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Ordinateurs, téléphones, voitures... Comment la loi de Moore a changé nos vies

Gordon Moore, le père de la loi qui porte son nom, est décédé fin mars à l'âge de 93 ans. Sa loi, formulée en 1965, prédisait que la puissance des processeurs doublerait tous les deux ans. Un moteur du progrès technique qui a révolutionné l'informatique et nos vies.

Eric Keslassy, enseignant d’économie à Sciences Po
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© CAYCE CLIFFORD/NYT-REDUX-REA

L’origine de la croissance économique a toujours passionné les économistes. Le père de l’économie politique, Adam Smith, ne s’interrogeait-il pas, dès 1776, sur les causes de la richesse des nations ?

Après presque deux siècles et demi de recherche, il est désormais convenu de considérer que la croissance économique a trois grandes sources : l’accumulation des facteurs de production (travail et capital), qui donne lieu à de la croissance extensive ; le progrès technique qui permet de dépasser la loi des rendements factoriels décroissants, mesuré par la productivité globale des facteurs, et qui conduit à de la croissance extensive ; enfin, dans une perspective plus historique, il faudrait également tenir compte du rôle des institutions.

En termes de progrès technique, depuis un plus d’un demi-siècle, les pays avancés ont pu compter sur l’apparition et la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). La puissance informatique, puis le développement d’Internet, participent en effet directement de leur (faible) croissance économique. 

La prophétie de l'ingénieur Gordon Moore

Dans ce cadre, dès 1965, Gordon Moore, l’un des trois cofondateurs de la compagnie Intel, affirme qu’il existe une courbe d’évolution prévisible du nombre de transistors utilisables par microprocesseur : à coût égal, on doit assister à leur doublement tous les ans. Fondée initialement sur un constat empirique, la loi Moore prend l’allure d’une prophétie lorsque son concepteur postule que cette évolution va se prolonger dans le temps. 

En 1975, Gordon Moore ajuste sa prédiction : par circuit informatique, le nombre de transistors devait être dorénavant en mesure de doubler tous les deux ans, de quoi renforcer de façon exponentielle la puissance des ordinateurs ou de tout appareil qui utilise l’informatique. De fait, la loi Moore est parfaitement vérifiée jusqu’à ces dernières années. 

Moore avait d’ailleurs lui-même envisagé la fin de la justesse de sa prévision, anticipant la limite physique de la miniaturisation des processeurs. Une limite physique qui se profile en ce moment même car, en réduisant davantage les transistors, le comportement des électrons devient aléatoire, ce qui dégrade considérablement leur fiabilité. Pour l’instant, la recherche et développement (R&D) n’est pas parvenue à solutionner ce problème.

Tant que la loi Moore est restée pertinente, les micro-processeurs sont devenus à la fois de plus en plus complexes et de plus en plus petits, ce qui a permis d’en varier considérablement les utilisations. À cout constant. 

Au cœur du progrès de nos téléphones et ordinateurs

Cette miniaturisation des transistors a permis à nos ordinateurs de devenir à la fois moins lourds, plus ergonomiques, et plus puissants. Tout en étant de moins en moins chers. Ensuite, comme l’envisageait Moore lui-même dès le milieu des années 1960, ce progrès technique a rendu possible les téléphones portables – puis les smartphones –, les tablettes ou encore les montres connectées. 

Mais, plus encore, la croissance régulière du nombre de transistors dans les circuits informatiques a eu des effets notables dans le développement des transports (par exemple, la conduite autonome des véhicules, au-delà de l’amélioration de nos tableaux de bord), mais aussi de la météorologie ou encore de l’aérospatiale entre autres domaines. 

Il n’y a donc aucun doute que les progrès techniques prévus par la loi Moore ont participé activement de la croissance économique. Un phénomène récent témoigne d’ailleurs de l’importance actuelle des microprocesseurs dans l’économie mondiale : au sortir de la crise du Covid-19, lorsque les industries du monde entier se sont relancées, sensiblement au même moment, la reprise a été freinée par une pénurie de… microprocesseurs !

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L'IA au relais ?

On peut également signaler que la loi Moore est l’une des questions abordées par les économistes qui s’interrogent sur la stagnation séculaire des pays avancés : les techno-pessimistes, comme Robert Gordon, expliquent que la toute prochaine fin de la loi Moore démontre que le progrès technique n’apportera plus jamais les gains de productivité connus avec l’apparition des NTIC ; au contraire, les techno-optimistes, comme Philippe Aghion, considèrent que nous sommes dans une période de latence – comme il y en a déjà eu par le passé – qui s’achèvera nécessairement lorsque la R&D aura trouver la réponse à la limite physique qui se profile.

Ou encore lorsqu’un progrès technique, comme l’intelligence artificielle, saura complétement prendre le relais. Il y aurait donc encore des gisements de productivité globale des facteurs à venir…

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