L’essentiel
- Le titre de transport utilisé en région parisienne va augmenter de près de 12 % en 2023
- Cela aura peu de conséquences sur le nombre de voyageurs, consommateurs captifs du réseau
- La hausse de prix semblait inévitable pour pouvoir, à terme, invstir et améliorer la qualité de l’offre
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Plus 11,8 % ! Avec le renchérissement de l’abonnement au pass Navigo (84,10 € par mois l’an prochain au lieu de 75,20 € à ce jour), la région Île-de-France a déposé un bien vilain cadeau au pied de nombreux sapins : le Noël à venir sera celui de l’inflation.
Et pas celui de la féerie qui aurait pu faire croire un instant que les transports en commun allaient inéluctablement devenir gratuits : « Les transports publics sont un service dont les consommateurs sont largement captifs, note Philippe Gagnepain, économiste et professeur à l’université Panthéon-Sorbonne, que le prix augmente ou qu’il baisse, les gens restent. Soit parce qu’ils sont contraints par leurs revenus, soit parce que la ligne dessert correctement le trajet domicile-travail, par exemple ».
L’essentiel
- Le titre de transport utilisé en région parisienne va augmenter de près de 12 % en 2023
- Cela aura peu de conséquences sur le nombre de voyageurs, consommateurs captifs du réseau
- La hausse de prix semblait inévitable pour pouvoir, à terme, invstir et améliorer la qualité de l’offre
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Plus 11,8 % ! Avec le renchérissement de l’abonnement au pass Navigo (84,10 € par mois l’an prochain au lieu de 75,20 € à ce jour), la région Île-de-France a déposé un bien vilain cadeau au pied de nombreux sapins : le Noël à venir sera celui de l’inflation.
Et pas celui de la féerie qui aurait pu faire croire un instant que les transports en commun allaient inéluctablement devenir gratuits : « Les transports publics sont un service dont les consommateurs sont largement captifs, note Philippe Gagnepain, économiste et professeur à l’université Panthéon-Sorbonne, que le prix augmente ou qu’il baisse, les gens restent. Soit parce qu’ils sont contraints par leurs revenus, soit parce que la ligne dessert correctement le trajet domicile-travail, par exemple ».
Consommateur captif
Consommateur qui n’a pas vraiment le choix de souscrire à un produit ou un service donné. Un consommateur captif se retrouve souvent confronté à des prix élevés pour les produits ou les services qu’il doit acheter, car les entreprises peuvent augmenter leurs prix sans craindre de perdre des clients.
Élasticité prix faible et report modal inexistant
Yves Crozet, professeur émérite de Sciences Po Lyon, confirme : « L’élasticité prix est très faible, d’autant qu’en Île-de-France, les salariés sont remboursés à hauteur de 50 % de leur abonnement. Il leur reste environ 40 € à charge, ce qui n’est pas un problème pour la plupart des Parisiens » indique l’économiste spécialiste des transports.
Ce remboursement partiel du pass Navigo par les entreprises pourrait évoluer en 2023. La présidente de la région Valérie Pécresse demande en effet « aux employeurs publics et privés d’Île-de-France qui le peuvent » de passer de 50 % à 75 % de prise en charge de l’abonnement de leurs employés.
Mais quel que soit le scénario à venir, la hausse du Pass Navigo ne devrait pas voir les 9 millions de voyageurs quotidiens reprendre leur auto du jour au lendemain.
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« Ce n’est pas le mode de transport des gens qui ont le choix, continue Yves Crozet, qui pointe le fait que la région aurait tout intérêt à proposer « des tarifications solidaires, comme cela se fait à Nantes et ailleurs » afin de ne laisser personne au bord des voies ; même si le tarif des transports publics franciliens est « incroyablement bas » par rapport aux autres mégalopoles européennes.
Report modal
Correspond au transfert d’une partie du flux associé à un mode de transport spécifique vers une autre catégorie de transport, par exemple du train à la voiture ou inversement. C’est un objectif des politiques publiques climatiques d’encourager le report modal vers les modes de transports les moins polluants : train, métro, vélo… Cela peut être encouragé par des effets prix, comme une baisse du prix du train ou une surtaxe de l’avion, ou par des investissements dans les infrastructures, comme les pistes cyclables.
La région Île-de-France a bien essayé de ne pas augmenter le coût du pass Navigo pour les usagers. Il faut en effet savoir que les recettes issues des abonnements et titres de transport ne représentent que 27 % du financement total des transports publics de la région.
Ce sont les entreprises, via le « versement transport » et le remboursement partiel du Pass Navigo à leurs salariés, qui contribuent le plus aux transports publics : à hauteur de 52 %…
L’idée première était donc de taxer davantage les entreprises, ce que le gouvernement a refusé à la région Île-de-France. De son côté, le Medef Île-de-France n’a que peu apprécié l’initiative : « Comment imaginer taxer plus au vu de la qualité du service rendu ? Mme Pécresse elle-même annonce que 26 % du service des bus RATP d'Île-de-France n’est déjà pas assuré » grince l’organisation patronale dans un communiqué.
L'offre dans le piège des tarifs bas
Si Île-de-France Mobilités (la structure publique qui gère les transports) manquait d’argent pour boucler son année 2023 - jusqu’à l’annonce d’une rallonge gouvernementale de 200 millions d’euros le 6 décembre - ce n'est pas la faute des entreprises, loin de là, selon le Medef.
L’organisation fait remarquer que le versement transport a même tendance à évoluer à la hausse au fil du temps (4,8 Mds€ en 2021, 5,3 Mds€ prévus pour 2023), tout simplement parce que de plus en plus d’entreprises s’installent dans la région capitale et contribuent à ses transports.
Pour Philippe Gagnepain, l’erreur fondatrice est ailleurs : « La mise en place du forfait Navigo à tarif unique pour toutes les zones a deux conséquences. Une baisse des recettes et une augmentation du nombre de titres » avait-il écrit dans une étude parue en 2016.
Six ans plus tard, il campe sur ses positions : « En économie, le prix sert à envoyer des signaux. L'important, concernant les transports publics, c’est donc d’envoyer les bons signaux : les prix doivent différer en fonction de la distance parcourue, du moment de la journée, du niveau de congestion… Idéalement, il faudrait que l’usager paie en fin de mois, en fonction de ce qu’il a consommé ».
Signal prix
Fait référence à l’utilisation des prix comme moyen de transmettre des informations sur la valeur relative des biens et des services. Dit autrement, les prix servent de "signal" pour indiquer aux consommateurs et aux producteurs comment allouer leurs ressources de manière efficace. Le signal prix peut jouer un rôle important dans le cadre de la transition écologique en incitant les consommateurs et les producteurs à adopter des comportements plus durables. Par exemple, si les prix du train étaient inférieurs à ceux d’un voyage en train ou en avion à, cela pourrait inciter les consommateurs à davantage choisir ce mode de transport.
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Avec ce quasi-tarif unique qui est et sera encore la norme l’an prochain, Île-de-France Mobilités se serait donc privée selon lui de recettes pourtant indispensables à la réalisation de la nécessaire transition énergétique.
Mais cette hausse pour 2023 suffira-t-elle à renforcer les besoins en investissement des transports publics franciliens ? Certainement pas pour Valérie Pécresse, qui précise que si les transports publics régionaux sont dans un tel « état », c’est en raison de « 30 ans de sous-investissements publics ».
Rallonge budgétaire ou pas, les deniers manqueront donc bien vite pour investir dans la transition énergétique. Or, pour décarboner les transports, une solution fait consensus parmi les économistes : il faut aller chercher l’argent dans la poche des automobilistes !
« Si l’on veut du report modal, il faut s’occuper de la route et envisager un partage différent des chaussées. Il faut aussi pénaliser les personnes seules dans leurs voitures, ou mettre en place un péage urbain » annonce Yves Crozet, sur la même longueur d’ondes que son homologue économiste à l’université Panthéon-Sorbonne. Et de regretter : « Avec les automobilistes, on ne veut pas parler le langage de la vérité … »
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Dans le programme de SES
Terminale. « Quelle action publique pour l’environnement ? »
Première. « Comment les marchés imparfaitement concurrentiels fonctionnent-ils ? »
Seconde. « Comment se forment les prix sur un marché ? »