L’essentiel
- L’étalement urbain est incompatible avec la transition écologique, mais la maison individuelle fait toujours rêver les Français.
- Construire plus vert reste plus cher à court terme.
- La rénovation individuelle reste également coûteuse et se fait à un rythme trop faible
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En octobre 2021, la ministre du logement, Emmanuelle Wargon a jeté un pavé dans la mare en déclarant : « le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène dans une impasse ». Dans le détail, elle indiquait qu’il s’agit d’un rêve construit pour les Français dans les années 70, un modèle d’urbanisation entièrement dépendant de la voiture, notamment en ce qui concerne les lotissements isolés sans aucun service.
Un rêve Français
Pourtant, près de 75 % des Français voudraient posséder une maison. Il s’agit parfois du projet de toute une vie, bien ancré comme le montrent depuis les années 70 la saga publicitaire de l’« ami Ricoré » et plus récemment le succès des émissions de home staging de Stéphane Plazza sur M6.
L’épidémie de Covid-19 a renforcé ce phénomène. Les prix immobiliers élevés à Paris, le désir de pousser les murs, le plaisir d’organiser des barbecues, et les possibilités offertes par le télétravail ont conduit à une ruée sur les maisons situées en zones périurbaines et à la campagne.
À ce titre, en juillet dernier, les notaires indiquaient que « depuis le 4ème trimestre 2020, la hausse est davantage marquée pour les maisons (+9,3 % en un an au 1er trimestre 2022) que pour les appartements (+4,7 % sur la même période) ». Cette tendance est aussi renforcée par les achats de résidences secondaires, notamment en zones littorales. Dans certaines campagnes, le stock de maisons à vendre s’est même effondré dans la période post-Covid.
Des impacts indéniables
Du point de vue écologique, pour loger le même nombre de personnes, il faut bétonner plus de terrain avec des maisons individuelles qu’avec un seul immeuble collectif. Cet étalement participe à l’artificialisation des sols.
Ce qu’on craint par-là, c’est la raréfaction des terres agricoles ou de zones propices à la biodiversité, ainsi qu’un impact accru des inondations. De même, lors de la dernière période de sécheresse cet été, de nombreuses voix sur les réseaux sociaux ont condamné l’arrosage des pelouses et le remplissage des piscines dans les résidences privées.
Emmanuelle Wargon n’a pas tort non plus de dire que quitter les centres-villes génère du CO2 : achat d’une seconde voiture, accompagnement des enfants à leurs diverses activités, allers-retours au travail en voiture thermique…
Hausse des frais de construction
Face à ces constats, l’État a serré la vis. L’installation d’équipements de chauffage ou de production d’eau chaude fonctionnant au fioul est interdite depuis juillet 2022. Et, la réglementation environnementale RE 2020 pour les bâtiments neufs a renforcé les obligations en matière d’isolation et prône l’utilisation d’énergie peu carbonée comme les pompes à chaleur.
Revers de la médaille, la RE 2020 fait monter les coûts de construction de 5 à 10 % selon les régions par rapport à l’ancienne Réglementation thermique RT 2012. Mais, cet effort initial serait rapidement amorti via la réduction de la facture de chauffage. Pour la Fédération française du bâtiment, ces surcoûts expliqueraient en partie pourquoi les ventes de maisons individuelles neuves sont en baisse de 27 % en glissement annuel sur les huit premiers mois de 2022.
D’autres causes sont cependant citées comme la moindre accessibilité aux prêts bancaires, la flambée des prix des matériaux de construction et du foncier, que la FFB lie d’ailleurs à l’anticipation de l’objectif de Zéro artificialisation nette.
Zéro artificialisation nette
Objectif fixé de politique publique française pour 2050. la démarche consiste à réduire au maximum l’extension des villes en limitant les constructions sur des espaces naturels ou agricoles et en compensant l’urbanisation par une plus grande place accordée à la nature dans la ville.
Une autre piste jugée prometteuse, la « densification douce », consiste d’ailleurs à construire des logements dans un tissu urbain déjà existant, tout particulièrement pavillonnaire, via par exemple la division parcellaire ou la surélévation. Elle favorise l’accueil de nouveaux ménages, sans changement majeur des caractéristiques du cadre préexistant.
Des rénovations au compte-goutte
Il faut aussi savoir que sur 16,5 millions de maisons individuelles en résidence principale en France métropolitaine, près de 7 millions sont des passoires thermiques. Du fait de l’inflation récente, une rénovation complète et efficiente coûterait environ 500€ par mètre carré. Des aides pour lancer les travaux nécessaires existent, comme MaPrimeRénov'. Néanmoins, face à un « reste à charge » jugé élevé, de nombreux propriétaires se contentent de rénovations partielles.
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Cela semble pourtant d’un investissement de « bon père de famille », puisqu’une étude des Notaires de France portant sur 2020 a montré qu’une maison bien isolée peut se vendre jusqu’à 12 % plus chère qu’un bien équivalent moyennement performant.
Si les mesures d’accompagnement de l’État sont indispensables, tous les ménages ne pourront pas mener de front la rénovation de leur maison et l’achat de voitures électriques, qui plus est dans le contexte actuel et quand la taxe foncière s’envole.
Quoi qu’il en soit, il serait injuste de crier haro sur les pavillons, car selon la Fondation Abbé Pierre, l’Île-de-France, où prédomine l’habitat collectif, représente 18 % de la population nationale mais 24 % des ménages vivant dans des passoires énergétiques.
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Dans le programme de SES
Terminale. « Quelle action publique pour l’environnement ? »