La crise financière de 2007-2008 a mis en évidence le rôle des banques « systémiques », dont les difficultés peuvent déstabiliser tout le système financier mondial. On les connaît mieux aujourd’hui : depuis 2011, le Conseil de stabilité financière (FSB) établit la liste de ces Global Systemically Important Financial Institutions (G-SIFIs) à partir de critères tels que la taille et la complexité des activités.
Parallèlement, la crise a provoqué, en réaction, un empilement réglementaire. Par exemple, les règles de « Bâle 3 », créées par le Comité de Bâle (qui réunit les superviseurs bancaires de 27 pays) imposent désormais aux banques des ratios de solvabilité et de liquidité minimums. Les G-SIFIs se voient imposer, eux, des seuils encore plus exigeants. Les États de la zone euro ont également lancé, en 2012, le projet d’Union bancaire, pour renforcer les mécanismes de surveillance et de restructuration des banques de la zone.
Gare aux dettes souveraines
Mais l’efficacité de ces efforts est incertaine. La réglementation n’a pas réduit le poids relatif des G-SIFIs : leur bilan cumulé s’est accru de 10 % entre 2011 et 2017 (à 51 676 milliards de dollars !), soit toujours un tiers de celui du secteur bancaire. Les nouvelles règles rencontrent une forte opposition.
« Les banques ont pratiqué un lobbying intense pour réduire la portée de ces nouvelles règles », indique Christophe Nijdam, ancien secrétaire général de Finance Watch, une ONG spécialisée dans la réglementation financière.
Il est vrai que certaines mesures se sont révélées contre-productives. Les exigences de liquidité de Bâle 3 ont poussé les banques à accumuler dans leur bilan des dettes d’État (« souveraines ») considérées en théorie comme des actifs « de haute qualité ». « Cette situation a installé une interrelation forte entre les banques et les dettes souveraines, avec un risque de cercle vicieux, comme celui qu’avait créé la crise de la zone euro de 2010-11 », souligne Jézabel Couppey-Soubeyran, de l’université Panthéon-Sorbonne.

En 2010, en effet, les banques européennes étaient truffées d’obligations d’État de la Grèce, d’Irlande, d’Italie, ou du Portugal, qui se sont révélées invendables lorsque les finances publiques de ces pays sont entrées en crise. Bref, le « souverain » n’est plus une assurance contre la crise.
L’illusion des taux bas
En outre, la crise de 2007-2008 a encouragé les banques centrales à mener des politiques monétaires ultra-accommodantes, avec des taux très bas, voire négatifs. Le taux de la BCE est par exemple à 0 % depuis mars 2016. Avec de l’argent presque gratuit, l’endettement mondial a atteint un record. Selon le FMI, il était de 184 000 milliards de dollars en 2017, contre 97 000 milliards 10 ans plus tôt… « Attention, une hausse non anticipée de l’inflation, et donc des taux d’intérêt, provoquerait l’insolvabilité des États et causerait des pertes majeures aux détenteurs d’obligations », prévient Patrick Artus, chef économiste chez Natixis.
Élément préoccupant : l’endettement récent a été favorisé par les mécanismes déjà à l’origine de la crise de 2008 – la « titrisation » et les produits financiers complexes.
Sortir de l’ornière
« Les taux qui restent bas trop longtemps, cela favorise la formation des bulles », prévient Jézabel Couppey-Soubeyran. Alors, comment préparer les acteurs à une remontée ? « Il faut mener des actions contra-cycliques et surveiller plus étroitement les établissements systémiques, notamment en leur imposant des surcharges en fonds propres plus importantes », suggère l’universitaire.
Parmi les mesures contra-cycliques figure la régulation de l’offre et de la demande de crédits. Il faut surveiller les banques, ce qui plaide en faveur du projet d’union bancaire, mais l’Europe est divisée. Enfin, dans une perspective de hausse des taux à terme, la réduction des dettes publiques est une nécessité.