Economie

Flambée des prix de l'électricité : quelles conséquences sur ma facture

Les factures d'électricité augmentent et vont continuer à augmenter. Pourquoi ? 

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© Pexels

1 000 euros, c'est le seuil symbolique qu'a franchi le prix du mégawattheure (mWh) vendredi 26 août 2022. Début 2021, il était de... 45 euros puis été monté à 100 euros neuf mois plus tard, en septembre 2021. Le doublement de ce prix de l’électricité sur les marchés à terme avait déjà obligé le gouvernement à réagir.

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Marché à terme

Transaction qui s’exécutera à une date postérieure. Ici, la livraison de l’électricité est prévue à un, deux ou trois ans. 

Le Premier ministre Jean Castex s'était exprimé à la télévision jeudi 30 septembre, à propos d'un « bouclier tarifaire ». Il avait présenté trois points :

- Une rallonge de 100 euros pour les 5,8 millions de ménages modestes ayant droit au chèque énergie, 

- Le gel des tarifs réglementés du gaz (voir plus bas) pour les sept prochains mois. Il s'agit en fait d'un lissage de la hausse ponctuelle actuelle sur une longue période : le gouvernement parie là sur une baisse du prix du gaz au printemps pour répercuter la hausse hivernale progressivement plus tard dans l'année. 

- Le plafonnement de la hausse des prix de l'électricité à + 4 % pour le consommateur jusqu'en février 2023. Pour cela, le gouvernement accepte de diminuer fortement les taxes (voir plus bas). Un effort budgétaire d'environ 4 milliards d'euros. 

L'augmentation a continué à s’inscrire sur la facture des Français. Pour l’Éco vous explique tous les mécanismes à l'œuvre en quatre questions. 

À quel point les prix ont-ils augmenté ces derniers mois ? 

Selon l’origine de l’électricité, les tarifs ont connu une hausse allant jusqu'à + 55 % sur les marchés de gros (l'interface entre les fabricants et les détaillants). Les factures des particuliers ont, elles, enregistré une variation incomparablement plus subtile.

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Les tarifs réglementés de vente de l'électricité ont augmenté de 1,6 % en février 2021, puis de 0,48 % en août 2021, soit quatre euros par an en moyenne.

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Tarif réglementé

Prix de vente de l'électricité fixé par les pouvoirs publics après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), gendarme du secteur.

Plusieurs facteurs expliquent une telle différence entre les prix pratiqués sur les marchés de gros et celui pratiqué pour les particuliers. 

La temporalité déjà : les contrats qui augmentent le plus rapidement sont des contrats à un, deux ou trois ans. Le stress des marchés ne se répercutera sur les factures qu’une fois ces contrats écoulés, à partir de février 2022, moment où les tarifs réglementés seront réévalués. Selon UFC-Que choisir, ils pourraient atteindre + 10 %.

En Chiffres

42 euros

Consommation moyenne d'un foyer français selon TotalEnergies.

Aussi, la hausse du prix de l’électricité n’est pas directement proportionnelle aux montants facturés par les fournisseurs pour une raison simple : la consommation d’électricité ne représente qu’une part de ce que paient véritablement les particuliers. D’autres coûts viennent s’ajouter. 

1. L’abonnement (environ 0,40 €/jour selon le type de compteur) intègre :

- les coûts d’acheminement de l’énergie jusqu’à chaque compteur. Prélevés identiquement par tous les fournisseurs d’électricité et reversés au distributeur et au transporteur, ils servent à financer l’entretien du réseau et des compteurs. La CRE fixe les tarifs une fois par an.

- les coûts fixes commerciaux, comme la gestion de la relation clientèle et documents d’informations à destination des clients. Ces montants d’abonnement varient d’un fournisseur à l’autre.

2. La consommation : environ 0,11 €/kWh. En France, un foyer consomme en moyenne 390 kWh par mois, soit 42 euros.

3. Les taxes

- Contribution tarifaire d’acheminement électricité (CTA, 27,04 % de la consommation). Elle sert à financer les retraites des employés des industries électriques et gazières. 

- Contribution service public électricité (CSPE), fixée par les collectivités locales. Elle compense les charges de service public de l’électricité et finance le développement des énergies renouvelables.

- Taxes départementale et communale sur la consommation finale électricité (TCCFE) 

- TVA (5,5 %)

Carbone, la taxe avant les taxes 

Un autre facteur contribue à alourdir nos factures d’électricité, l’augmentation du prix du carbone sur le marché européen. Cette taxe ne figure pas sur le document mensuel reçu par les particuliers parce qu’elle est prélevée en amont : les producteurs sur les marchés de gros répercutent son coût sur le prix de l’électricité. Elle fluctue en fonction des quotas échangés et se situe en ce moment à plus de 60 euros par tonne de CO2 émise. 

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Les taxes qui, elles, figurent bien sur la facture d’électricité ont aussi connu une augmentation, particulièrement entre 2015 et 2018. Après le mouvement des « gilets jaunes », une partie des taxes a été gelée et n’a pas évolué depuis. Mais la CRE a sommé de « réévaluer des tarifs liés à des montants non couverts en 2019 » comme le coût d’approvisionnement.

Comment évolue la part « consommation » de notre facture ? 

Le marché de l’électricité est européen. Il existe bien une production française, mais elle ne fonctionne pas indépendamment des autres productions européennes. Tous les watts produits en Allemagne, en Bulgarie ou en Pologne sont distribués dans un même réseau. 

Ils ne proviennent pas non plus des mêmes sources (charbon, nucléaire, gaz, éolien, solaire, etc.), raison pour laquelle les marchés de l’électricité et du gaz sont liés. 

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De fait, le prix du mWh est basé sur le coût de production de l'électricité par la dernière centrale thermique en activité en cas de pic de demande. « Celle-ci se trouve... en Allemagne et fonctionne au gaz », explique le journal Les Echos

En France, la concurrence est factice dans l’électricité, tous les opérateurs dépendant grosso modo de la production [nucléaire] d’EDF.
François Carlier,

délégué général de l’association de consommateurs Consommation, logement et cadre de vie.

Cette centrale allemande de gaz sert donc de référence. Or le prix du gaz a explosé : depuis le début de l'année 2021, les cours ont été multipliés par plus de trois sur les marchés de gros. Sur la facture de gaz des particuliers, cela revient à une hausse de 55 % par rapport à l’été 2020 (en pleine crise sanitaire, les prix étaient alors au plus bas). 

La hausse du prix de l’électricité sur les marchés est-elle le signe d’une raréfaction ? 

Dans une économie de marché soumise à la loi de l’offre et de la demande, la hausse d’un prix est souvent le reflet d’un manque d’offre ou d’une demande accrue. Le printemps 2021, plus froid que la normale, et une exportation asiatique en hausse, confirment cette hypothèse. Couplée à une importation difficile de gaz russe, on assiste en ce moment à une diminution des stocks. 

L’Union européenne a aussi diminué sa production d’électricité issue du nucléaire (-10,5 %) et du charbon (-20 %), des baisses que les énergies renouvelables n’ont pas compensées (+14,8 %).

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Les énergies renouvelables ont dépassé pour la première fois les énergies fossiles : elles représentaient 40 % de la production d'électricité au 1er semestre 2020 contre 35 % pour le fossile dans le mix énergétique européen, selon le think tank Ember.

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L’État peut-il influer sur ces marchés ? 

Oui, il le faisait déjà et a amplifié son intervention. Toutes les fluctuations financières citées plus haut ne concernent que 30 % de l’électricité distribuée en France. Les 70 % restants dépendent de l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) ou de contrats à long terme. 

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Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh)

Mécanisme économique créé en 2010 par les autorités publiques françaises obligeant EDF à vendre 100 000 mWh par an, soit environ 25 % de la production de son parc nucléaire, à 42 €/mWh. 

Pour faire baisser le prix moyen de l’électricité, l’État a obligé EDF à distribuer sur les marchés une partie de sa production à un tarif avantageux, parfois même à perte. Ce dernier doit tout de même refléter les conditions économiques de production de l’électricité liées à l’atome. 

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… Ce qu’il ne fait pas, si l’on en croit ses détracteurs. Ce tarif ne tient pas compte de l’intégralité des coûts du nucléaire, comme l’entretien des centrales ou l’enfouissement des déchets radioactifs. Maintenu artificiellement bas, il amoindrirait la compétitivité des énergies renouvelables, encore émergentes et donc plus coûteuses. 

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Depuis 2007, ce savant mélange d’ouverture et de régulation du marché, pensé dans une logique de transition énergétique et de protection des consommateurs, est critiqué. 

« Avec une production d’électricité aux trois quarts assurée par le nucléaire, cela n’avait aucun sens, déclarait François Carlier, délégué général de l’association de consommateurs CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) au Parisien. Au mieux, ça n’a servi à rien, puisque la concurrence est factice dans l’électricité, tous les opérateurs dépendant grosso modo de la production d’EDF. Au pire, cela a créé des effets pervers. »

In fine, aucun des objectifs initiaux n’a été atteint, si l’on en croit Dominique Plihon, membre des Économistes atterrés : « Le bilan de deux décennies de libéralisation du marché de l’électricité est négatif, en France comme à l’étranger, car cette politique a conduit à un alourdissement de la facture des usagers et à un déficit d’investissement, au moment où des investissements massifs sont requis pour décarboner notre économie. »

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