Dans le troisième volet de son sixième rapport, le groupe international d’experts sur le climat (GIEC) indique des solutions possibles pour lutter contre le réchauffement climatique. Il rappelle les ordres de grandeur des efforts nécessaires pour limiter le réchauffement en dessous de 1,5 degré d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.
Pour la première fois, un chapitre entier du rapport est consacré à la baisse de la consommation des ménages pour limiter les émissions de CO2. Si le rapport ne cite pas explicitement le mot sobriété, c’est tout comme. Pour l’Éco vous explique ce concept.
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Au-delà de l’efficacité
La sobriété ne possède pas de définition « unique, partagée et précise » selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Cette notion, « indispensable et complémentaire de l’efficacité », peut être définie comme « une démarche de réduction des consommations superflues » à travers la hiérarchisation des besoins.
Pour l’essentiel, la sobriété est « une modération de la production et de la consommation de ressources énergétiques et matérielles, par une transformation des modes de vie au-delà de la recherche d’efficacité ».
Selon la définition qu’en donne l’association The Shift Project, la sobriété implique par exemple « une baisse de l’usage et donc un changement de pratique, que ce soit un renoncement (plus d’avion du tout), une réduction (partir moins souvent, mais plus longtemps), ou une substitution (utiliser le vélo plutôt que la voiture) ».
La sobriété s’inscrit en « réaction contre les excès de l’hyperconsommation » et constitue un « levier essentiel » pour limiter nos émissions de CO2, selon l’Ademe. L’idée de la sobriété est de faire « moins mais mieux ». Il est cependant difficile de « distinguer les désirs et les besoins fondamentaux, et ce qui est essentiel de ce qui est superflu ».
La sobriété va dans le même sens que la réduction de la demande inscrite dans le rapport du GIEC. Le travail du groupe d’experts appelle à « induire un changement des modes de vie », et notamment dans les pays riches.
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À l’origine des émissions, les citoyens des pays riches
À l’échelle mondiale, les 10 % des ménages les plus riches émettent 40 % des émissions totales, alors que les 50 % le plus pauvres émettent seulement 15 % des émissions globales. Le World Inequality Lab rappelle qu’il suffit de gagner environ 3 000 euros par mois pour faire partie des 10 % les plus riches au niveau mondial.
62% des Français appartiennent aux 10% les plus riches du monde.
Pour pouvoir stabiliser le réchauffement climatique autour de 1,5 degré, ce qui correspond aux engagements des accords de Paris, il faut « réduire de 50 % nos émissions par rapport à celles de 1990 » selon le rapport. Le groupe rappelle que la dernière décennie (2010-2019) a été la plus émettrice de l’histoire et qu’il est « urgent d’agir maintenant ». « La trajectoire actuelle nous amène vers un réchauffement de 3,2 degrés d’ici 2 100. Le pic d’émission de gaz à effets de serre (GAES) doit être atteint avant 2025 si l’on veut respecter les accords de Paris. »
« Jouer sur la demande permettrait de réduire de 40 % à 70 % les émissions globales des GAES » selon Nadia Maïzi, coautrice du rapport et chercheuse à l’école MINES Paris Tech, au micro de France Info. Elle ajoute que « l’offre ne suffira pas à limiter nos émissions ». Il est nécessaire, selon le rapport, de « combiner » les technologies propres avec une baisse de la consommation.
Le GIEC énonce dans son rapport une soixantaine d’actions possibles pour limiter la demande et la consommation des ménages : réduire le trafic aérien, privilégier le vélo à la voiture, remplacer son véhicule à essence par un modèle électrique, développer l’économie circulaire, investir dans des technologies neutres en carbone, favoriser une alimentation végétale…
Les énergies renouvelables telles que l’éolien et l’énergie solaire doivent aussi « remplacer les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) ». Le groupe d’experts insiste, en ce qui concerne l’alimentation, sur la nécessité de freiner la consommation de protéines animales ou encore de privilégier les circuits courts. La sobriété repose sur le triptyque “avoid-shift-improve” (éviter-changer-améliorer).
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Relativement absente lors de la présidentielle
Concept clé de la lutte contre le réchauffement climatique, la sobriété est peu mise en avant par les responsables politiques en France. L’association The Shift Project regrettait par exemple qu’en dépit de l’émergence de la définition dans certains discours des candidats lors de la présidentielle de 2022, le terme est parfois utilisé de façon trompeuse : « La notion de sobriété a ainsi émergé dans les discours et les propositions de plusieurs candidats – avec par exemple l’interdiction des vols inférieurs à une certaine durée. Mais elle est parfois utilisée en la détournant de son sens impliquant un changement d’usage, pour désigner un gain d’efficacité énergétique (l’avion à hydrogène, les carburants alternatifs) ou encore une baisse d’activité nuisible telle que les embouteillages. »
L'association The Shift Project a passé au scanner le programme écologique des différents candidats.
Par exemple, dans son programme “Avec Vous”, Emmanuel Macron, alors candidat à sa réelection, a surtout promis des mesures qui touchent à la production (l’offre). Il a fait le pari que la technologie apporterait la solution au défi climatique, misant notamment sur l’avion bas carbone plutôt que sur la réduction du trafic aérien. « Je ne crois pas un instant que la révolution climatique passe par la décroissance [...], cette revolution doit se baser sur des innovations technologiques, des filières nouvelles, des emplois d’avenir », a insisté depuis la Première ministre en charge de la planification écologique Elisabeth Borne.
Le parti présidentiel évoque malgré tout un certain nombre de mesures qui entrent dans cette logique de sobriété : rénovation de 700 000 logements, volonté de mettre en place une taxe carbone aux frontières de l’Europe, etc…

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