Economie

Elon Musk, « l'homme le plus riche du monde » avait-il les moyens d'acheter Twitter ? 

Le 25 avril, le réseau social Twitter annonçait qu’il était racheté par le multi-milliardaire Elon Musk pour 43 milliards de dollars. Mais depuis, le patron de Tesla et de SpaceX a annoncé renoncer au rachat. Elon Musk a-t-il eu les yeux plus gros que le ventre ?

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© © Thiago Prudencio / SOPA Image

Twitter « résiste activement à mes demandes d’information sur les spams et les faux comptes » et c’est là « une violation manifeste des obligations du réseau social ». Début juin, Elon Musk l’affirmait dans un document boursier diffusé sur le site de l’autorité américaine des marchés financiers (la SEC). Elon Musk était-il vraiment en butte à l'opacité de Twitter ou cherchait-il simplement à faire baisser le prix ? 

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Le 14 avril, Elon Musk lance l’assaut financier contre Twitter, après avoir déjà acquis 9,1% des actions quelques jours plus tôt. 

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Premier signe que tout ne se déroule pas comme prévu : fin mai, il porte son apport direct à 33,5 milliards de dollars  et vend des actions Tesla, réduisant la part d’emprunt, pour rassurer les actionnaires, ceux de Twitter comme ceux de Tesla. 

En effet, une partie des emprunts contractés pour acheter Twitter étaient adossés à des actions de Tesla. Ce lien entre les deux entreprises du futur même propriétaire provoque une certaine peur sur les marchés financiers. Certains actionnaires de Twitter n’étaient également pas certains des motivations d’Elon Musk. Les actions Tesla étant volatiles, Elon Musk se retrouve dans l’obligation de “bloquer” davantage d’actions Tesla pour convaincre les banques de prêter. En quelques jours, le cours de l’action Tesla chute brutalement, avec en plus le krach de la tech (Netflix -71%, Meta -49% ou encore Zoom -38%). 

Éco-mots

Prêt avec collatéral

Prêt garanti par des actions ou des actifs, qui donne plus facilement “confiance” au prêteur. Ce dernier est assuré en cas de non-remboursement d’acquérir gratuitement ces actions ou actifs. L’un des exemples les plus marquants est la crise des subprimes aux Etats-Unis, en 2007. Les banques ont accordé des prêts à des ménages insolvables, qui donnaient en garantie (collatéral) leur maison. 

Destruction de valeur boursière 

Fin avril, la proposition de rachat s’élevait à 43 milliards de dollars, soit 54,20 dollars par action. Mais aujourd’hui, la valeur de l’action Twitter a chuté : au 22 juin, elle ne valait plus que 38,95 dollars. 

À ce prix, vendre est une excellente affaire pour les actionnaires de Twitter. Le cabinet d’études new-yorkais Moffett Nathanson conseille aux membres du conseil d’administration : « prenez l’argent et fuyez ». Si l’accord devait se conclure ce jour, les investisseurs de Twitter engrangeraient un bénéfice à hauteur de plus de 15 dollars pour chaque action possédée.

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Cours de l’action Twitter depuis le 1er janvier 2022

Alors, la menace d’Elon Musk a-t-elle comme objectif de faire baisser la valeur de Twitter, pour acquérir les actions à un prix plus bas ? D’après une plainte collective de certains actionnaires, oui. 

Selon eux, le milliardaire a manipulé le marché en twittant  pour faire baisser la valeur de l’action Twitter en Bourse. La plainte affirme que Musk a agi pour « se créer une marge de manœuvre et l’utiliser pour se retirer de la transaction ou renégocier le prix ». 

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Mi-mai, Elon Musk va même plus loin : il annonce suspendre son offre de rachat. La raison communiquée est l’incertitude de la quantité de bots et de  spams sur Twitter (sur les 229 millions d’utilisateurs, plus de 5% seraient des faux comptes selon Musk), ainsi que les mesures prises pour en limiter le développement. 

Mais Musk savait dès le début  qu’il y avait « des bots et des spams, affirme Emmanuelle Patry, spécialiste des réseaux sociaux. Musk voulait éradiquer les faux comptes. Il avait donc bien conscience du problème et probablement des données sur ces comptes à ce moment-là. On peut donc imaginer qu’il cherche à faire machine arrière en trouvant des arguments contre le rachat initial ».

Toutefois, l’accord de rachat “obligait” le milliardaire propriétaire de Tesla à mener à bien la transaction, sous peine d’une amende maximale d’un milliard de dollars. Pour ne pas la payer, il devra prouver que le réseau social l’a trompé ou qu’un événement majeur a changé sa valeur.

Elon Musk, une fortune très virtuelle de 222 milliards de dollars

Tous ces atermoiements amènent à une question : Elon Musk était-il assez riche pour s’offrir Twitter ? 

Sa fortune, 222,1 milliards de dollars actuellement selon Forbes, provient en grande partie des actions qu’il possède dans deux entreprises : Tesla et SpaceX. Elle reste donc très largement virtuelle et dépendante de la valeur boursière de Tesla. Si la valeur des actions Tesla baisse, comme c’est le cas depuis le début de l’année 2022, sa fortune suit le même chemin.

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Cours de l’action Tesla depuis le 1er janvier 2022

Et s’il mettait massivement en vente des actions Tesla pour financer l’acquisition, simple loi de l'offre et la demande, il participait encore davantage à la baisse du cours.

Comme quoi, même l'homme le plus riche du monde n'a pas les poches aussi pleines que rêvé.

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