1. Accueil
  2. Environnement
  3. Énergie
  4. Les quatre leviers stratégiques de Yoichi Kaya pour réduire les émissions de CO2

Environnement

Les quatre leviers stratégiques de Yoichi Kaya pour réduire les émissions de CO2

Puisque la population mondiale augmente, de même que le niveau de vie moyen, il est impératif de faire baisser à la fois l’intensité énergétique de l’économie mondiale et la teneur en carbone de son mix énergétique.

,

© Getty Images/iStockphoto

En 1993, l’économiste japonais Yoichi Kaya, spécialiste de l’énergie et de l’environnement, avait mis au point une équation mathématique pour prendre en compte les facteurs qui commandent les émissions mondiales de CO2, principal gaz responsable du réchauffement climatique et provenant des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel).

Pour lui, ces émissions sont le résultat de quatre facteurs liés : la population mondiale, le PIB par habitant, l’intensité énergétique de l’économie et le contenu en carbone des énergies utilisées. À partir de chaque facteur, de leur taille et évolution, il est possible d’estimer les stratégies aidant à limiter le réchauffement et à atteindre la neutralité carbone en 2050.

Pour y parvenir, indique le rapport 2022 du GIEC, il faudrait qu’au cours des sept prochaines années, les émissions mondiales soient divisées par deux. Ce qui implique de diviser d’autant chacun des facteurs de l’équation ou bien, si certains d’entre eux ne peuvent décroître rapidement, réduire encore davantage les autres facteurs. Passons-les en revue.

La population mondiale Elle dépasse aujourd’hui huit milliards (dont 81 % dans les pays en développement) et devrait culminer à près de 10 milliards en 2050. Plus de la moitié de l’augmentation proviendra de l’Afrique subsaharienne1, à forte fécondité. Mais comme l’inertie démographique est forte, il est difficile d’agir rapidement sur la population.

Le PIB par habitant Le niveau de vie mondial moyen a plus que doublé entre 2000 et 2021, indique la Banque mondiale. Et bien que l’extrême pauvreté ait reculé de manière spectaculaire, elle subsiste encore là où elle sera le plus difficile à éliminer, c’est-à-dire en Afrique subsaharienne, qui concentre 60 % de la population pauvre mondiale. Or pour se nourrir, se soigner, s’éduquer, se loger, se déplacer etc., et offrir des conditions de vie et de travail décentes, notamment en se libérant de la force musculaire humaine peu productive, mais dont dépendent encore bon nombre de pays pauvres, l’accès à l’énergie est essentiel.

Les pays développés au défi

L’énergie C’est une condition au développement, à l’élimination de la pauvreté et à la réduction des inégalités. Toutefois, près de 775 millions d’habitants de la planète vivent encore sans électricité en 20222 et l’insécurité alimentaire concerne toujours plus de 30 % de la population mondiale3. Aujourd’hui, plus de 80 % de l’énergie mondiale provient des énergies fossiles et ce devrait être encore près de 77 % en 2040. Pourtant la revue Nature4 indique que « d’ici 2050, près de 60 % du pétrole et 90 % du charbon devront rester non extraits pour respecter un budget carbone correspondant à une hausse des températures de 1,5 °C ».

Appliquons l’identité de Kaya : puisque la population mondiale augmente, de même que le niveau de vie moyen, il faut davantage faire baisser les deux autres facteurs : d’une part l’intensité énergétique de l’économie mondiale, c’est-à-dire la quantité d’énergie nécessaire pour produire, d’autre part la teneur en carbone du mix énergétique mondial, cette teneur variant selon les énergies utilisées (fossiles, renouvelables, nucléaire…). Heureusement, ces deux facteurs s’améliorent en raison des gains d’efficacité énergétique des processus de production, des progrès technologiques générateurs d’économies d’énergie et des efforts de décarbonation liés aux technologies nucléaire, solaire et éolienne, tout cela favorisant le découplage entre croissance économique et émissions de CO2. Depuis 1990, la quantité de CO2 émise par unité de PIB mondial a diminué d’un tiers, le PIB a été multiplié par 2,55, et les pays développés, hier responsables de 75 % des émissions mondiales, n’en émettent plus qu’un tiers désormais. Les défis concernent encore les modes de vie dans les pays développés et l’intégration des pays pauvres dans les stratégies climatiques.

1. « Perspectives de la population mondiale », ONU, 2022.

2. Agence internationale de l’énergie, 2022.

3. Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 2021.

4. « Combustibles fossiles non extractibles dans un monde à 1,5 °C », D. Welsby, J. Price, S. Pye, Nature, 2021.

5. Ministère de la Transition écologique, données 2022.