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Environnement

Doit-on réguler davantage l’utilisation des jets privés ?

Les comptes qui traquent les trajets en jet privé des célébrités sur les réseaux sociaux gagnent en popularité et s'accompagne d'une demande de régulation plus forte du secteur. Pour quelle efficacité ? 

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© Laurent COUSIN/HAYTHAM-REA

Sur son compte Instagram, Pour l’Éco vous a posé la question. Une très large majorité, 85 %, de nos lecteurs et lectrices y est favorable. Après notre éclairage, quel sera votre avis ?

Il est des questions dans cette rubrique du magazine « C'est vous l'économiste » (la suppression de la redevance télé, le gel du prix de l’essence, le coût du bio…) qui ont divisé en deux notre lectorat. Pas celle-ci. La formulation y est sans doute pour quelque chose. De combien auraient bougé les résultats si le terme « interdire » avait remplacé le mot « réguler » ?

Nonobstant cette interrogation sémantique, quantifions tout d’abord le problème. Oui, un trajet en jet privé pollue indéniablement plus que tout autre forme de transport. En une seule heure de vol, un jet privé émet jusqu’à deux tonnes de CO2 – soit la limite de ce que devrait émettre un Français sur toute une année en 2050 pour respecter l’Accord de Paris – et cinq à 14 fois plus qu’un vol commercial équivalent1. C’est aussi 50 fois plus qu’un voyage en train. Sur un Paris-Nice, le jet émet environ 1 000 fois plus de CO2 que le TGV français roulant à l’électricité nucléaire décarbonée.

Oui, mais interdire tout jet de voler « ne refroidira pas la planète », répondent le porte-parole du gouvernement et les fédérations d’aviation. À l’échelle globale, les vols privés ne représentent que 2 % de l’ensemble des émissions du secteur aérien, qui ne représente lui-même qu’environ 2 % à 3 % des émissions de CO2, soit aux alentours de 0,09 % des émissions globales françaises, selon les données.

Quête d’équité

Mais il n’y a pas que les chiffres globaux. Chaque tonne de CO2 évitée est toujours bonne à prendre. Et surtout, selon plusieurs études2, la perception d’une forme de justice sociale devient un critère majeur dans l’évolution des comportements. « Les gens disent qu’ils sont plus disposés à changer leur mode de vie pour le climat si d’autres, en particulier les riches, changent également le leur », explique par exemple l’économiste Stéphanie Stancheva.

À lire aussi > Inégalités climatiques : oui, les riches polluent plus, mais d'autres facteurs jouent

Attention, répond toutefois le spécialiste François Gemenne dans une tribune dans Libération, à ne pas se contenter de pointer du doigt les plus aisés et faire semblant d’y voir une solution toute trouvée au défi climatique : « Si les comportements climaticides des nantis apparaissent – à juste titre – comme inacceptables aujourd’hui, traquer les déplacements du jet de Bernard Arnault sur Instagram nous donnerait presque l’impression [à tort] d’agir pour le climat. La focalisation sur les comportements les plus émetteurs de carbone risque de nous faire passer à côté de l’éléphant qui se trouve au milieu de la pièce : l’enracinement profond de nos démocraties et de nos économies dans les énergies fossiles. »​​​

Pour aller plus loin

1. “Private Jets : Can the Super rich Supercharge Zero-emission Aviation ?, Transport & Environnement, 2021.

2. “Fighting Climate Change : International Attitudes Toward Climate Policies”, NBER, 2022 et “Représentations sociales du changement climatique”, Ademe, 2021.