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AAA... Des lettres qui donnent le tempo de notre économie !

L'agence Fitch a récemment baissé la note de la France, qui évalue sa capacité à rembourser sa dette publique. Dès lors, comment réagir ? Une chronique proposée à Pour l'Éco par le professeur agrégé en économie Gérard Fonouni.

Gérard Fonouni, professeur agrégé d'économie et de gestion
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© Midjourney

Parmi les quatre agences de notation chargées d’évaluer la solvabilité budgétaire des États, seule l’agence Fitch a baissé d’un cran la note de la France à AA-. Une diminution justifiée par un déficit budgétaire de 5% du P.I.B. et d’une dette publique qui s’élève à 112% du P.I.B. en début de période 2023.

Une dépréciation qui semble être aussi motivée par les tensions sociales qui sévissent depuis quelques mois en France, à cause de la réforme des retraites.  Celles-ci pourraient selon l’agence de notation, retarder et compliquer la poursuite des réformes structurelles nécessaires à l’assainissement des finances publiques.

La politique économique est soumise à trois lettres AAA qui la contraignent à l’austérité…

La confiance des marchés financiers en la solvabilité budgétaire des États devient dès lors, une sorte d’indicateur suprême sur lequel il convient de fonder toute politique économique.

La politique économique des États tient désormais en trois lettres AAA. Sous la pression de ces trois lettres attribuées par les agences de notation, les marchés financiers c'est-à-dire les créanciers financiers imposent aux États la mise en œuvre de réformes structurelles privilégiant les intérêts des créanciers financiers plutôt que ceux des citoyens. Elles contraignent les gouvernements à baisser les impôts et les dépenses publiques. Ce qui pour notre économie, risque de mettre à mal les services publics et la protection sociale.

La plupart des pays européens, notamment la France, se sont lancés dans la réduction des dépenses publiques au nom de l’austérité budgétaire, préférant obtenir un triple A pour diminuer leur dette publique plutôt qu’un triple A pour relancer une croissance soutenant la transition énergétique.

La perspective d’une dégradation de leur note paralyse les gouvernements européens en mal d’audace économique et sociale. Ils voient en la surenchère des baisses des dépenses publiques leur salut économique. Le contentement immédiat des marchés prime sur celui des citoyens. Il prime sur toute stratégie de croissance à moyen et long terme. Et, la sauvegarde du capital confiance que les agences de notation fondent sur tel ou tel État de la zone euro, les pousse à fermer les yeux sur les risques, non moins réels, d’un ralentissement de l’activité économique en période inflationniste.

Alors pourquoi s’engager dans cette voie conduisant à moins de chiffres de croissance et moins d’investissements publics nécessaires pour préparer la transition écologique face au défi climatique ?

Sachant leur responsabilité dans la notation des subprimes, pourquoi continuer en s’en remettre aux agences de notation pour juger des performances économiques ?

Naturellement, la réduction des déficits budgétaires à moyen terme et à long terme est indispensable. Les États ne peuvent conserver indéfiniment des taux d’endettement élevés au point que la charge de la dette publique se hisse parmi leurs premiers postes de dépenses budgétaires. Cependant, la réduction des déficits publics ne peut être mise en œuvre efficacement que dans un contexte de croissance économique solide et dans un contexte désinflationniste.

… celle-ci pourrait  donner de mauvais chiffres à la croissance et faire perdre les bonnes lettres à notre économie.

La France et les pays européens contraints par les « trois lettres » pourraient s’engager trop tôt dans le pari de l’austérité budgétaire. Celle-ci, fait courir le risque d’étouffer la croissance et de retarder le démarrage de la transition environnementale.

Elle pourrait précipiter l’économie dans le cercle vicieux où l’austérité appelle l’austérité, puisque la confiance des financiers repose avant tout sur les chiffres réels de la croissance et non sur des lettres fictives faussant très souvent les performances économiques et sociales à moyen terme.

La réduction des dépenses publiques reste la solution choisie, malgré la menace qu’elle fait peser sur la progression du P.I.B. Or, un tel choix ne rassurera pas pour autant les créanciers financiers, qui face aux risques des mauvais chiffres de l’activité économique, pourraient augmenter leurs taux d’intérêt pour pallier le danger du non recouvrement de leurs créances. Les mauvais chiffres pourraient bien vite faire perdre les bonnes lettres.

Les bons chiffres de la croissance font les bonnes notes AAA

A l’inverse, ce n’est qu’en pariant sur une politique commune européenne de croissance et des investissements publics, que les pays européens remettront les finances publiques en ordre et rétabliront la confiance financière.

La réduction de la dette publique ne peut venir que du retour de la croissance et certainement pas d’une austérité généralisée. Il faut donc renouer avec les chiffres de la croissance si l’on veut assainir les finances publiques. Les bons chiffres de la croissance feront ainsi gagner les bonnes lettres  AAA. Ils donneront le tempo de notre économie !​​​

Pour aller plus loin

Son blog : Économie : articles et leçons pour tous