L’essentiel :
- Une bataille est en cours entre la Banque de France et les courtiers immobiliers concernant le taux d’usure en France.
- Cet instrument, dénoncent les courtiers, ralentirait l’accès au crédit immobilier et expliquerait l’augmentation des refus de dossiers. Ils ont obtenu sa mensualisation.
- Instrument relativement méconnu avant le retour de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt, le taux d’usure a été conçu pour protéger les consommateurs contre des taux d’intérêt trop élevés et limiter le risque de surendettement lors de l’obtention d’un crédit immobilier.
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Depuis des mois il est au cœur d’une vive bataille politico-économique : le taux d’usure. S’affrontent par communiqués et déclarations médiatiques interposés la Banque de France et les courtiers immobiliers concernant le choix de modifier son mode de calcul. Et les hausses récentes du taux n’ont pas mis fin au conflit.
Taux d'usure
Taux d'intérêt maximal légalement permis pour les prêts immobiliers. Il est fixé par la Banque de France et est utilisé pour protéger les emprunteurs contre les taux d'intérêt excessivement élevés. Il est révisé régulièrement en fonction de l'évolution des indicateurs macroéconomique comme l'activité des crédits ou l'inflation.
Le taux d’usure : cette nouvelle star du système bancaire
Cet instrument était pourtant presque inconnu jusqu’à il y a quelques mois. À l’origine il a été conçu pour préserver les consommateurs de taux d’intérêt trop élevés et limiter leur risque de surendettement au moment de prendre un crédit immobilier.
Il se définit comme le taux annuel effectif global (TAEG) maximal auquel un prêt peut être accordé à un particulier par une banque ou une entreprise de crédit à la consommation. Un dispositif qui mise avant tout « à la protection des ménages », comme le souligne Christophe Blot, économiste à l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE).
Le sujet est devenu d’actualité depuis que la hausse des taux d’intérêt a commencé en début d’année 2022, avec la poussée de l’inflation, aggravée par la guerre en Ukraine. Alors que les taux se situaient à 1 % pour un emprunt sur 20 ans en 2021, ils dépassent aujourd’hui 2,5 %.
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Les taux d’intérêt se sont ainsi progressivement rapprochés d'un « seuil » dangereux : le taux d’usure. De plus en plus de courtiers ont alerté sur le rejet de dossiers d’emprunteurs qui se voyaient refuser leurs projets immobiliers. Inquiets de la baisse du « nombre de dossiers finançables », ils ont demandé une révision du système. Et suite aux protestations, son actualisation sera désormais mensuelle durant six mois.
Taux d’usure : comment ça marche ?
1. L’État demande la mise en place du taux d’usure, afin de protéger les emprunteurs d’éventuels abus de marché de la part des banques et des établissements de crédit.
2. L’État confie cette opération à la Banque de France, qui « fixe le taux à partir des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit, augmentés d’un tiers » (Bercy Infos).
3. Tout prêt proposé à un taux supérieur au taux d’usure est considéré comme usuraire.
Un faux problème ?
Le seuil du taux d’usure était habituellement mis à jour selon un rythme trimestriel en suivant les taux de crédit pratiqués par les banques au cours du trimestre précédent. Cette mise à jour trimestrielle (et exceptionnellement mensuelle jusqu'en juillet 2023) vise à « protéger les ménages qui deviendraient insolvables à cause de l’inflation », explique l’économiste Pierre Madec. La dernière mise à jour remonte au 1er janvier 2023.
La remise à cause par les courtiers et les banques n’est pas du goût de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Il affirmait devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale qu’il ne jugeait « ni souhaitable ni nécessaire » l’utilisation d’une nouvelle formule pour la révision des taux de crédit : « Ceux qui réclament un relèvement supplémentaire du taux d’usure sont ceux qui veulent pouvoir prêter plus cher aux Français ».
L’économiste Christophe Blot est d'accord : « D’un point de vue macroéconomique, on observe une bonne dynamique du crédit, même avec des taux plus élevés que les années précédentes ». Par conséquent, même si certains ménages sont sûrement impactés par la hausse des taux, cela ne touche pas la dynamique globale. Selon lui, réviser le mode de calcul du taux d'usure servirait surtout la volonté des banques de « protéger leur rentabilité ».« Les crédits sont plus avantageux si le taux d’usure reste bas : demander sa révision, n’est ce pas une excuse des banques pour augmenter leurs marges ? », renchérit Pierre Madec, économiste à l’OFCE, spécialisé en logement, fiscalité et inégalités, pour qui les seules victimes de cette situation et des effets de bord de la lutte contre l’inflation sont les ménages les plus modestes, dont les dossiers ne sont pas en possibilité d’obtenir un accès au crédit.
Dans le programme de SES
Première. « Comment les agents économiques se financent-ils ? »