À la Bourse de Paris, le printemps a une couleur : vert foncé. Le CAC 40 n’en finit plus de monter, planant depuis fin mars au-dessus des 7200 points, son record historique avant cette date. L’inflation a beau galoper en France (5,9 % en avril selon l’INSEE), et la croissance ne grimper qu’avec prudence (+0,2 % au premier trimestre), rien ne stoppe l’indice, qui flirtait avec la barre des 7500 points début mai.
Si la crise bancaire américaine de la mi-mars - traduite par la faillite de trois banques dont la Silicon Valley Bank, et par des difficultés majeures du Crédit Suisse - l’a fait reculer dans un premier temps, il a repris 12 % depuis, en six petites semaines.
Une performance qui interroge : s’il ne reflète ni la santé des acteurs financiers, ni les perspectives économiques, de quoi l’essor du CAC 40 est-il le nom ?
« Il faut garder en tête que les chiffres d’affaires des entreprises du CAC se font à l’étranger et reflètent de moins en moins la croissance française », observe Christophe Barraud, chef économiste de Market Securities, une entreprise de courtiers spécialisés sur les marchés financiers.
À la Bourse de Paris, le printemps a une couleur : vert foncé. Le CAC 40 n’en finit plus de monter, planant depuis fin mars au-dessus des 7200 points, son record historique avant cette date. L’inflation a beau galoper en France (5,9 % en avril selon l’INSEE), et la croissance ne grimper qu’avec prudence (+0,2 % au premier trimestre), rien ne stoppe l’indice, qui flirtait avec la barre des 7500 points début mai.
Si la crise bancaire américaine de la mi-mars - traduite par la faillite de trois banques dont la Silicon Valley Bank, et par des difficultés majeures du Crédit Suisse - l’a fait reculer dans un premier temps, il a repris 12 % depuis, en six petites semaines.
Une performance qui interroge : s’il ne reflète ni la santé des acteurs financiers, ni les perspectives économiques, de quoi l’essor du CAC 40 est-il le nom ?
« Il faut garder en tête que les chiffres d’affaires des entreprises du CAC se font à l’étranger et reflètent de moins en moins la croissance française », observe Christophe Barraud, chef économiste de Market Securities, une entreprise de courtiers spécialisés sur les marchés financiers.
Les entreprises qui le composent sont aussi, par définition, de très grandes structures, dont les capacités à gérer la crise inflationniste sont très au-dessus de la moyenne. « Malgré le ralentissement de la croissance, les marges restent très élevées parce que le pricing power est fort chez les mega caps », appuie encore Christophe Barraud. Comprendre : les grandes entreprises, aux capitalisations boursières élevées, peuvent plus facilement imposer leurs prix à leurs clients et bien naviguer, malgré la stagnation des ventes.
Pricing power et pouvoir de marché
Le pricing power est la capacité d’une entreprise ou d’une marque à augmenter ses prix sans que cela n’affecte la demande pour ses produits ou ses services. Par exemple, une marque de luxe comme Chanel peut augmenter le prix de ses sacs à main sans perdre de clients, car ses produits sont perçus comme uniques et de haute qualité. Le pouvoir de marché est la capacité d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises à influencer le prix et les conditions de vente sur un marché donné. Par exemple, sur le marché du luxe, il existe un petit nombre de grands groupes comme LVMH ou Kering qui contrôlent une large part du marché et qui peuvent donc imposer leurs prix aux consommateurs et aux fournisseurs. Le pricing power et le pouvoir de marché sont donc liés, car plus une entreprise a de pouvoir de marché, plus elle a de pricing power.
La Chine, un rebond souverain
La bonne santé de l’indice arbore surtout un drapeau : celui de la Chine. L’abandon par Xi Jinping de la stratégie zéro-covid a relancé les ventes tricolores dans l’Empire du milieu, et fluidifié des chaînes de valeur qui avaient déraillé pendant la pandémie. « Les analyses se recoupent : le rebond boursier de 2023 part du rebond de l’économie chinoise. Les entreprises du luxe du CAC 40 en ont notamment profité, car leurs moteurs restent la Chine et l’Asie-Pacifique », souligne Vincent Boy, analyste financier chez IG France. LVMH, Kering, ou Hermès réalisent jusqu’à 35 % de leur chiffre d’affaires en Chine. Un soubresaut à Pékin signifie donc de la croissance, d’autant que le luxe est le roi du pricing power : ses clients ne regardent pas à la dépense, et l’inflation n’a pas de prise.
Les trois plus grosses capitalisations de la Bourse de Paris étant justement ces trois géantes (29 % de la valeur du CAC à elles trois), leur bonne forme en Chine dope l’indice. Pékin nourrit aussi l’essor de l’industrie des services : l’indice des directeurs d’achat (PMI), un sondage réalisé auprès de patrons pour donner leur sentiment général sur les semaines à venir, montre une dynamique de croissance des ventes. En dépit, même, des premiers signes de faiblesse de ce rebond asiatique : « En Chine, les indices repartent déjà à la baisse alors que le CAC reste haut. Un décalage est en train de se produire », soutient Vincent Boy.
Une politique monétaire trop accommodante ?
Les marchés devraient donc baisser, du fait de la politique monétaire : depuis un an, la Réserve fédérale américaine (FED) et la Banque Centrale Européenne augmentent leurs taux pour contrer l’inflation. De quoi, en théorie, calmer l’ardeur boursière. « Les marchés auraient dû être corrigés depuis un certain temps, estime Vincent Boy. Mais les effets d’une politique monétaire se voient en 6 à 8 mois : si on en voit les premières conséquences aux Etats-Unis, l’Europe, du fait du retard de la BCE, est en décalage. »
D’autres voix soulignent que ce tournant monétaire n’est pas assez dur : le sauvetage des marchés après la faillite de la SVB, liquidités à la clé, a effacé des mois de resserrement. « Les banques centrales ajustent leurs politiques aux volontés des marchés financiers. Tant qu’elles montrent qu’elles interviendront en cas de difficultés, les marchés seront rassurés », décrit ainsi Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste et maîtresse de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
La chute du cours du pétrole (-30 % en un an) ou de celui du cuivre, annonce désormais une récession. Mais les marchés semblent ne pas vouloir y croire. « L’Europe a encore 7 % d’inflation et pourtant les marchés prédisent la fin de la politique monétaire resserrée, souligne Vincent Boy. Mais si la politique monétaire redevient accommodante, c’est que la récession guette. Les marchés font un double pari impossible : une BCE bienveillante sans baisse de la croissance. »
Dans l’antichambre d’une crise bancaire ?
Cette euphorie pourrait être de courte durée : la remontée des taux, qui se poursuit, met les banques en risque. « Personne ne prend assez en compte les difficultés bancaires, souligne Christophe Barraud. C’est de la complaisance ». La politique monétaire déprécie certains titres détenus par les banques, par exemple des obligations, dont la valeur baisse à cause de la remontée récente des taux directeurs. Ces titres menacent de devenir des pertes réelles si les banques doivent les vendre : elles le feraient à un prix moins élevé que leur prix d’achat.
En mars, la SVB a ainsi perdu 2 milliards de dollars en une nuit, en vendant des bons du trésor américain dépréciés pour répondre aux retraits de ses clients. La FED a éteint l’incendie, qui n’a détruit que trois banques régionales. Mais les risques demeurent élevés : les dépôts des banques s’érodent au profit de fonds privés, ce qui pourraient les contraindre à vendre des titres dépréciés.
Elles peuvent en théorie se couvrir contre ce risque, dit “risque de taux”, grâce à des produits dérivés, qui leur rapportent quand les obligations baissent. « Mais ces stratégies sont complexes et ne sont pas infaillibles », appuie Jézabel Couppey-Soubeyran. Des acteurs financiers parallèles, comme des fonds de pension ou des fonds d’investissement, sont aussi moins bien couverts tout étant exposés aux mêmes risques. « Il faut se rappeler ce qui s’est passé en 2008. La crise financière a fait suite au resserrement monétaire, qui a fait suite à des années de politiques trop accommodantes. »
Dans le programme de SES
Première. « Comment les agents économiques se financent-ils ? »
Seconde. « Comment se forment les prix sur un marché ? »