[Édito] "Le temps est venu de sortir du débat naïf sur la propreté des énergies."
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[Édito] "Le temps est venu de sortir du débat naïf sur la propreté des énergies."

Stéphane Marchand
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Pour Stéphane Marchand, directeur de la rédaction de Pour l'Éco, aucune source d'énergie ne peut avoir la prétention d'être parfaite. Pour sortir de l'impasse, deux solutions : sobriété et innovation.

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Au commencement, il y a l’article 4 de l’Accord de Paris (2015) qui veut contenir le réchauffement climatique sous la barre des deux degrés. Ensuite, la méthode choisie par la Commission européenne, la neutralité carbone avant 2050.

Pour y arriver, l’Europe veut réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre et donc fabriquer l’électricité non plus avec des énergies fossiles, qui émettent beaucoup de CO2, mais avec des énergies renouvelables comme l’éolien, le solaire ou la géothermie, qui en relâchent beaucoup moins.

À lire : Éolien, solaire, géothermie… Le pari de l'énergie verte bouleverse le réseau électrique

Là, les choses se compliquent.

Aujourd’hui, environ 20 % de la consommation énergétique européenne provient des renouvelables. Pour atteindre la neutralité à temps, il faudra beaucoup plus.

Des éoliennes pas si propres

Si le monde veut rester sous les deux degrés, affirme la Banque mondiale, la production d’infrastructures d’énergie renouvelable doit augmenter de 500 % d’ici 2050, ce qui entraînera l’extraction de trois milliards de tonnes de minéraux et de métaux comme le lithium, le graphite, le cobalt, le zinc, le titane, le cuivre, le nickel et l’aluminium. Sans oublier beaucoup de fer et d’acier.

En pratique, il faudrait dépasser largement les niveaux actuels d’extraction, les doubler dans le cas extrême du néodyme, ce composant clé des aimants des turbines d’éoliennes. Quand on sait que ces ressources sont souvent concentrées dans des pays où la régulation est molle, la perspective d’un désastre écologique et social est réelle. Ces renouvelables sont décidément très fossiles et pas très vertes…

Reste le nucléaire. Il émet très peu de CO2, mais peut-il appuyer massivement la marche à la neutralité carbone ? Pas tant que ça. En Europe, son acceptabilité est faible, les sites adéquats ne sont pas nombreux et les risques de prolifération inquiètent. Surtout, un regain du nucléaire se heurterait, là encore, à la rareté des métaux nécessaires pour créer la cuve et le cœur du réacteur des centrales.

À lire notre débat : Réchauffement climatique : peut-on se passer du nucléaire ?

Résumons. Le fossile est exclu, le renouvelable limité, le nucléaire bridé. Le temps est peut-être venu de sortir du débat naïf sur la propreté des énergies. Le vrai combat, c’est la sobriété.

Nos entreprises, nos administrations et les citoyens doivent progresser, se développer, tout en consommant moins d’énergie. C’est possible, ça s’appelle l’innovation. Et dans ce domaine, les champions européens ne manquent pas.

À voir : Sera-t-il possible de concilier croissance et climat ? La réponse de Philippe Aghion