Economie

Train : un monopole naturel pour une « facilité essentielle »

Le monopole de la SNCF est-il le résultat d’une défaillance du marché ? Pourquoi le marché du train ne permet-il pas la concurrence pure et parfaite ? Et pourquoi l’État fait-il toujours partie du jeu ? Réponses.

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© Getty Images

Le transport ferroviaire – comme d’autres infrastructures de transports (énergies ou télécommunication) – est une industrie de réseaux. L’installation de ces réseaux (construction des voies, signalisation, etc.) nécessite des investissements en coûts fixes très lourds. Ces coûts d’entrée importants sur le marché, seul un niveau élevé d’activité peut les rentabiliser. Cela dissuade les éventuels concurrents, effrayés à la perspective des dépenses qu’impliquerait un autre réseau. Ces éventuels concurrents n’ont aucun intérêt à construire leurs propres lignes à côté d’une ligne existante pour y faire circuler leurs trains, puisque, dans ce cas hypothétique, aucun d’entre eux ne ferait suffisamment de ventes pour couvrir les coûts de production et d’entretien de son réseau.

Conséquence : un avantage acquis au premier, qui se lance dans la réalisation d’un grand réseau. Il s’agit là d’une situation typique de monopole naturel, où une seule entreprise présente sur le marché est bien plus efficace et moins coûteuse que plusieurs compétiteurs en concurrence. Car c’est l’augmentation de son activité qui lui permet de faire baisser ses coûts moyens et de réaliser des économies d’échelle.

Le marché est donc difficilement contestable, comme l’a expliqué l’économiste américain William Baumol, dans sa Théorie des marchés contestables (1982). Les coûts d’entrée, et les coûts irrécupérables de sortie du marché en cas de faillite sont trop élevés. Évidemment, le risque est grand de voir une entreprise en situation de monopole inévitable abuser de sa position dominante et pratiquer des prix élevés ou bien négliger l’innovation et la qualité de service.

Concurrence seulement sur le service

Faire d’un monopole naturel une entreprise publique est un bon moyen de limiter ce pouvoir de marché, notamment en imposant à cette entreprise d’appliquer une tarification avantageuse pour ses utilisateurs, à condition de la subventionner par le budget de l’État.

Les infrastructures ferroviaires sont des facilités essentielles, au sens juridique du terme, c’est-à-dire « des installations dont l’accès est incontournable pour pouvoir servir les utilisateurs ou permettre à des concurrents d’exercer leurs activités, et qu’il serait impossible de reproduire par des moyens raisonnables1 ». En revanche, l’utilisation du réseau, c’est-à-dire le marché aval du transport peut très bien être ouverte à la concurrence et effectuée par d’autres entreprises, en échange d’une redevance au gestionnaire des infrastructures et aux autorités de régulation qui veillent au bon fonctionnement du service public et des activités concurrentielles.

Sous la pression de la Commission européenne, un mouvement de libéralisation du rail européen a été lancé dans les années 1990 dans des secteurs associés aux monopoles naturels. Les objectifs étant de renforcer la compétitivité des entreprises, d’améliorer les services aux usagers et de réduire les prix, ainsi que d’encourager les investissements sur les réseaux ferrés. La France figure parmi les derniers pays à ouvrir ses services de transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence.

1. Cour d’appel de Paris, arrêt du 3 septembre 1996.

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