Economie

Les maires reprennent le contrôle du robinet

Après avoir délégué au privé dans les années 1980, les communes sont de plus en plus nombreuses à récupérer la gestion des eaux. Mais selon que l’on est maire d’une métropole ou d’un village, cette responsabilité ne pèse pas le même poids.

,
Illustration de l'article Les maires reprennent le contrôle du robinet

© Gilles ROLLE/REA

Au XIXe siècle, la gestion de l’eau était privée : on s’accommodait d’une source à proximité, on creusait un puits sur sa parcelle ou on récupérait l’eau de pluie. En 1913, 75 % des communes françaises avaient pris en charge cette responsabilité et les infrastructures qu’elle impliquait. Après la Seconde Guerre mondiale, des compagnies privées ont commencé à s’en charger pour mutualiser les compétences techniques et les coûts.

Ce modèle très français de coopération entre le public et le privé a fait le succès international de Suez et anciennement Veolia. Mais on observe une volonté politique de remunicipaliser la gestion des eaux.

Si la loi oblige les communes à gérer la distribution de l’eau potable et l’assainissement des eaux usées, elles sont encore autorisées à déléguer – concernant la production, le transport et le stockage, leur compétence est facultative. Bordeaux et Lyon ont repris la main sur leurs eaux au 1er janvier 2023 et moins de la moitié des Français sont encore alimentés par des entreprises privées.

À Paris, l’année de la remunicipalisation, en 2010, la mairie avait fait baisser les tarifs de 8 %. « Le critère prix tend à montrer que si on tient compte de la complexité, finalement, l’opérateur privé peut être plus efficace », tranche Thomas Bolognesi, économiste et spécialiste des politiques publiques à Grenoble École de Management, avant de nuancer, « mais ce n’est pas complètement généralisable parce qu’il faut traiter la question de qualité, difficile à mesurer ». Mais l’eau revêt aussi un enjeu politique.

« L’avantage principal du public est double. D’une part, un organisme public se doit d’assurer l’universalité d’accès, c’est moins dans l’ADN d’un opérateur privé. Et dans une gestion publique, le rôle du politique permet une planification à plus long terme, typiquement une planification écologique, alors que l’opérateur privé n’y est pas tenu. » Le président de l’entreprise publique Eau de Paris se targue par exemple de travailler en amont avec les agriculteurs pour qu’ils diminuent leurs intrants et polluent donc moins les eaux à la source. Un opérateur privé n’aurait pas cette capacité et devrait traiter l’eau a posteriori, avec à la clé plus de coûts et une moins bonne qualité.

L’échelon manquant

Mais si les grandes villes ont les moyens de mettre en place ces chantiers gigantesques de remunicipalisation, qu’en est-il des petites ? Même avec une volonté politique à l’échelle locale, le maire se retrouve souvent à gérer l’école, la cantine et le service d’eau. « Ils ont des tâches de plus en plus complexes, même dans une toute petite commune, concède Thomas Bolognesi. On a l’impression qu’il y a une masse critique de choses à faire, de compétences nécessaires, qui paraissent complètement décorrélées de la taille du territoire. »

Pour donner un ordre de grandeur, la remunicipalisation bordelaise a nécessité le transfert des 450 salariés de l’antenne girondine de Suez à la régie publique, ainsi que l’embauche de nouvelles personnes parce que certaines fonctions étaient mutualisées au sein du groupe privé. La transition a pris deux ans.

Thomas Bolognesi reprend : « C’est pourquoi je pense qu’il manque un acteur intermédiaire puissant qui fasse le lien entre le niveau national qui fixerait les grands objectifs, mais avec une certaine souplesse, et un acteur plus proche des territoires qui aident les opérateurs très locaux à mettre en place des process adaptés à leur topographie et à leurs contraintes pour atteindre ces objectifs nationaux. »

  1. Accueil
  2. Environnement
  3. Ville
  4. Les maires reprennent le contrôle du robinet