« Vos batteries au lithium nous mènent au funérarium », pouvait-on lire devant la mairie de Lyon, à l’automne dernier, lors d’une énième manifestation contre les trottinettes électriques en libre-service, menée par Extinction Rebellion.
Ce groupe d’activistes, qui prône la désobéissance civile au nom de la défense de l’environnement, recouvre régulièrement de peinture les QR codes servant à activer ces engins via un smartphone, les rendant ainsi temporairement inutilisables. Ce qui leur est reproché ? De polluer bien plus que ce que leurs constructeurs sont prêts à reconnaître.

Anne de Bortoli, chercheuse en durabilité des transports à l’École des Ponts ParisTech, a mené des études sur le cycle de vie des trottinettes électriques en free floating. Celles-ci révèlent qu’en 2019, la première génération de véhicules rejetait 110 g de CO2 équivalent par kilomètre, soit deux fois moins qu’un trajet en voiture, mais 10 fois plus qu’un trajet en métro.
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Aujourd’hui, avec les nouveaux engins, ces émissions auraient été ramenées à environ 60 g de CO2 équivalent par kilomètre.
Cette évolution s’explique principalement par des trottinettes plus robustes et des véhicules de service (qui transportent les trottinettes pour les recharger) moins impactants pour le climat.
« Leur performance reste plus proche des transports en commun que de la mobilité thermique, assure Anne de Bortoli, mais un quart des déplacements en trottinettes partagées étaient auparavant effectués à pied ou à vélo, ce qui n’arrange pas le bilan carbone global de nos déplacements. »
Il reste beaucoup d’efforts à faire au niveau de la conception, d’après la chercheuse : « Actuellement, l’essentiel des émissions carbone est lié à la fabrication des trottinettes en aluminium en Chine et à leur durée de vie encore courte (7 300 km en moyenne). »
Ce dernier facteur est évalué en laboratoire par les constructeurs qui fournissent ensuite leurs résultats aux chercheurs, ce qui jette un doute sur la fiabilité de ces données. En revanche, pour la batterie au lithium-ion, utilisée dans les vélos et trottinettes connectées, mais aussi dans nos téléphones portables, son impact reste faible.
« Pour un vélo à assistance électrique (VAE), la batterie représentait 4 % des émissions de CO2 de manufacture. Et son recyclage assure un gain de 7 kg de CO2 équivalent carbone, ce n’est pas négligeable », souligne Anne de Bortoli.
C’est donc sur ce point que les acteurs du secteur ont décidé d’accentuer leur communication ces derniers mois. La Fédération des professionnels de la micro-mobilité (FP2M) a ainsi chargé l’éco-organisme Screlec de collecter et de faire recycler les batteries des engins produits par ses membres.
Ce processus est une obligation légale puisque « tout metteur sur le marché de ce type de véhicule doit déclarer l’ensemble des équipements mis sur le marché et ce qu’il a collecté et recyclé », rappelle Sylvain Dia, chargé du projet au Screlec.
Un prix par batterie collectée a été négocié entre les deux parties : « Grâce à ces éco-contributions versées par le producteur, nous supervisons l’ensemble de la filière, conformément à la réglementation en vigueur. » Le processus est effectivement très réglementé en raison des nombreuses matières dangereuses composant ces batteries au lithium-ion. En France, la Screlec travaille avec deux centres de recyclage habilités, capables de recycler près de 60 % de leurs composants (la loi impose 50 %).
Le vélo règne toujours
Pour le reste, la fédération assure que la structuration du marché favorise une meilleure durabilité des engins. Si le nombre d’acteurs demeure difficile à évaluer – on constate tous les jours de nouveaux arrivants sur le marché –, les opérateurs autorisés dans l’espace public ont été considérablement encadrés par les pouvoirs publics locaux.
Qui plus est, les trottinettes électriques personnelles sont nettement moins émettrices de CO2 que celles en libre-service et elles sont plus nombreuses. Enfin, il y a « un vrai mouvement de réimplantation de la chaîne de fabrication des vélos VAE en Europe », soutient Jocelyn Loumeto, délégué général de la FP2M.
« Ce n’est pas encore le cas pour les trottinettes fabriquées à 95 % en Chine, le marché est trop récent, les coûts sont tirés vers le bas. Cela devrait changer avec l’arrivée de modèles plus premium, une hausse du prix moyen et donc une plus grande exigence. »
Une évolution qui pourrait se concrétiser très vite, car selon la FP2M, les volumes de ventes des trottinettes électriques ont dépassé en 2019 ceux des VAE (500 000 contre 400 000 engins vendus), mais au global, le vélo, mécanique et électrique, reste le grand gagnant avec près de 2,7 millions d'unités vendues chaque année.

En 2020, 514 672 vélos électriques ont été vendus (+19 %) pour une valeur de plus d’un milliard d’euros (+58 % !) et un prix moyen de 2 079 euros (+21 %).
Source : Union Sport et & Cycle.