« Je ne suis pas capable de rivaliser avec Google Search ou n’importe quel autre moteur de recherche. » Si vous lui posez la question, ChatGPT bottera en touche. Et pourtant, la menace que représente ce robot conversationnel soutenu par Microsoft, Google la sent bien : son PDG Sundar Pichai en aurait fait sa priorité et Paul Buchheit, ancien de la firme et créateur de Gmail, souligne que Google se trouve « à un an ou deux d’une disruption totale dans le dommaine de l'intelligence artificielle ».
Comment la firme de Mountain View, et ses 282 milliards de chiffre d’affaires, peut-elle craindre une société, OpenAI, qui prévoit à peine 200 millions de recettes l’année prochaine ? Une partie de la réponse est fournie par l’économiste Clayton Christensen, théoricien du « dilemme de l’innovateur ».
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« Le concept décrit la situation dans laquelle se trouve un acteur dominant sur une technologie historique, et dont la position est compromise par une nouvelle technologie, dite de rupture », décrit Philippe Silberzahn, professeur de stratégie à l’EM Lyon. Google tire 80 % de ses revenus de la publicité, et donc de son moteur de recherche. Or, les robots conversationnels comme ChatGPT se proposent de le remplacer.
« Je ne suis pas capable de rivaliser avec Google Search ou n’importe quel autre moteur de recherche. » Si vous lui posez la question, ChatGPT bottera en touche. Et pourtant, la menace que représente ce robot conversationnel soutenu par Microsoft, Google la sent bien : son PDG Sundar Pichai en aurait fait sa priorité et Paul Buchheit, ancien de la firme et créateur de Gmail, souligne que Google se trouve « à un an ou deux d’une disruption totale dans le dommaine de l'intelligence artificielle ».
Comment la firme de Mountain View, et ses 282 milliards de chiffre d’affaires, peut-elle craindre une société, OpenAI, qui prévoit à peine 200 millions de recettes l’année prochaine ? Une partie de la réponse est fournie par l’économiste Clayton Christensen, théoricien du « dilemme de l’innovateur ».
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« Le concept décrit la situation dans laquelle se trouve un acteur dominant sur une technologie historique, et dont la position est compromise par une nouvelle technologie, dite de rupture », décrit Philippe Silberzahn, professeur de stratégie à l’EM Lyon. Google tire 80 % de ses revenus de la publicité, et donc de son moteur de recherche. Or, les robots conversationnels comme ChatGPT se proposent de le remplacer.
La particularité de ce dilemme ? Il peut faire trébucher une entreprise qui n'a pas vraiment fait d’erreur. Google n’a pas négligé l’IA, il a civblé plusieurs activités comme la santé ou la mobilité.
Mais il doit aujourd'hui faire un choix : selon Christensen, il pourrait investir dans la technologie de rupture, en abandonnant son modèle d’affaires initial et en acceptant des pertes. « Mais ce serait un peu lâcher la proie pour l’ombre, appuie Philippe Silberzahn. Google peut aussi continuer de miser sur son activité historique, tout en investissant prudemment dans l’innovation de rupture en parallèle. Mais c’est comme courir un 100 mètres sur une jambe. C'est pour ça qu'on parle de dilemme, parce que tous les choix sont mauvais ».
Niveau de performance et pression financière
D’autres variables poussent Google à l’immobilisme. Comme le décrit Christensen dans son modèle, l’acteur dominant subit une pression de la part de ses soutiens financiers. « Le fait de se diversifier peut créer une prophétie auto-réalisatrice, décrit Julien Pillot, enseignant-chercheur en économie à l'Inseec. L’entreprise envoie la confirmation de la fin de son modèle traditionnel, et les actionnaires partent d’autant plus vite ».
Prophétie autoréalisatrice
Décrit le phénomène selon lequel les attentes des agents économiques peuvent influencer les résultats économiques réels. La prophétie autoréalisatrice est un fait qui devient vrai seulemen parce que les individus croient qu’il va advenir. Imaginons une prédiction selon laquelle une entreprise de technologie émergente va devenir incontournable sur un marché. Si suffisamment de personnes y croient, elles pourraient investir massivement dans l'entreprise en question, conduisant à une augmentation de sa valeur, renforçant ainsi encore davantage la croyance collective dans sa domination future du marché. Cela pourrait ensuite attirer encore plus d'investissements et conduire à la réalisation de la prophétie, même si d'autres entreprises ont des produits et services similaires ou supérieurs.
À la suite de la présentation de Bard, le concurrent que Google prépare face à ChatGPT, Google a perdu 7 % en bourse (soit 100 milliards de dollars !) à cause d’une erreur de son robot. Le signal qu’il n’est pas prêt. « Les entreprises de la tech sont particulièrement exposées aux fluctuations : elles sont attractives quand tout va bien, mais les investisseurs fuient plus vite quand le contexte se tend, car elles présentent davantage de risque », souligne Julien Pillot.
Autre problème : la technologie peut être prometteuse, mais elle n’est pas forcément performante à court-terme. « L’innovation de rupture peut mettre du temps à se transformer en performance économique et le rendfement immédiat peut être insuffisant pour qu’un acteur dominant y investisse », rappelle Philippe Silberzahn.
ChatGPT fait encore des erreurs et ne peut pas servir à des clients exigeants ou professionnels. Google a longtemps craint, comme le prédit Christensen, que les robots conversationnels ne menacent sa réputation : en 2016, Tay, une IA lancée par Microsoft, avait causé un scandale en reprenant, par mimétisme, des propos néonazis.
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Investir, sans basculer
La solution, c'est un pari raisonnable sur la technologie de repture, comme avec Bard. « Vous pouvez loger l’innovation dans une entité autonome et la laisser progresser. Google ne doit pas mettre les robots conversationnels au centre de son modèle, mais créer une activité autour d’eux en parallèle de son activité principale », décrit Philippe Silberzahn. Une stratégie qui a fait ses preuves pour Nestlé, par exemple, quand le groupe a été menacé par les machines à café à capsules et a créé Nespresso.
Reste que la nature du challenger – Microsoft et ses dix milliards d’investissement dans OpenAI – crée une certaine urgence. « L’argent ne garantit pas le succès de la technologie, mais ChatGPT pourrait se développer plus vite que Bard », prédit Julien Pillot.
Si ChatGPT résout ses multiples problèmes techniques et éthiques, il lui restera à résoudre la question du modèle d’affaires : la technologie ne peut pas se contenter d'être disruptive, elle doit pouvoir devenir rentable. « Il lui faudra trouver son propre modèle : payant par abonnement, ou gratuit et financé par la publicité. Le plus souvent, le modèle d’affaires compte plus que la technologie », insiste l’économiste. OpenAI a d’ailleurs lancé une offre payante de ChatGPT, à 22,50 euros, disponible en France depuis le 13 février.
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Le précédent : Kodak face à la photographie numérique
En 2012, le dépôt de bilan de Kodak marque la fin d’un long déclin de l'entreprise . Et ce n'est pas faute d'avoir refusé le numérique : l'entreprise de photo était même pionnière sur le sujet dans les années 1970 ! Mais l'entreprise a par la suite été réticente à s'investir pleinement dans cette technologie, par crainte de cannibaliser son activité principale de pellicules et de développement de photos. Cette hésitation a permis à des concurrents plus agiles, tels que Canon et Nikon, de prendre une longueur d'avance sur le marché de la photographie numérique, contribuant ainsi à son propre déclin.
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Dans le programme de SES
Terminale. « Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? »
Première. « Comment les entreprises sont-elles organisées et gouvernées ? »