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Environnement

Le bois de construction, un outil pour enrayer les émissions de CO2

Face aux émissions de carbone significatives dans le secteur de la construction, le matériau, moins polluant que le béton, devient incontournable.

Adeline Raynal
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Un matériau attirait l’œil lorsque le visage du futur village olympique français de 2024 a été dévoilé, en novembre dernier : au fil des images présentées défilait une profusion d’immeubles en bois. Solideo, l’établissement public chargé de superviser les chantiers des Jeux olympiques parisiens a en effet engagé les entreprises impliquées à construire dans ce matériau les immeubles jusqu’à huit étages.

Il vise ainsi une réduction de 40 % de l’empreinte carbone des bâtiments par rapport aux constructions classiques actuelles. Le bois, matériau traditionnel s’il en est, prend un nouvel élan. Le chiffre d’affaires des constructions boisées a progressé de 13 % en 2018 par rapport à 2016, d’après l’enquête nationale portant sur l’activité 2018, publiée par Codifab et l’interprofession France Bois Forêt. En 2018, 25 655 logements ont été construits dans ce matériau en France, 20 % de plus qu’en 2016.

Bon pour le rythme cardiaque ?

Il n’est pas nécessaire d’attendre 2024 et l’inauguration du village olympique parisien pour admirer des bâtiments innovants faisant la part belle au bois. À Perthe-en-Gâtinais, en Seine et Marne, l’école maternelle La Ruche, conçue par le cabinet d’architectes Tracks, s’est vu décerner le premier prix de la Construction bois 2019. Fin novembre, L’Écrin des Hautes-Alpes, un grand chalet réalisé en mélèze sous l’égide du promoteur Sopri, a reçu une médaille d’or lors de l’édition 2019 du Challenge de l’habitat innovant.

Les jeux olympiques de Tokyo, qui devaient se tenir durant l’été 2020 mais qui ont été annulé en raison de la pandémie, le stade pensé par l’architecte japonais Kengo Kuma, se démarquait par sa structure en partie boisée et aux coursives de circulation du public plantées d’arbres. En Norvège, au Canada, mais aussi en France, des tours en bois de plus de 50 mètres sortent de terre. À Bordeaux, par exemple, Eiffage Immobilier est en train d’édifier la future tour Hypérion de 57 mètres, imaginée par l’architecte Jean-Paul Viguier.

Il s’agira d’un ensemble mixte composé de logements, bureaux et commerce. Les occupants devraient pouvoir y expérimenter des impacts positifs sur leur bien-être, leur rythme cardiaque et même sur leur productivité, à en croire des études canadiennes et françaises sur les bienfaits de la vie dans des bâtiments en bois.

Investissements en série

"Bien que le bois demeure pour l’instant une niche, cet essor est réel. Il est soutenu par les politiques publiques depuis environ une dizaine d’années", souligne Corentin Desmichelle, architecte spécialisé dans les matériaux biosourcés à Chartres. En 2013, le plan gouvernemental Industrie du futur souhaitait encourager le bois. La France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050.

Or le secteur de la construction engendre des émissions de CO2 significatives. La prise de conscience des enjeux de transition écologique, l’anticipation de futurs labels et d’une taxe carbone, encouragent les professionnels du secteur à investir dans le bois.

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En février 2019, le groupe Eiffage a ainsi racheté une partie des actifs de l’entreprise Charpentes Françaises, spécialisée dans la construction en bois. Vinci Construction a également développé une filiale dédiée à cette spécialité en rachetant Arbonis, une société qui produit des poutres par assemblage de lamelles de bois.

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Convaincue de l’intérêt stratégique du matériau en complément du béton, la PME toulousaine GA Smart Building a racheté Ossabois en 2018. "Nous avons la conviction que les bonnes réponses passent aujourd’hui par des projets mixtes, c’est pourquoi nous intégrons désormais le bois comme élément constructif", assurait alors son président.

Excellent isolant

L’un des premiers arguments en faveur de la construction en bois est écologique. "Le béton pollue énormément, il nécessite beaucoup de sable, une ressource déjà surexploitée. J’ai choisi de me spécialiser sur les matériaux biosourcés afin d’inscrire mon activité dans une logique écologique, d’autant que, lorsque les matériaux sont vivants, cela est plus favorable à une relocalisation de l’économie", ajoute Corentin Desmichelle. Philippe Gérardin, lui, est professeur en chimie du bois à l’université de Lorraine et directeur du LerMab, un laboratoire de recherche spécialisé sur le sujet.

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Bois

"Nous étudions le bois depuis 1993, mais nous constatons depuis quelques années qu’il devient de plus en plus facile de trouver des financements pour des recherches sur cette substance", confirme-t-il. Il explique cet engouement par le fait que le bois est une matière renouvelable, durable, qui minimise l’impact d’émission carbone des bâtiments.

Les performances thermiques et mécaniques du bois sont particulièrement intéressantes.
Philippe Gérardin

Professeur en chimie du bois à l’université de Lorraine

Mais ce regain d’intérêt repose aussi sur d’autres atouts. "Les performances thermiques et mécaniques du bois sont particulièrement intéressantes", souligne Philippe Gérardin. Les bâtiments en bois se réchauffent plus rapidement que ceux qui sont construits en matériaux inertes (béton, pierre…) et s’articulent bien avec la végétalisation des villes, dont l’objectif est de minimiser le rayonnement de la chaleur, une performance capitale face aux enjeux du réchauffement climatique.

Le marché de l’isolation thermique par l’extérieur, incluant des rénovations à l’aide de bois, a vu son chiffre d’affaires bondir de 39 % en 2018, en particulier en Bourgogne-Franche-Comté, dans le Centre-Val de Loire et en Normandie.​​​​​​

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"Le bois permet de conserver un équilibre hygroscopique (stabilisation de l’humidité) à l’intérieur des bâtiments", souligne Jean-Marc Pauget, délégué expert bois au sein du Centre national pour le développement du bois. Avant de reprendre : "Le bois est le seul matériau biosourcé qui puisse être utilisé dans la structure d’un bâtiment, contrairement à la paille, au chanvre, au lin. Les réglementations du futur le rendront incontournable."

En Chiffres

108 000 euros

Coût moyen de construction d’une maison individuelle en bois d’entrée de gamme de 120 m2.

Le bois présente également un avantage au moment de la construction : celle-ci est relativement rapide car les éléments du futur bâtiment peuvent être préfabriqués plus aisément en atelier, puis assemblés sur le chantier, ce qui provoque moins de nuisances sonores et moins de rotations de véhicules lors de la construction.

En plus, la transformation et la mise en œuvre d’une maison en bois nécessitent en moyenne 30 % d’énergie de moins qu’une maison traditionnelle en parpaings.

Prix du carbone

Transformé, mais pas trop

À ces avantages intrinsèques s’ajoutent des innovations récentes. "Les bois reconstitués, qu’on appelle lamellé-collé, les bois composites constitués à la fois de bois massifs et de polymères ont un bel avenir devant eux. Ils signent des performances au moins équivalentes voire supérieures au bois massif", estime Philippe Gérardin.

La curiosité pour le bois est même relancée avec une innovation surprenante : le bois transparent ! Il a été mis au point par des chercheurs suédois en 2016 et présente de très bonnes propriétés d’isolation thermique. Des chercheurs américains ont également publié une étude dans laquelle ils affirment que les maisons du futur pourraient comporter des fenêtres en bois transparent.

"C’est une vraie bonne idée comme paroi de décoration en intérieur, mais je n’y crois pas pour des murs porteurs, vu le coût élevé de transformation", tempère le directeur du LerMab. Pour devenir transparent, le bois doit en effet subir un processus de délignification : l’action d’ôter le polymère de lignine naturellement présent dans le bois et qui lui donne sa couleur. Or cette délignification est pour l’instant coûteuse et anti-écologique.

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