Economie

Fiscalité verte contre externalités négatives : pas de baisse à la pompe  

Baisser les taxes sur l’essence alors que le prix du litre tourne autour des 2 euros, ce serait extrêmement populaire. Le gouvernement refuse, au nom du climat. Il a raison ?

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© Dall-E

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C’est une barre symbolique: en moyenne, l’essence (SP98) coûte 2 euros le litre à la pompe. Sur un an, la hausse est de près de 30 %.

Les « coupables » ? Une partie de la faute revient aux pays producteurs de pétrole, Russie et Arabie saoudite en tête, qui ralentissent leur production pour faire monter les prix et gonfler leurs revenus. Vendredi soir, le baril de pétrole s’est échangé à 88,90 dollars sur les marchés, un record depuis janvier.

Mais il y a d'autres responsables : les taxes, qui représentent entre 50% et 60 % du montant payé à la pompe. 

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Face à cette situation, certains politiques et professionnels du transport réclament une baisse de ces taxes sur les carburants. C’est le cas de Xavier Bertrand, président des Hauts de France, demandait en fin de semaine dernière une ristourne de 15 à 20 centimes le litre pour soulager le pouvoir d’achat des Français.

Pas question a répondu le ministre de l’Économie dimanche sur le plateau de BFM TV ! Pour Bruno Le Maire, ce ne serait pas « responsable », pointant le coût élevé pour les finances publiques (12 milliards d’euros).

Mais, s’il a écarté cette option, c’est aussi qu’il ne la juge « pas cohérente avec nos engagements climatiques ». Un large consensus existe entre les économistes en faveur d’une fiscalité plus élevée sur les activités polluantes.

Mais les hommes et femmes politiques sont parfois réticents à l'admettre, au nom du pouvoir d’achat et par crainte de troubles sociaux de type "gilets jaunes" - un mouvement social qui avait débuté contre une taxe verte, la taxe carbone.

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Si les économistes sont si favorables à une plus grande taxation du carburant, c'est en raison de ses multiples externalités négatives, c’est-à-dire des effets indésirables pour l'ensemble de la société qui ne sont pas entièrement pris en compte dans le prix payé par les consommateurs/producteurs : émissions de gaz à effet de serre, pollution, bruit, coût des accidents de la route...

Or, les prélèvements sur les automobilistes (essentiellement la fiscalité sur les carburants et les péages) ne couvrent en moyenne qu’un tiers des externalités négatives de la circulation selon une étude de la Direction générale du Trésor

D’où l’idée, en dépit de son impopularité, de ne pas baisser le coût de l’essence et même de renforcer la fiscalité verte dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique.​​​​

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Contre les externalités négatives, la fiscalité verte veut inciter les agents économiques à adopter des comportements plus respectueux de l’environnement, en intégrant dans le prix des biens et des services les coûts liés à leur impact écologique.

Elle peut prendre la forme de taxes sur les activités polluantes (comme la TICPE, une taxe qui s’applique aux carburants fossiles comme le pétrole ou le gaz), ou à l’inverse de subventions ou de crédits d’impôt, pour encourager les comportements plus vertueux (primes pour la rénovation énergétique des logements, subventions à l’achat de véhicules électriques…)

Ce "signal-prix" fonctionne : plus le carburant coûte cher, moins les Français utilisent leur voiture. Lorsque les prix augmentent de 1 %, les volumes de carburant achetés par les automobilistes diminuent à court terme, de 0,21 % à 0,40 %, analyse une étude de l’INSEE menée ces deux dernières années.

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Seulement, la fiscalité verte a un gros défaut : elle est souvent très inégalitaire. Les dépenses énergétiques représentent en moyenne une plus grande part des dépenses pour les Français les plus modestes : ils ont de plus grandes chances d’habiter loin des centres-villes, habitent plus souvent dans des passoires thermiques, et n’ont pas les moyens d’acheter un véhicule électrique.

D’où un consensus très fort des économistes pour rendre la fiscalité écologique la plus progressive possible.

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« Les Français ne croient pas la taxe carbone très efficace pour lutter contre le changement climatique. Et surtout, des croyances pessimistes sont à l’œuvre : une majorité d’habitants se voient y perdre financièrement, imaginent les ménages modestes subir cette taxe et pensent que seuls les ménages aisés vont plutôt en bénéficier. Avec une redistribution des recettes climatiques, c’est pourtant le contraire qui se produirait. »

Adrien Fabre, économiste de l’environnement. Entretien avec Pour l’Éco, 2022.

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