Chauffage et eau chaude représentent les trois quarts de l’énergie consommée dans un logement. Or pour l’instant, l’essentiel provient du gaz, de l’électricité ou du fioul, des énergies souvent fossiles et donc polluantes.
Face au réchauffement climatique, le chauffage doit, comme les transports, entamer sa mue. D’ailleurs, à partir du 1er janvier 2022, il sera interdit d’installer ou de remplacer une chaudière au fioul.

Quant aux chaudières à gaz, leur installation est bannie depuis l’été 2021 dans les logements individuels neufs et à partir de 2024 dans les logements collectifs. Un sacré changement par rapport aux modèles en vigueur depuis des années.
En Chiffres
66 %
La part que représente le chauffage dans la consommation énergétique d’un foyer.
Chaufferie biomasse à Roissy
À ce jour, la solution respectueuse de l’environnement la plus exploitée est la biomasse végétale, c’est-à-dire le recours aux déchets verts ou au bois (sous forme de bûches, granulés, broyats, pellets ou copeaux). Ils sont brûlés dans des cheminées, des poêles ou alimentent une chaudière biomasse. « Avec les granulés, on peut facilement réguler les consommations en programmant un démarrage et un arrêt de combustion », souligne Simon Thouin, ingénieur Biomasse Énergie à l’Agence de la transition écologique (Ademe).
Une solution parfaitement traditionnelle, particulièrement efficace et qui convient aussi aux grands bâtiments. Dans une démarche de développement durable, l’aéroport Paris-Charles de Gaulle s’est ainsi équipé d’une chaufferie biomasse en 2012, qui satisfait 26 % des besoins du site. Mais les granulés chauffent aussi des établissements hospitaliers, des écoquartiers, des écoles, des logements sociaux, et ce, à des tarifs compétitifs.
Éco-mots
Développement durable
Façon d’organiser la société de manière à lui permettre d’exister sur le long terme et de concilier l'amélioration du bien-être des générations présentes et futures, en prenant en compte les impératifs comme la préservation de l’environnement.
« À l’avenir, tout ce qui est bois aura une voie beaucoup plus ouverte qu’elle ne l’était jusqu’à présent », jugeait Olivier Sidler, fondateur du bureau d’études Enertech dans une interview sur France Culture, en novembre 2020. Les usines d’incinération de déchets, en particulier ceux issus de l’agriculture, contribuent, elles, aussi à se chauffer « responsable » et sont, elles aussi, amenées à se multiplier.

La tactique des nappes phréatiques
Toutefois, le bois ne peut pas tout. La géothermie a également un bel avenir devant elle. Là, plus besoin d’acheter le moindre combustible ! Elle chauffe déjà la Maison de la Radio, à Paris. Cela consiste à récupérer l’énergie présente dans le sol grâce à des forages situés sous le bâtiment. On utilise alors la chaleur de la terre ou des nappes phréatiques.
« Il existe deux filières, précise Simon Thouin : la géothermie profonde, où l’on descend de 200 à 2 000 mètres de profondeur. On récupère entre 40 et 90 degrés et la chaleur est directement valorisée dans des réseaux de chaleur. La deuxième filière est celle de la géothermie dite de surface, où l’on descend à 200 mètres maximum. Dans ce cas, on fait circuler un fluide dans des sondes, sous la surface, puis on utilise une pompe à chaleur pour rehausser le niveau de température – et chauffer le bâtiment. »
On peut aussi bien chauffer que rafraîchir le bâtiment grâce à cette technique. Compte tenu de son coût élevé d’installation, la géothermie est particulièrement indiquée dans le cadre de bâtiments à usage collectif.
En Chiffres
7 millions
Nombre de logements mal isolés en France, qui consomment beaucoup d’énergie pour le chauffage.
Alice Chougnet, elle, est absolument convaincue de l’avenir radieux des géo-énergies. En 2018, elle a cofondé Geosophy, une start-up qui propose d’étudier au cas par cas, le potentiel de ce mode de régulation de la température en intérieur :
« Le sous-sol, c’est comme une grosse éponge, avec des pores au travers desquels peut s’écouler l’eau, décrit-elle. À environ 10 mètres sous terre, la température demeure constante toute l’année, quelle que soit la saison. Or ce que l’on souhaite, c’est réguler de même la température dans le logement, situé en surface. Pour cela, on peut s’appuyer sur deux technologies : soit un système ouvert où l’on prélève puis on renvoie l’eau à l’aide de deux puits menant vers une nappe phréatique, soit un système fermé, où l’on installe des tubes en forme de U sous la terre, dans lesquels on fait circuler un fluide qui se charge et se décharge en chaleur. »
Un investissement à rentabiliser
Ils sont intéressants dans le cas de bâtiments collectifs, là aussi afin de rentabiliser l’investissement de départ. « La géo-énergie est une solution d’avenir, car en adéquation avec l’objet même d’un bâtiment : un abri où l’on souhaite maintenir une température à peu près constante, tout au long de l’année. Locale, discrète, elle ne nécessite aucune terre rare », souligne l’entrepreneuse. Elle n’est cependant pas possible dans des sols pollués ou trop argileux.
À noter qu’il est également possible de se chauffer en produisant du biogaz à partir de la méthanisation des déchets ménagers et agricoles (lisier de porc, boues des stations d’épuration). Cette solution est toutefois peu répandue. De même, certains propriétaires de maisons individuelles neuves optent pour un chauffage par aérothermie.
Sachant que l’air extérieur contient toujours de la chaleur – y compris à des températures négatives, on tire profit de ces calories pour chauffer l’air intérieur, via une pompe à chaleur. « Dans ce cas, la performance énergétique est moindre qu’avec la géothermie, mais le coût à l’installation est aussi inférieur », précise l’ingénieur de l’Ademe.
Rénovation énergétique : 350 millions d’aides publiques
En France, les bâtiments génèrent 25 % du volume des émissions annuelles de CO2. Afin de réduire progressivement ces émissions et préserver notre environnement, l’État pourvoit un Fonds chaleur, géré par l’Ademe. Il soutient la production de chaleur à travers les énergies renouvelables (biomasse, géothermie, énergie solaire et de récupération) et a donné l’impulsion à la multiplication et rénovation des réseaux de chaleur.
Doté d’un budget annuel de 150 millions d’euros lors de sa première année d’existence en 2009, il a vu cette enveloppe augmenter significativement à partir de 2018. Pour 2021, le budget s’élève à 350 millions d’euros. De leur côté, les particuliers qui souhaitent opérer une transition de leur chauffage peuvent bénéficier d’aides publiques : le crédit d’impôt pour la transition énergétique, l’éco-prêt à taux zéro et le dispositif des certificats d’économies d’énergie.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) promulguée le 17 août 2015 a fixé les objectifs suivants : atteindre 38 % de la consommation finale de chaleur d’origine renouvelable en 2030 et multiplier par cinq la quantité de chaleur et de froid renouvelables ainsi que de récupération livrée par les réseaux de chaleur et de froid à ce même horizon 2030.
Mutualiser la distribution de la chaleur
Il existe par ailleurs une solution de transition massive : les réseaux de chaleur. Un tel réseau est composé d’une ou plusieurs unités de production de chaleur ainsi que d’un réseau de distribution de cette chaleur qui innerve tout un(e) quartier/ville, sous voiries et alimente des bâtiments, souvent à usage collectif (logements sociaux, centres hospitaliers, bâtiments communaux, écoles, etc.).
Présent en France dès le milieu du XXe siècle, ce service public représente aujourd’hui un moyen d’utiliser massivement les énergies décarbonées. Le territoire français en compte déjà 798, essentiellement répartis dans les grands centres urbains, car leur rentabilité économique dépend de leur densité thermique. À ce jour, ils sont alimentés à 59 % par des énergies renouvelables et de récupération, contre 31 % en 2010.

« Le déploiement de ces réseaux s’est accéléré depuis 10 ans, nous sommes passés de 24 000 bâtiments raccordés en 2009 à 41 000 aujourd’hui. Cette accélération s’est accompagnée d’une forte chute des émissions de CO2 : les réseaux de chaleur ayant dans le même temps opéré leur mue et intégré beaucoup plus d’énergies renouvelables dans leur mix énergétique. C’est une solution d’avenir, car elle s’adapte à la demande, permet d’agréger des sources d’énergie vertueuses », souligne Alexis Goldberg, directeur du marché des réseaux de chaleur urbains d’Engie Solutions.
Éco-mots
Mix énergétique
« Bouquet énergétique » qui désigne la répartition des différentes sources d’énergies utilisées pour les besoins énergétiques d'une zone géographique donnée. Au niveau mondial, il est dominé par les énergies fossiles.
Il estime que l’on peut s’attendre à un doublement du nombre de bâtiments raccordés d’ici à 2030. Un enthousiasme partagé par Simon Thouin : « Le potentiel des réseaux de chaleur est fort, à l’Ademe, nous leur donnons la priorité. La loi de transition énergétique fixe des objectifs très ambitieux en la matière. » L’avenir de ces réseaux, comme du chauffage en général, est donc au mix de solutions. Il faudra s’adapter aux ressources naturellement présentes sur un territoire et faire appel tantôt à la biomasse, tantôt à la géothermie ou à d’autres technologies.