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Environnement
Pénurie de blé dur : manquera-t-on de pâtes cette année ?
Depuis le début de l’été, le prix du blé dur, principal ingrédient des pâtes alimentaires européennes, connaît une flambée historique à cause des conditions climatiques peu clémentes au Canada et en Europe. Mais pas de panique, cette mauvaise récolte ne devrait pas affecter le prix de nos paquets de pâtes cette année.
Au Canada, qui produit les deux tiers de la production mondiale de blé dur annuelle (72 % de la production mondiale pour 2020/2021), l’été est trop sec. À ce jour, la récolte totale est de 4,2 millions de tonnes, soit 32 % de moins que la moyenne des cinq dernières années et près de 30 % de moins que les prévisions datant du 20 juillet.
Face à une telle baisse de l’offre, le prix mondial de référence du blé dur subit une augmentation historique de plus de 30 %. Et les prix pourraient continuer d’augmenter lorsque le Canada aura fini de récolter son blé et confirmé la pénurie.
En Europe, et particulièrement en France, l’été pluvieux a entamé la qualité du blé dur principalement destiné à l’exportation vers l’Italie et les pays du Maghreb, aggravant d’autant plus l’augmentation des prix sur le marché mondial.
Le blé dur reste la matière première agricole principale de l’alimentation de base des pays développés. Certains craignent une flambée du prix des pâtes, mais la menace alimentaire semble peser plus fortement de l’autre côté de la Méditerranée.
L’augmentation de la demande mondiale ne se répercute pas sur les prix européens
« Depuis quelques années, on consomme plus de blé dur qu’on en produit », explique Alicia Ayerdi Gotor, ingénieure agronome et Enseignante-chercheuse à l’Institut LaSalle. Le risque principal qui pèse sur le prix des matières premières agricoles de manière plus générale est l’augmentation de la demande liée à la croissance mondiale.
Les principaux pays consommateurs de blé dur, qui en sont aussi les principaux producteurs, étaient pendant longtemps en mesure de stocker une bonne partie de leur production. Cependant, leurs stocks diminuent depuis une dizaine d’années. Afin de maintenir un prix stable et bas malgré une offre supérieure à la demande, les pays producteurs sont obligés de mettre chaque année une partie des réserves stratégiques sur le marché.
Éco-mots
Rendements agricoles
Ils désignaient initialement le rapport entre la quantité récoltée et la quantité de semence utilisée. Aujourd’hui, le rendement représente la quantité de produit récolté par rapport à la surface cultivée.
« Honnêtement, il n’y a pas de pénurie de blé à proprement parler, affirme Nathan Cordier, analyste matières premières chez Agritel, cabinet de conseil spécialisé dans le négoce agricole. Ce que les fabricants peinent réellement à trouver, c’est du blé de qualité, comme le blé dur. Les récoltes françaises ont cependant été assez importantes pour assurer la livraison cette année. »
La hausse du prix du blé dur, qui représente tout de même 25 % à 30 % du prix final du paquet de pâtes, semble malgré tout inquiéter les syndicats industriels des fabricants de pâtes en France et le comité français de la semoulerie industrielle qui a publié un communiqué de presse le 16 août appelant les pouvoirs publics à mettre en place un plan d’urgence.
« Si par exemple le prix du blé dur augmente de 10 %, cela va représenter quatre centimes de plus par kilo de pâtes », rappelle Christiane Lambert présidente du FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), interrogée sur BFM Business le 23 août 2021.
"Pénurie de #blé dur et conséquences sur le pouvoir d'achat des 🇫🇷: Relativisons ! Une augmentation du prix du blé dur de 10% représente un supplément de 4 cts € par kg de pâtes, soit un surcoût de 36 ct/an/personne." @ChLambert_FNSEA @bfmbusiness pic.twitter.com/d5S67vPO9X
— La FNSEA (@FNSEA) August 23, 2021
En multipliant cette hausse par 9 - le nombre de kilos consommés en moyenne par un Français chaque année -, cela fait une augmentation de 36 centimes par an et par personne. Pas de quoi s’inquiéter, même pour le portefeuille des étudiants.
« Si cette situation se répète les 2 ou 3 prochaines années, il y aura peut-être une répercussion sur le prix du paquet de pâtes, mais elle restera très minime pour le porte-monnaie du consommateur. On peut imaginer une hausse de 10 à 12 euros de plus par an pour les Français en cas d’explosion du prix du blé », précise Alicia Ayerdi Gotor.
Des variétés plus résistantes à la sécheresse pour le futur
« Sur le marché du blé dur, qui est un marché de blé de qualité, le moindre incident climatique dégrade cette qualité », précise Nathan Cordier.
Malgré des rendements parmi les plus importants au monde, mêmes les producteurs français préfèrent produire du blé tendre, moins technique et donc moins coûteux à produire mais aussi plus résistant. Quand l’été est froid, la teneur en protéine du blé dur, qui reste constante, se dilue dans l’amidon qui lui est plus important en cas de température basse. La qualité de la céréale s'en retrouve alors diminuée.
Blé dur/Blé tendre, quelles différences ?
Le blé dur est considéré par un blé de qualité : c’est un blé difficile à produire, avec de faibles rendements, mais une plus forte teneur en protéine. Il est principalement utilisé dans la fabrication de pâtes alimentaires en Europe et en Amérique du Nord. Après le broyage des grains, le blé dur donne des semoules avec des grains plus épais.
Au contraire, les grains de blé tendre ressortent sous forme de farine. Elles sont utilisées pour la fabrication du pain, mais aussi des nouilles asiatiques. Le blé tendre est la matière agricole principale de l’alimentation dans de nombreux pays dans le monde.
Tout comme pour les autres matières premières agricoles, le changement climatique et la récurrence des évènements exceptionnels risquent de renforcer la volatilité intrinsèque du prix du blé. « Les étés pluvieux sont rares, mais ne sont pas exceptionnels, rappelle Alicia Ayerdi Gotor de l’institut LaSalle. Ce qui l’est en revanche, c’est la sécheresse qu’a subie le Canada. »
La situation canadienne mérite donc une plus forte attention. L’intensification du réchauffement climatique pourrait, sur le long terme, mettre à mal la production du pays. Pour résister à de telles températures extrêmes, les producteurs doivent se pencher ces prochaines années sur la question de la sélection de variétés plus tolérantes à la sécheresse.
De réelles menaces géopolitiques
Les pays du Maghreb vers lesquels la France exporte une tonne produite sur deux de blé tendre pourraient eux subir de plein fouet la hausse des prix. « L’Égypte, le Maroc et l’Algérie achètent leur paix sociale avec la nourriture, poursuit Philippe Heusele. Une mauvaise récolte de blé en France pourrait donc avoir des conséquences dramatiques dans ces pays qui subissent déjà la baisse des prix du pétrole et le ralentissement du tourisme suite à la crise sanitaire ».
En Algérie, l’État subventionne la baguette qui revient moins cher pour le consommateur que ce qu’elle coûte à l’office algérien en charge de l’importation du blé. Le pays pourrait ne plus être en capacité de financer la baguette en cas de forte hausse maintenue du prix de la céréale.
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Une augmentation de 30 % du prix du blé tendre pourrait mener à une augmentation d’un centime d’euro de la baguette dans les pays du nord de l’Afrique. Et dans ces pays où les ménages dépensent une large part de leurs revenus en nourriture, les conséquences sur le pouvoir d’achat sont considérables.
Éco-mots
Propension à consommer
Elle correspond au taux de consommation des ménages, c’est-à-dire la part du revenu disponible brut destinée à la consommation de biens et de services. Ce taux est plus élevé chez les ménages les plus pauvres que chez les ménages les plus aisés, qui ont une plus grande propension à épargner.
En cas de maintien de la hausse des prix ces prochaines années « on peut s’attendre à de nouvelles émeutes de la faim comme en Égypte suite à la pénurie de blé de 2007 », s’alarme Philippe Heusele.
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