2021 s’achève et, malgré la pandémie, les indices des marchés ont explosé, que ce soit en France ou aux États-Unis, interrogeant les multinationales : que faire de tout cet argent ? Quand la trésorerie excède, les directeurs financiers des entreprises cotées en Bourse peuvent opter pour différentes options : investir pour développer l’entreprise, rémunérer les actionnaires ou… racheter leurs propres actions et les annuler. Cette dernière option a été particulièrement privilégiée en sortie de crise. On vous explique pourquoi.
Que se passe-t-il sur les marchés financiers ?
Le CAC 40 a battu son record en novembre, dépassant la barre symbolique des 7 000 points. En comptabilité, cela se traduit par une trésorerie gonflée pour les 40 plus grandes entreprises françaises. Elles ont bénéficié en 2021 de la reprise économique, d’une épargne post-confinement importante et surtout des aides publiques versées pendant la crise, à savoir le chômage partiel, les prêts garantis par l’État, les plans de relance ou encore les aides directes du gouvernement. Cet argent, s’il n’est pas utilisé, dort sur les comptes. Et en période de taux d’intérêt négatif, cette mise en sommeil coûte. Il faut alors le sortir.
La banque américaine Citi dans une étude publiée le 1er décembre constate une augmentation importante des investissements de la part des entreprises européennes et un nombre d’opérations de fusions-acquisitions au plus haut depuis 2007. Mais il existe d’autres moyens d’exploiter ce surplus de trésorerie.
Tout d’abord, la rémunération des actionnaires par les dividendes : le SBF 120 (l’indice des 120 plus grandes entreprises cotées en France) en a versé 52 milliards d’euros cette année. Mais aussi le rachat d’actions. Pour le S&P 500 (l’indice des 500 grandes sociétés cotées sur les Bourses américaines), le montant s’élèverait à 750 milliards d’euros. 19 milliards pour le SBF 120).
Comment ça marche ?
Si une société a beaucoup de liquidités, elle peut choisir de racheter des actions qui appartiennent à des actionnaires, puis de les annuler.
Le nombre d’actions sur le marché diminuant, cela fait automatiquement grimper le montant de chaque action détenue par les autres actionnaires.
Cette pratique a un avantage : elle est ponctuelle. Le rachat d’action peut survenir après une bonne année, mais n’est pas attendue de manière régulière de la part des investisseurs, à la différence de l’augmentation des dividendes. Si le directeur financier décide d’augmenter les dividendes une année, sa réduction l’année suivante serait mal perçue.
Qui en profite ?
Les entreprises françaises se sont largement adonnées à cette pratique. Si Carrefour a racheté pour 700 millions d’euros d’action, les champions se trouvent au sein du secteur bancaire : BNP Paribas a racheté 900 millions d’euros d’actions et 4 milliards sont attendus en 2022, 560 millions d’euros pour le Crédit agricole, 470 millions pour la Société générale. Quant à l'assureur Axa, il a racheté 1,7 milliard d’euros de ses propres actions.
Est-ce légal ?
Oui. Une entreprise est libre de coter son activité en Bourse, de choisir le nombre d’actions sur le marché. Il n’y a pas de plafond au rachat d’action. Si cette stratégie satisfait un temps les actionnaires, sur le long terme, le rachat d’action n’est pas symbole de réussite. Il envoie aussi le signal que l’entreprise n’exploite pas suffisamment ces liquidités. Y a-t-il encore un potentiel de croissance ? Les dirigeants peinent-ils à identifier des investissements rentables ?
C’est sur ce point que le gouverneur de la Banque de France a haussé le ton. À la tête de l’instance d’autorité et de contrôle du secteur bancaire, il déplorait cette pratique dans une interview accordée à Pour l'Éco : « Je n'ai pas à me prononcer sur tel ou tel plan individuel. Je vais émettre un petit mot de prudence sur les rachats d'actions par les banques : plusieurs banques qui nous expliquent d'un côté qu’elles n'auront pas le capital nécessaire pour faire face aux règles de Bâle III [minimum de fonds propres exigé par la Banque centrale européenne en cas de crise] et que néanmoins elles vont faire des plans de rachats d'actions. Je crois qu'il y a une incohérence qui leur appartient de lever. »