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L'Union européenne renforce son arsenal face au réchauffement climatique
Environnement
L'Union européenne renforce son arsenal face au réchauffement climatique
L'Union européenne a présenté mercredi 14 juillet 2021 la feuille de route pour une neutralité carbone en 2050. Avec différents mécanismes économiques, elle va progressivement contraindre les émetteurs de CO2 à moins polluer. Revue point par point.
Cathy Dogon
© Zhang Cheng/XINHUA-REA
Fit for 55 (Paré pour 55), c’est le nom du plan annoncé le 14 juillet par Ursula von der Layen, présidente de la Commission européenne et Frans Timmermans, monsieur Green Deal. Il constitue la base de travail de deux ans de négociations politiques pour un plan ambitieux contre le réchauffement climatique.
A partir du Green Deal (Pacte Vert) présenté en septembre 2020, la Commission européenne s'était donné quelques mois pour présenter 12 textes législatifs visant à réduire de -55% d’émissions nettes de CO2 d'ici à 2030 par rapport à 1990. “Il s'agit d'une hausse considérable par rapport à l'objectif précédent d'au moins 40 % de réduction" commente sur son site l'Union européenne (UE). Objectif final : la neutralité carbone des Etats membres en 2050.
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Examinons ensemble le contenu de ce texte.
Nous devons passer à un nouveau modèle. Tout le monde devra contribuer.Ursula von der Leyen,
Présidente de la Commission européenne.
1. Pas un mais deux marchés carbone
C'est la principale mesure du Pacte Vert Fit for 55 : le développement du marché carbone mis en place en 2005.
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L'Union européenne établit une certaine quantité de droits d'émission carbone sur un marché, aussi appelé Emissions Trading System (ETS) ou Système d'Echange de Quotas d'Emission (SEQE-UE). Depuis plus de 15 ans, celui-ci est jugé inefficace, car le nombre de quotas mis sur le marché est trop élevé et donc le prix des émissions trop faibles. Il n'incite pas suffisamment les entreprises à réduire leur pollution.
Éco-mots
Quotas d’émission
Les États membres imposent un plafond sur les émissions (production d’électricité, réseaux de chaleur, acier, ciment, raffinage, verre, papier, etc.), puis leur allouent les quotas correspondants à ce plafond. Les entreprises assujetties ont par ailleurs la possibilité d’échanger des quotas sur le marché européen des quotas d’émission.
Avec le texte présenté mercredi 14 juillet 2021, la Commission européenne compte abaisser le plafond des permis d'émission, renforçant mécaniquement les prix sur le marché. Aujourd'hui à 50 euros la tonne de CO2, les experts estiment le prix plancher efficace à 180 euros d'ici 2030.
Au terme des négociations, les transports maritime et aérien pourraient s'ajouter à la liste des secteurs concernés par ce marché carbone.
Un second marché carbone serait introduit pour le transport routier et le bâtiment. Si ces secteurs avaient été épargnés jusque maintenant, c'était pour limiter la répercussion de la hausse des prix sur les factures énergétiques des ménages. Afin d'éviter un mouvement Gilets Jaunes à l'échelle européenne, un fonds social pour le climat prévoit de redistribuer les recettes de ces deux marchés carbones aux citoyens européens et aux PME les plus modestes (voir plus bas).
2. Un ajustement carbone aux frontières
Le développement de ces systèmes d'échange de quotas compromet néanmoins la compétitivité des entreprises européennes sur le marché international.
Éco-mots
Compétitivité
Capacité, pour une entreprise ou une économie, à conquérir, de différentes manières (coûts, qualité des produits, qualité de la main d'oeuvre, fiscalité...), des parts de marché face à la concurrence.
En intégrant ces externalités négatives, elles se retrouveront avec des tarifs moins attractifs que ceux de leurs concurrents chinois ou américains. C'est la raison pour laquelle la Commission européenne imagine un Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MCAF). Il augmentera progressivement le coût des importations depuis des Etats tiers, moins regardants sur les normes environnementales.
Tout l'enjeu réside dans la conformité de cette mesure avec les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
3. Fin des moteurs thermiques et autres mesures fiscales
Plusieurs pistes sont explorées par l'Union européenne pour taxer les énergies fossiles, comme par exemple le kérosène, le carburant des avions épargné jusque-là. L'objectif : rendre les énergies renouvelables plus attractives que leurs ancêtres.
Dans la même lignée, de nouvelles normes environnementales pourraient interdire les moteurs diesel, essence et hybrides pour les automobiles neuves dès 2035. Une proposition plus ambitieuse que le dernier vote français en la matière : la récente Loi Climat prévoit d'interdire la vente de véhicules thermiques neufs en 2040. Pour que la démocratisation de la voiture électrique soit rendue possible, Ursula von der Leyen souhaite qu'une borne de recharge soit disponible tous les 60 km en Europe.
4. Un fonds social pour le climat
L'Union européenne essaie de ne pas dissocier politiques environnementale et sociale. Elle propose pour cela de destiner 72 milliards d'euros aux ménages et PME les plus modestes entre 2025 et 2032.
Éco-mots
Redistribution sociale
Ensemble des prélèvements fiscaux et sociaux et des transferts sociaux modifiant les revenus des ménages, permettant de réaliser l'assurance sociale et l'aide sociale. La redistribution est horizontale et verticale.
D'abord, le budget européen préfinancerait ce fonds. A terme, la somme serait prélevée sur les recettes des nouveaux marchés carbone.
Une application à l'horizon 2023 ?
L'annonce de la Commission européenne ne fait pas encore consensus. Chacun des Etats membres a plus ou moins avancé dans sa politique climatique et est capable d'accepter certaines mesures présentée. Les prochains mois s'annoncent intenses en négociation. Mais Ursula von der Layen et Frans Timmermans veulent du concret. L'application est prévue à l'horizon 2023. “Tous les cinq ans par la suite, la Commission évaluera la cohérence des mesures nationales et de l'UE” prévoit le Pacte Vert. L'UE pourra ainsi “adresser des recommandations aux États membres dont les actions sont incompatibles avec l’objectif de neutralité climatique, et ceux-ci auront l’obligation d’y donner suite ou de justifier leur inaction, le cas échéant”.