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Crise bancaire. Doit-on craindre un « effet domino » ?

Après la Silicon Valley Bank (SVB), puis Signature, un établissement new-yorkais spécialisé dans l’immobilier qui avait joué avec les cryptodevises, First Republic, établissement spécialisé dans la gestion de fortune, a fait faillite ce 1er mai, portant la crise bancaire américaine à 532 milliards de dollars d’actifs. Ajusté à l’inflation, c'est plus qu'en 2008. 

Adrien Palluet
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© Boris Roessler/ZUMA Press/ZUMA-R

Panique à bord ce vendredi 24 mars. Les marchés financiers chutent encore. Mais cette fois, alors que cela fait un mois qu’ils font le yoyo, la menace pousse d’un cran le curseur de l’inquiétude : la plus importante banque allemande, la Deutsche Bank, dévisse de plus de 8 % en bourse, entrainant avec elles toutes les cotations des établissements bancaires européens.

Rapidement, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, et le chancelier allemand Olaf Scholz se sont empressés de rassurer sur la solidité du système bancaire européen. Pourtant, la situation reste tendue, puisque cela fait environ un mois que la pression monte sur le secteur bancaire mondiale.

« Le point de départ est la chute de la banque Silvergate [victime de la crise des cryptomonnaies] aux Etats-Unis », commente Alex Lhéritier, ancien banquier d’investissement, spécialiste de la Fintech (services financiers utilisant la technologie). « À partir de là, on peut dégager deux causes des faillites des banques Silicon Valley Bank (SVB) et Signature, mais aussi du rachat de Crédit Suisse par UBS, justement pour éviter une faillite : d’une part, la hausse des taux directeurs des banques centrales qui a réduit la capacité de prêt des banques et donc leurs revenus. D’autre part, le « Tech Winter », soit la baisse de la valorisation des entreprises de la tech aux USA qui ont donc dû grignoter dans leurs dépôts en banque pour continuer à vivre », détaille-t-il.

Lire aussi > Silicon Valley, pourquoi la Fed est-elle intervenue ?

C’est quoi l’effet domino ?

Mais comment la faillite de banques régionales américaines, spécialisées dans les cryptomonnaies et la tech, a-t-elle pu provoquer une telle panique sur les marchés financiers, au point de pousser à la presque faillite de Crédit Suisse et de faire vaciller la Deutsche Bank ?

« En fait, les faillites de SVB et de Crédit Suisse ne sont pas similaires », tempère en préambule Catherine Karyotis, professeur de finance à Neoma Business School. Aux États-Unis, les banques, qui sont très nombreuses et parfois plutôt petits, ont massivement investies dans la « Tech » et sont donc plus vulnérables face aux faiblesses actuelles de ce marché.

À l’inverse, les grandes banques européennes ont moins investies et surtout « les difficultés de Crédit Suisse ayant amené au bank run et à la débâcle boursière sont dues à des comportements hasardeux de la banque et des malversations qui datent de plusieurs années. Il y a eu par exemple la faillite de Greensill impliquant Crédit Suisse, mais aussi des pertes liées à des opérations menées avec le fonds Archegos, un scandale pour lequel la banque a d’ailleurs été condamnée par le Tribunal Fédéral suisse… De plus, la panique a été amplifiée après que la banque saoudienne Saudi National Bank a déclaré ne plus vouloir renflouer les caisses de Crédit Suisse, alors qu’elle en était le premier actionnaire », ajoute Catherine Karyotis.

Éco-mots

 Bank Run ou ruée/panique bancaire

Ce terme désigne l’afflux massif de demandes de retrait d’argent simultanées d’un établissement bancaire par les clients de la banque. Ce phénomène provient d’un affolement des clients – ménages comme entreprises – qui craignent une insolvabilité de leur banque et donc une impossibilité de récupérer leur épargne. Or, c’est justement le phénomène de Bank run qui conduit souvent à l’insolvabilité de la banque.

Si les causes de faillites bancaires peuvent avoir des origines diverses, il existe un « fond commun, c’est la hausse des taux d’intérêts des banques centrales », rappelle Yamina Tadjeddine-Fourneyron, professeure de sciences économique à l’université de Lorraine. « Il existe bien une contagion actuelle dans le secteur bancaire, car après le déclenchement de la garantie bancaire des dépôts aux Etats-Unis pour sauver SVB le lundi 13 mars, les bourses européennes ont dévissé et les difficultés de certaines banques, comme Crédit Suisse, sont alors devenues plus visibles. »

Un effet domino similaire à 2008 ?

Pour autant, « on ne peut donc pas (encore…) parler de contagion ou d’effet domino à ce jour », précise Catherine Karyotis, en rappelant que « ce risque existe depuis que les banques sont banques ». Cet effet « a été théorisé par les économistes en 1983, avec le modèle Diamond-Dyvig (prix Nobel d'économie 2022), qui préconisent la création d’un fonds de garantie de dépôts (qui existe aux USA depuis 1933 via le Federal Deposit Insurance Corporation, et en France via le FGDR (Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution) depuis 1999, à la suite de la défaillance du Crédit Martiniquais. » Ce sont d’ailleurs ces fonds qui ont permis de garantir la solvabilité de la SVB.

Ce sont ces fonds qui protègent aussi le système bancaire européen, dont la solidité est vantée par les institutions politiques et bancaires depuis plusieurs semaines. Une solidité que reconnaissent à la fois Alex Lhéritier, Catherine Karyotis et Yamina Tadjeddine-Fourneyron, par rapport à 2008.

« À l’époque, il y avait des éléments hors radar. Mais, aujourd’hui on n’est pas dans ce cas-là. On est capable de mesurer l’explosion de la bulle de la tech, on connaît les taux d’intérêts, on sait à quel point les grosses banques, dites systémiques, sont intégrées dans le marché de la tech, » analyse Yamina Tadjeddine-Fourneyron. 

De plus, pour Catherine Karyotis, « les grandes banques sont soumises à des ratios de liquidités drastiques », ce qui les limite dans leurs dépenses. Et Alex Lhéritier de conclure : « L’effet domino n’est pas spécifique au système bancaire. En revanche, on le scrute avec plus d’attention car les banques sont concurrentes, mais aussi clientes entre elles, et présentent donc un risque de contagion plus élevé. »

Éco-mots

Banques systémiques

On parle de banque ou d’acteur systémique lorsque la faillite de cet établissement a des répercussions sur l’ensemble du marché de par le statut indispensable de cet établissement.

Dans le programme de SES :

Terminale. « Comment expliquer les crises financières et réguler le système financier ? »

Première. « Quelles sont les principales défaillances du marché ? »