Economie

Le biocarburant, solution miracle pour faire rouler les bus ?

En septembre dernier, la société de transport LK Kunegel a annoncé que la majorité de ses autocars rouleraient désormais au biocarburant. Mais attention, la ressource est rare, il n’y en aura pas pour tout le monde.

Elsa Ferreira
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© Kunegel

Certaines transformations radicales se font en douceur. En septembre 2022, Daniel Kunegel, patron de la société de transport LK Kunegel fondée par son grand-père 87 ans plus tôt à Colmar, a passé 350 de ses 550 autocars au biocarburant. Une transition techniquement facile et financièrement abordable : « On était subjugués par cette solution qui existait, mais dont personne ne parlait. » Ce diesel de synthèse, nommé Izipure, est une Huile végétale hydrotraitée (HVO) issue de déchets comme les huiles de friture, industrielles ou graisses animales, collectés puis transformés dans une usine à Rotterdam. L’huile est ensuite transportée par barge sur le Rhin et stockée à Mulhouse, avant d’être livrée par des camions qui roulent eux-mêmes au HVO. « En somme, un carburant en circuit court », plaisante à peine le chef d’entreprise, et une solution vertueuse et efficace. Par ce simple changement, Daniel Kunegel permet de baisser les émissions de CO2 de ses véhicules d’au moins 85 % (30 % pour les particules fines).

La bascule est rapide : après la découverte du biocarburant, il a fallu moins d’un an pour le mettre en place. « Cette solution ne nécessite aucune transformation », explique le dirigeant, et aucune adaptation matérielle : ses autocars, qu’il remplace régulièrement afin de rester dans les normes les moins polluantes, sont compatibles avec ce carburant. Le patron a simplement fait nettoyer ses cuves. Pas de formation spécifique pour les chauffeurs non plus : la prise de carburant reste la même, la conduite aussi.

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Un peu plus cher

Seul changement, Izipure est un peu plus onéreuse au litre qu’un carburant classique : un surcoût évalué par le dirigeant à 3 000 euros par an et par véhicule. « Ce n’est pas rien, mais c’est sans commune mesure avec d’autres solutions », explique-t-il. Et de citer l’électrique, alternative actuellement privilégiée dans le transport.

Il déroule ses calculs. Un autocar classique coûte en moyenne 200 000 euros. Un véhicule au gaz naturel coûte environ 30 % plus cher à l’achat ; un électrique deux fois plus cher (sans compter que leur autonomie n’est pas encore adaptée au transport interurbain, activité centrale de LK Kunegel) ; et un car à hydrogène, qui permet davantage d’autonomie, coûte au moins 700 000 euros. Des investissements énormes auxquels il faut ajouter des infrastructures : une station à compression pour le gaz naturel (environ 800 000 euros), des transformateurs et des tranchées pour alimenter les places de parking pour l’option électrique. Parce qu’elle est abordable, Daniel Kunegel peut déployer sa solution sur l’ensemble de sa flotte. « Je préfère avoir une solution transitoire qui a un impact sur une échelle très importante plutôt que d’investir des sommes monstrueuses et avoir deux véhicules qui tournent avec une technologie pas encore mature. »

Seule ombre au tableau : la disponibilité du carburant. La ressource provient de la collecte des déchets, elle est donc épuisable. À la suite de l’annonce médiatisée de l’entreprise, de nombreuses compagnies de transport ont manifesté leur intérêt. L’aéronautique aussi se penche sur la solution, mais la consommation d’un avion n’a rien à voir avec celle d’un autocar. Si les solutions technologiques existent, le risque de détournement des ressources aussi. D’ailleurs, pour se protéger, LK Kunegel a signé avec Bolloré Energy, son fournisseur, un contrat d’approvisionnement de sept ans.

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Solution provisoire

Le patron l’assume : sa solution est transitoire. « Notre but est de ramener à zéro nos émissions de carbone et de particules fines. Cela passera par des vraies technologies de rupture. » Mais il faudra pour cela ouvrir les perspectives d’innovation. « Pendant des années, nous avons été mono-énergie », regrette-t-il. Dans le futur, il faudra adapter la source aux usages : de l’électrique pour l’espace urbain, de l’hydrogène ou des biocarburants pour l’interurbain, autre chose encore pour les transports européens.

Daniel Kunegel agit aussi sur d’autres leviers. Il a notamment mis en place une prime à l’éco-conduite afin que les conducteurs soient financièrement intéressés à baisser leur niveau de consommation. La formule, mise au point au fil des années par les formateurs internes chargés d’accompagner les chauffeurs, permet de calculer un standard d’émission en fonction du type de véhicule, de sa taille, de son année de fabrication ou du type de relief dans lequel le conducteur évolue. « Un autocar de tourisme avec toutes ses fonctionnalités de confort consomme davantage qu’un bus de transport scolaire », pose le dirigeant. Chaque chauffeur a également son autocar attitré. « C’est son outil de travail, il le connaît et en prend soin. » Ceux qui dépassent le standard seront formés pour baisser leur consommation ; ceux qui sont en dessous bénéficient d’une prime. « La réaction des chauffeurs est encourageante, affirme Daniel Kunegel. Cela crée une émulation, des discussions. » Du coup, la solution a été étendue au personnel administratif et sédentaire, avec une prime basée sur la consommation d’électricité, de gaz, la réduction du papier…

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