son nom un emprunt bancaire collectif pour acheter l’ensemble immobilier à l’opérateur.
Les coopérateurs ne versent pas un loyer, mais une redevance à la coopérative pour rembourser cet emprunt et financer la gestion de l’immeuble. « Au final, notre modèle revient moins cher aux habitants que du locatif social », affirme Rabia Enckell.
Plusieurs réunions collectives vont être organisées dans les mois à venir pour décider des aménagements et de l’organisation des espaces collectifs. Parmi ces derniers, certains seront accessibles aux propriétaires des logements conventionnels qui font aussi partie du projet du quartier de la Forêt des Groues. « Le logement de demain se réfléchit également autour du logement privatif », note la fondatrice de Courtoisie urbaine.
L’ensemble doit être livré début 2024. « Pour nous, c’est aussi un moyen de rendre les choses pérennes, les habitants s’approprient et s’investissent dans la copropriété qui dans trente ans sera dans un bien meilleur état qu’une copropriété traditionnelle », assure Marin Trihan, responsable de programme pour le Groupe Lamotte. Ce modèle de logement participatif s’annonce donc plus durable à plusieurs niveaux : social, économique et écologique. Et commence à se développer en France. L’Eurométropole de Strasbourg, l’un des territoires les plus avancés en la matière, compte déjà 22 projets aboutis. Cependant, la taille des immeubles reste modeste.
« L’habitat participatif est une dynamique d’habitants amorcée au début des années 2000 qui veut repenser les unités de voisinage (15 à 30 ménages maximum par projet) et la vie de quartier ou de village. Reconnu par la loi en 2014, l’habitat participatif reste marginal, mais offre des alternatives aux pouvoirs publics et intéresse les opérateurs immobiliers traditionnels qui souhaitent renouveler leur offre », souligne Anne D’Orazio, architecte urbaniste, maîtresse de conférences à l’ENSA Paris-La Villette et fondatrice de la chaire Le logement demain.
