« Mon nouveau quinquennat sera écologique ou ne sera pas. » Dans son discours de l’entre-deux tours le 16 avril à Marseille, Emmanuel Macron a annoncé vouloir faire de la France « une grande nation écologique » qui sera « la première grande nation à sortir du gaz, du pétrole et du charbon ».
Pour faire face à ce qu’il appelle le « combat du siècle », Emmanuel Macron souhaite restaurer la planification de l’économie en y ajoutant un volet écologique.
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Le terme de planification écologique a d’abord été employé par Jean-Luc Mélenchon. Cette idée était présente dans le programme du candidat de la France Insoumise dès l’élection présidentielle de 2012, et il en fait son cheval de bataille en 2017.
Emmanuel Macron, décrié pour son manque d’ambition climatique, opère un virage politique majeur en reprenant ce concept.
Dans son discours d’entre-deux tours, le président a expliqué vouloir nommer un Premier ministre « directement chargé de la planification écologique », appuyé par deux « ministères forts ». Le ministère de la Transition écologique sera alors supprimé et remplacé par un ministère de la « Planification énergétique » et un ministère « chargé de la planification écologique territoriale ».
La première entité aura pour objectif de transformer EDF (potentiellement la renationaliser), de veiller au bon développement du parc nucléaire et d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables (éolien en mer, solaire). Ces projets se feront de concert avec Bercy.
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Le second ministère, chargé de la planification écologique territoriale, s’occupera plutôt de la demande des consommateurs. Il décidera notamment de la distribution de subventions publiques pour accompagner les ménages dans leur transition vers la voiture électrique ou la rénovation de leur logement par exemple.
Comme c’est le cas en Allemagne avec Robert Habeck, Emmanuel Macron souhaite un « super ministre » qui sera chargé de veiller au bon fonctionnement de la planification écologique.
C’est quoi la planification ?
Pour comprendre le concept de planification écologique, il faut d’abord définir ce qu’est la planification. La première apparition de ce terme dans la littérature économique apparaît avec la planification soviétique en 1921. La République socialiste fédérative soviétique de Russie (qui deviendra l’URSS en 1922) met en place le « Gosplan ». Ce programme planifie les quantités exactes que doit produire chaque secteur de l’économie (industrie, agriculture, etc). Cette planification soviétique est un échec cuisant, car il a mené à de nombreuses pénuries de denrées alimentaires et de biens matériels.
Il existe cependant plusieurs façons de « planifier ». « Plus d’une dizaine de pays ont mis en place des institutions économiques conciliant des marchés de biens de consommation et une socialisation de l’investissement » écrit Laura Després. Il existe par exemple aux Pays bas un « Bureau de la planification ».
Historiquement, la planification surgit lors d’événements critiques : durant des crises économiques majeures (après le Krach boursier de 1929) ou des guerres mondiales, notamment pour reconstruire le pays. La France a expérimenté la planification après la Seconde guerre mondiale.
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Le général De Gaulle met en place à partir de 1946 un Commissariat Général du Plan (CGP). Celui-ci rassemble les syndicats de travailleurs, des hauts fonctionnaires, les organisations patronales ainsi que des experts. Un consensus doit être trouvé parmi toutes ces parties prenantes. On parle ici de « planification indicative » à la française. Entre 1946 et 1961, le plan de reconstruction avait pour but d’orienter les investissements vers l’industrie lourde et la reconstruction de nouveaux logements pour la population française. Entre 1962 et 1975, la France investit massivement dans les infrastructures de transports (ferroviaire et route notamment) et dans les secteurs de pointe comme l’aéronautique et l’électronique. La société française Airbus voit le jour en 1970.
Le tournant de la rigueur des années 80 aux États-Unis et en Grande-Bretagne met à mal les politiques planificatrices de part la dérégulation des marchés financiers internationaux et la mondialisation accrue des échanges de marchandises. La planification indicative ne répond plus aux attentes et s’enterre peu à peu. Le CGP devient en 2006 le Centre d’analyse stratégique avant de devenir France Stratégie en 2013.
Et l’écologie dans tout ça ?
La planification écologique s’inscrit pleinement dans cette définition. Il faudra veiller à ce que les objectifs fixés au départ soient en accord avec les engagements climatiques pris lors des accords de Paris de 2015. Les investissements publics devront être affectés en priorité à la « stabilisation du climat, à la restauration des fonctionnalités des écosystèmes et à la satisfaction des besoins essentiels de la population » affirme Laure Després, professeur émérite d’économie à l’IAE de Nantes.
En d’autres termes, il faudra investir dans des technologies et des projets neutres en carbone pour stabiliser, voire diminuer, nos émissions de CO2, mais également protéger et réintroduire des espèces végétales et animales pour retrouver un équilibre naturel (permaculture).
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Cette fois-ci, c’est la bonne ?
Mais cette stratégie ambitieuse est porteuse de nombreux défis, résume Marine Braud, ex-conseillère du président de la commission Environnement du Parlement européen, interrogée par France Info.
Deux conditions sont nécessaires pour la réussite de cette planification écologique selon elle. Il faut d’une part que le Premier ministre chargé de cette mission soit pleinement conscient des enjeux climatiques. Et d’autre part, qu’il dispose de moyens financiers et humains à la hauteur de l’ambition affichée. Une équipe « entièrement dédiée » à épauler le Premier ministre devra être mise en place selon l’ex-conseillère.
Par le passé, de nombreuses tentatives de politiques en faveur de l’environnement ont déjà montré leurs limites. En 2019, la mise en place du Haut Conseil pour le climat, le Conseil de défense écologique ou encore la Convention citoyenne pour le climat n’ont pas donné lieu à des réformes concrètes, en témoigne la condamnation de l’État français pour inaction climatique en 2021.