Un fichier « jpeg » qui vaut de l’or. Le 11 mars dernier, l’artiste américain Mike Winkelmann, alias Beeple, a vendu son œuvre numérique Everydays : The First 5 000 Days pour 69,3 millions de dollars (56,6 millions d’euros) lors d’une enchère chez Christie’s. Ce montant record l’a propulsé au troisième rang des artistes les plus chers de leur vivant, derrière David Hockney et Jeff Koons.
L’œuvre en question est un fichier rassemblant 5 000 dessins et animations de Beeple. C’est la première création entièrement numérique proposée par Christie’s. Une consécration qui marque la montée en puissance de l’art digital et d’une technologie révolutionnaire : les NFT.

Chiffres : NFT Yearly Report 2020, étude réalisée par le site NonFungible.com et l’Atelier BNP Paribas. Crédits : Pour l'Éco.
Le sigle NFT pour « Non-Fungible Token » (jeton non fongible), est né en 2017. Il désigne un « jeton numérique qui représente un objet unique, physique ou virtuel, auquel est associé un certificat d’authenticité », définit Claire Balva, directrice Blockchains et cryptos chez KPMG France.
Un fichier « jpeg » qui vaut de l’or. Le 11 mars dernier, l’artiste américain Mike Winkelmann, alias Beeple, a vendu son œuvre numérique Everydays : The First 5 000 Days pour 69,3 millions de dollars (56,6 millions d’euros) lors d’une enchère chez Christie’s. Ce montant record l’a propulsé au troisième rang des artistes les plus chers de leur vivant, derrière David Hockney et Jeff Koons.
L’œuvre en question est un fichier rassemblant 5 000 dessins et animations de Beeple. C’est la première création entièrement numérique proposée par Christie’s. Une consécration qui marque la montée en puissance de l’art digital et d’une technologie révolutionnaire : les NFT.

Chiffres : NFT Yearly Report 2020, étude réalisée par le site NonFungible.com et l’Atelier BNP Paribas. Crédits : Pour l'Éco.
Le sigle NFT pour « Non-Fungible Token » (jeton non fongible), est né en 2017. Il désigne un « jeton numérique qui représente un objet unique, physique ou virtuel, auquel est associé un certificat d’authenticité », définit Claire Balva, directrice Blockchains et cryptos chez KPMG France.
Fongible
D’après le dictionnaire Larousse, les choses fongibles « se consomment par l’usage et peuvent être remplacées par des choses de même nature, de même qualité et de même quantité ». C’est le cas des denrées ou de l’argent comptant, par exemple.
Les NFT fonctionnent sur une blockchain, sorte de grand livre de comptes décentralisé réputé inviolable, et s’achètent contre de la monnaie ou de la cryptomonnaie. Ils sont dits « non fongibles » car ils ont une valeur propre et ne sont pas interchangeables, contrairement aux bitcoins, par exemple.
Le beau crypto
Ces titres de propriété peuvent représenter n’importe quel objet, comme un tweet ou une photo, mais ils sont surtout employés pour l’art numérique, ainsi appelé « crypto-art ». « Grâce aux NFT, nos œuvres virtuelles deviennent des biens collectionnables. Elles restent copiables, mais ont un propriétaire unique », explique l’artiste Albertine Meunier, adepte de ce courant utilisant les dispositifs numériques.
La technologie NFT fluidifie les échanges. On peut créer, acheter, stocker et revendre des œuvres en quelques clics et avec des frais bien inférieurs à ceux des intermédiaires traditionnels.
Claire Balva,directrice Blockchains et cryptos chez KPMG France.
Autre avantage, les créateurs touchent automatiquement un pourcentage à chaque revente de leur œuvre. Depuis l’exploit de Beeple chez Christie’s, le marché du crypto-art est en plein essor. Les ventes de NFT auraient dépassé les deux milliards de dollars (1,64 milliard d’euros) au premier trimestre 2021, d’après le site NonFungible.com.
« Cette technologie fluidifie les échanges. On peut créer, acheter, stocker et revendre des œuvres en quelques clics et avec des frais bien inférieurs à ceux des intermédiaires traditionnels », analyse Claire Balva. Des plateformes spécialisées comme Rarible, Nifty Gateway ou OpenSea mettent directement les artistes en relation avec les acheteurs et inscrivent les œuvres NFT dans la blockchain. « C’est beaucoup moins opaque que dans le marché classique et plus démocratique », abonde l’artiste Albertine Meunier.
Il y a toujours eu de la spéculation dans l’art, mais ici, elle est double : on spécule sur l’artiste et sur la monnaie.
Hugo Caselles-Dupré,membre du collectif Obvious.
La valeur des NFT dépend de l’offre et de la demande, mais elle est aussi indexée aux cours des cryptomonnaies. « Il y a toujours eu de la spéculation dans l’art, mais ici, elle est double : on spécule sur l’artiste et sur la monnaie », précise Hugo Caselles-Dupré, membre du collectif Obvious, qui utilise l’intelligence artificielle comme outil de création.
Une fois achetées, les œuvres NFT, qui peuvent être des dessins, des vidéos, ou encore des animations sont rangées dans un wallet (portefeuille) numérique. « On peut se créer une collection d’œuvres de valeurs très différentes depuis son ordinateur. C’est ludique et presque addictif », commente Albertine Meunier.
Extension du marché ou remplacement ?
La clientèle de ce marché rassemble des jeunes, des adeptes des nouvelles technologies ou encore des crypto-investisseurs. « Les galeries et maisons de vente y voient de nouveaux publics à conquérir. Avec un peu de pédagogie, elles peuvent aussi convertir leur clientèle initiale », suggère Albertine Meunier, qui propose des cours d’initiation au crypto-art à l’Avant Galerie Vossen.

Chiffres : NFT Yearly Report 2020, étude réalisée par le site NonFungible.com et l’Atelier BNP Paribas. Crédits : Pour l'Éco.
Les intermédiaires traditionnels ont d’abord été éclipsés par les plateformes spécialisées. « Ce n’est pas un remplacement, mais une extension du milieu traditionnel de l’art. On aura toujours besoin de gens pour juger de la qualité d’une œuvre ou faire connaître des artistes », nuance Hugo Caselles-Dupré.
Les NFT offrent un nouveau support au monde de l’art et accélèrent un peu plus sa transition numérique. Des musées virtuels voient le jour comme le Museum of Crypto Art (MoCA) et les maisons de vente organisent des sessions entièrement consacrées aux NFT, à l’instar de Sotheby’s et de sa vente baptisée « Natively Digital », du 3 au 10 juin.
L’emballement autour du phénomène fait craindre à certains une bulle spéculative. « Certes, le succès des NFT va finir par retomber, mais leur intérêt technologique est indéniable. Je pense qu’ils seront de plus en plus utilisés, même en dehors de l’art. Ils seront courants pour les futures générations », avance Hugo Caselles-Dupré.
Un coût environnemental qui inquiète
L’engouement que suscitent les NFT crée un danger spéculatif, mais aussi environnemental. « Le problème vient du mécanisme de consensus qui permet de valider les transactions sur la blockchain », explique Claire Balva, directrice Blockchains et cryptos chez KPMG France.
Baptisé « minage », ce mécanisme de surveillance est partagé entre des milliers d’ordinateurs et nécessite de réaliser des calculs énergivores et émetteurs de gaz à effet de serre. Lorsqu’un artiste veut créer une œuvre NFT et inscrire ainsi un nouvel actif dans la blockchain, les mineurs entrent en compétition pour résoudre une énigme appelée « preuve de travail ». Leurs ordinateurs produisent une série de calculs pour trouver la solution qui validera la transaction.
Le mineur « gagnant » obtient une récompense en cryptomonnaie. Le site Cryptoart.wtf propose d’estimer l’empreinte carbone des NFT. La vente de la célèbre vidéo animée Nyan Cat, où un chat survole un arc-en-ciel, représenterait ainsi l’équivalent de deux mois de consommation d’électricité pour un habitant européen moyen, selon ce site.
« Ce qu’il faut, c’est voir si cette électricité est propre ou non. Aujourd’hui, près de 40 % d’énergie renouvelable serait utilisée pour le minage », avance Claire Balva. Certaines blockchains réfléchissent à des algorithmes moins gourmands en énergie, à l’instar d’Ethereum, massivement utilisée pour les échanges de NFT. « Il y a une prise de conscience sur ce sujet », conclut l’experte.