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Transport : tout comprendre à l’ouverture à la concurrence des trains en 5 questions
À partir du 18 décembre, SNCF Voyage ne sera plus le seul opérateur sur les lignes ferroviaires à grande vitesse de France. La concurrence tiendra-t-elle ses promesses pour le consommateur-voyageur ?
Le 18 décembre, le TGV de la SNCF affrontera pour la première fois la concurrence : la compagnie italienne Trenitalia proposera deux allers-retours par jour et bientôt trois sur la ligne Paris-Lyon-Milan. À partir de 9 heures ce lundi, l’opérateur historique italien Trenitalia ouvrira ses réservations sur la ligne Paris-Lyon-Milan.
Dans cinq questions, vous aurez tout compris de cette actualité et saurez tout de l’ouverture à la concurrence des trains de voyageurs.
Qui a impulsé l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire en France ?
La Commission européenne. Les institutions européennes constatent dans les années 1970 une perte de vitesse quant à l’utilisation du réseau ferroviaire par rapport à celui de la route et du transport aérien.
Pour maintenir les entreprises du secteur compétitives, réduire les coûts pour les usagers et promouvoir les investissements sur le réseau ferré, la Commission européenne promeut l’ouverture à la concurrence des lignes de transport.
La dimension écologique est également louée. L’Agence européenne pour l’environnement estime que le transport ferroviaire est le mode de transport le plus durable. Seul 0,5 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’Union européenne provenait du secteur ferroviaire. D’où le lancement en 2021 de l’Année européenne du rail.
En 1991, une directive de l’Union européenne impose une séparation entre l’entreprise ferroviaire responsable de l’exploitation des services de transport et le gestionnaire d’infrastructures. Progressivement, quatre « paquets » législatifs sont adoptés.
À lire : La concurrence, une obsession européenne
En 2001, le premier paquet ferroviaire prévoit l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire international, puis en 2004, du fret national, avec l’objectif de désengorger les axes routiers.
Éco-mots
Fret
Secteur du transport de marchandises sur un territoire. Il nécessite des infrastructures telles que des routes, voies ferrées, ponts, espaces de stockage de véhicules, hébergements de conducteurs…
En 2007, le troisième paquet prévoit l’ouverture à la concurrence du transport voyageurs international et, en 2016, le quatrième exige l’ouverture à la concurrence du service de transport de voyageurs sur le territoire national.
Comment la France prépare-t-elle l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs sur le territoire national ?
Pour préparer l’adaptation du service ferroviaire français aux directives européennes, l’État sépare la compagnie de gestion d’infrastructures et le service de voyage.
Le Réseau ferré de France (RFF) est créé en 1997. Il reprend les actifs de la SNCF et devient gestionnaire d’infrastructures du réseau français.
Cette logique de séparation prend fin en 2012 quand le gouvernement lance la réforme ferroviaire.
En 2014, la loi crée un groupe ferroviaire constitué d’un établissement public « de tête », la SNCF, qui « assure le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique, l’intégration industrielle et l’unité sociale du groupe » et deux établissements publics opérationnels.
Le premier, SNCF Réseau gère les infrastructures, et le second, SNCF Mobilités est opérateur de mobilité.
L’objectif de cette réunion est d’assurer une meilleure coordination entre les services de travaux et les services de circulation des trains, mis à mal par la précédente séparation en deux groupes, et de s’adapter aux directives européennes.
Elle doit aussi permettre de stabiliser la dette de la SNCF – elle s’élève à 50 milliards d’euros, ce qui pèse sur les finances de l’entreprise, obligée de régler 1,5 milliard d’euros d’intérêt par an.
En 2017, les sénateurs Hervé Maurey et Louis Nègre déposent une proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs.
Comment est organisée la mise en concurrence des services de transport nationaux de voyageurs ?
Pour préparer la fin du monopole, SNCF Mobilité devient SNCF Voyage en 2020. Cette fin est organisée selon deux modalités.
1. Une mise en concurrence « pour le marché ».
Les services de transports de voyageurs conventionnés sont les lignes disposant d’une obligation de service public, comme les TER et les Intercités. L’exploitation des Intercités, appelés « trains d’équilibre du territoire » (TET), est conventionnée avec l’État. L’exploitation des trains express régionaux (TER) est conventionnée avec les régions.
Éco-mots
Service public
Activités d’intérêt général réalisées par l’État ou par le secteur privé sous contrôle de l’État. Répondent à trois principes : mutabilité (adaptation aux besoins), égalité d’accès et continuité du service.
L’État et les régions sont des autorités organisatrices de transport (AOT). Elles décident du choix de l’opérateur des services de voyage.
Le réseau ferroviaire des TET et TER est mis en concurrence. Les autorités organisatrices de transport lancent un appel d’offres pour qu’une entreprise exploite pour une durée déterminée le réseau, ou une partie du réseau. Ainsi, les compagnies proposent leurs services.
En définitive, c’est l’AOT qui choisit la compagnie qui assurera, seule, le service. L’usager n’a pas le choix de la compagnie. On parle alors de concurrence pour le marché ou d’attribution par appel d’offres.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur a déjà tranché sur la question et a choisi la société Transdev pour effectuer le trajet Marseille-Nice. Ce choix doit encore être soumis au vote des élus. La réponse est attendue le 29 octobre.
2. Une mise en concurrence « sur le marché »
En 2021, c’est au tour des services non conventionnés de la SNCF, les trains dits « commerciaux » comme les TGV et les trains de grandes lignes, de perdre leur monopole et de faire face à la concurrence internationale.
Ces lignes ne disposent pas d’obligation de service public. Pour faire rouler leurs trains, les compagnies achètent le sillon convoité à SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructures.
Éco-mots
Les entreprises de transport achètent au gestionnaire d’infrastructures des créneaux horaires pour faire circuler leurs trains. Ces créneaux sont appelés des sillons.
Plusieurs opérateurs peuvent disposer de sillons sur le même réseau. Ainsi, l’usager pourra choisir entre plusieurs compagnies pour une même ligne. Cela se fait déjà pour le transport aérien où plusieurs compagnies proposent des vols pour le même trajet. On parle alors de concurrence sur le marché, ou « open access ».
Thello, une filiale de la compagnie italienne Trenitalia, effectue déjà des marches à blanc : elle fait rouler ses TGV pour se préparer au lancement de sa ligne Paris-Lyon-Turin-Milan. Pour la ligne Lyon-Marseille, c’est la compagnie espagnole Renfe qui prendra le relais.
Quel est le calendrier de mise en œuvre ?
De 2020 à 2023, les services conventionnés peuvent être attribués directement à SNCF Voyageur ou démarrer les appels d’offres et s’ouvrir à la concurrence. En 2023, les appels d’offres seront obligatoires.
Depuis 2021, les services commerciaux sont en open access.
Calendrier d'ouverture à la concurrence des lignes nationales de transport de voyageurs
Pour les lignes du Transilien, le réseau de trains de banlieue desservant principalement les gares d’Île-de-France, l’ouverture à la concurrence est prévue pour 2024 et sera obligatoire en 2034.
Pour les RER C, D, E, c’est plus tard : ouverture à la concurrence en 2034 et des appels d’offres obligatoires en 2040.
L’ouverture à la concurrence des RER A et B sera obligatoire dès 2040.
Quels sont les effets de l’ouverture à la concurrence en Europe ?
Le réseau ferroviaire français est le deuxième plus long d’Europe, derrière l’Allemagne, avec près de 29 000 km de lignes exploitées et près de 3 000 gares.
Si la France respecte le calendrier fixé par les directives européennes, elle a attendu le dernier moment pour les appliquer. À titre de comparaison, la Suède, l’Allemagne et la Grande-Bretagne ouvrent leur service domestique de transport ferroviaire de voyageurs dans les années 1990 et l’Italie dès 2003.
Pour éclairer le débat, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières a publié en 2018 un rapport sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire en Europe.
Elle note que globalement, ce sont les opérateurs historiques des États membres qui entrent sur le marché des autres États membres, même si des opérateurs alternatifs existent.
Une augmentation de l’offre et de la demande
Depuis l’ouverture à la concurrence, l’Allemagne observe une croissance de fréquentation de 29 %. De 1994 à 2015, la fréquentation a doublé en Grande-Bretagne avec une augmentation moyenne de 6 % par an. La Suède observe une augmentation annuelle moyenne de 3,2 % avec une progression de 80 % entre 1988 et 2013. Depuis 2012 et l’entrée d’un opérateur alternatif à l’opérateur historique à 2015, la fréquentation des TGV a augmenté de 49 % en Italie.
De même, l’offre des services conventionnés a augmenté depuis le début de la libéralisation. Selon le Centre de régulation en Europe, le nombre de trains circulant par km (trains/km) a augmenté de 20 % entre 1996 et 2014 en Allemagne, de 30 % entre 1998 et 2016 au Royaume-Uni et de 53 % entre 1990 et 2014.
En parallèle de l’introduction d’un opérateur alternatif en 2012, l’opérateur historique a augmenté le nombre de trains circulant sur les liaisons à grande vitesse de 61 % entre 2010 et 2013.
Éco-mots
Évolution de l’offre et de la demande d’un bien en fonction de la variation de son prix. Plus le prix augmente et plus l’offre est abondante. Les acheteurs achètent d’autant plus que les prix sont faibles. Au prix d’équilibre, les quantités d’offre et de demande s’égalisent.
La qualité de l’offre est par ailleurs relative.
L’Allemagne a renouvelé son parc matériel roulant depuis la libéralisation de sorte que l’âge moyen du parc de la Deutsche Bahn est passé de 17,3 ans à 7,5 ans entre 1997 et 2015.
En Italie, le transporteur alternatif a innové par l’introduction d’un service de Wi-Fi gratuit et de la restauration haut de gamme. Les opérateurs ont également mis en place des services complémentaires de bus, de location de voiture et d’autopartage.
Au Royaume-Uni, l’autorité de régulation a mesuré que la proportion de trains arrivant à l’heure prévue à leur destination finale est restée la même en 1998 et en 2016. Une baisse de qualité a été observée entre 2000 et 2002, liée à des problèmes de remises à niveau de l’infrastructure qui était dégradée avant la libéralisation. C’est le niveau de satisfaction des usagers qui a augmenté, passant de 72 % en 2002 à 83 %.
Une hausse de la qualité et des prix
Les tarifs des titres de transport des services conventionnés ont augmenté davantage que l’inflation en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Suède.
Le rapport met en cause la hausse de la qualité des services. Aussi, l'État choisit quelle part du titre de transport la collectivité prendra en charge et quelle part reviendra à l’usager. La collectivité peut également, dans le cadre de certaines conventions, déterminer quelle part elle prend en charge, de manière à inciter les entreprises à se positionner sur un appel d’offres et augmenter la qualité de ses services.
Concernant les prix des services non conventionnés, la concurrence peut conduire à une baisse des prix du titre.
En Italie, l’annonce de l’entrée d’un concurrent sur les lignes à grande vitesse a entraîné une baisse des prix du billet de train de l’opérateur historique. Entre 2011 et 2012, le prix moyen des billets Milan-Rome a diminué de 31 %.
En France, la SNCF a annoncé courant septembre diversifier son offre Ouigo et prévoit de lancer au printemps 2022 des trains Corail (roulant donc moins vite qu'un TGV) à bas prix (entre 10 euros et 30 euros) sur les lignes Paris-Lyon et Paris-Nantes.
Jusqu’à maintenant, le secteur n’a pas vraiment été incité à répondre à la demande des consommateurs et, par conséquent, il a vu sa part de marché diminuer constamment. L’ouverture progressive du marché devrait améliorer les performances des services ferroviaires.Violeta Bulc
Commissaire aux Transports de l'UE (2014-2019)
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