Economie
Faut-il vraiment plus de nouvelles technologies dans les écoles ?
Sélection abonnésDu primaire à l’enseignement supérieur, tablettes, casques de réalité virtuelle, serious games, réseaux sociaux transforment radicalement le rapport au savoir. Dans certaines écoles, le temps du tableau noir semble désormais loin.
Sandrine Chesnel
© Getty Images/iStockphoto
« Les livres seront bientôt obsolètes dans les écoles. » Cette citation pourrait dater de la semaine dernière, et pourtant elle est attribuée à Thomas Edison, en 1913. Fondateur de la General Electric, Edison était un scientifique autodidacte – on lui doit notamment l’invention du téléscripteur, de la première caméra et du phonographe. Un touche-à-tout aux 1 000 brevets, qui était persuadé que le futur de l’école serait basé sur un « enseignement visuel », au détriment des livres de papier.
Un siècle plus tard, que penserait Thomas Edison de nos salles de classe ? Aujourd’hui comme il y a 100 ans, les élèves sont toujours assis sur une chaise, tournés vers l’enseignant et son tableau. Manuels, crayons et cahiers font encore partie de l’équipement de la plupart d’entre eux…
Mais de nouveaux supports apparaissent et dessinent les contours de l’école de demain. Rappelez-vous les tablettes numériques dont François Hollande, alors président, a voulu doter tous les collégiens, en 2015.
« Les livres seront bientôt obsolètes dans les écoles. » Cette citation pourrait dater de la semaine dernière, et pourtant elle est attribuée à Thomas Edison, en 1913. Fondateur de la General Electric, Edison était un scientifique autodidacte – on lui doit notamment l’invention du téléscripteur, de la première caméra et du phonographe. Un touche-à-tout aux 1 000 brevets, qui était persuadé que le futur de l’école serait basé sur un « enseignement visuel », au détriment des livres de papier.
Un siècle plus tard, que penserait Thomas Edison de nos salles de classe ? Aujourd’hui comme il y a 100 ans, les élèves sont toujours assis sur une chaise, tournés vers l’enseignant et son tableau. Manuels, crayons et cahiers font encore partie de l’équipement de la plupart d’entre eux…
Mais de nouveaux supports apparaissent et dessinent les contours de l’école de demain. Rappelez-vous les tablettes numériques dont François Hollande, alors président, a voulu doter tous les collégiens, en 2015.
Un plan national finalement abandonné, même si des établissements se sont malgré tout équipés. Le coût, les problèmes de maintenance et le manque de formation des enseignants ont eu raison de cette vraie fausse bonne idée. Ce précédent a toutefois relancé, au sein de l’institution, le débat sur les nouvelles technologies dans l’école – un débat qui date des années 1980, avec l’arrivée du premier plan informatique à l’école.
La géo avec Assassin Creed
Parmi ces nouveaux outils ou supports d’apprentissage qui font leur entrée dans les classes, outre les tablettes numériques, on peut citer les tableaux numériques ou interactifs, qui ont remplacé les anciens tableaux à craie dans beaucoup d’établissements du primaire et du secondaire.
Ces nouveaux tableaux, semblables à une tablette géante, permettent un accès plus souple à des documents visuels (photos, vidéos, graphiques…). Thomas Edison apprécierait sans doute ! Autre nouvel outil plus inattendu : les téléphones mobiles des élèves. Très décriés par les parents, ils peuvent pourtant devenir un support d’apprentissage à part entière, comme dans la classe de Nathalie Ingrassia, professeure d’anglais en Haute-Savoie, qui a créé avec ses élèves et leur professeur de technologie une appli pour smartphone destinée à travailler l’accent british.
Les réseaux sociaux deviennent aussi des supports séduisants pour travailler l’expression écrite ou faire de l’éducation aux médias. Fini les échanges sur papier avec des correspondants à l’autre bout du monde ! Depuis 2015, grâce au dispositif QuotiTweet, des élèves de primaire et de collège partout en France utilisent Twitter pour échanger avec d’autres jeunes sur des thèmes décidés à l’avance par les enseignants, ou pour se poser des colles en maths ; ailleurs, des professeurs organisent des « tweet-dictées » en ligne.
Lire aussi > Formation de demain : tous apprenants et maîtres d’apprentissage ?
Bouger pour apprendre
Le modèle des « classes en autobus », le professeur devant et les élèves derrière rangés deux par deux a-t-il vécu ? Dans certains établissements, les professeurs disposent de mobilier innovant : ballon de yoga, bureau haut, siège à roulettes avec tablette…
Un matériel qui permet de faire évoluer la pédagogie en mettant en place « la classe flexible », comme l’explique Audrey, professeure en CP à Ris-Orangis, en banlieue parisienne : « Tous les jours les élèves changent de place, qui sur un bureau, qui à même le sol sur une galette, qui sur un bureau debout ou à roulettes… Cela permet de libérer les espaces, d’ouvrir la circulation. Chaque élève a plus d’espace vital, et peut aussi développer son autonomie. Les conditions d’apprentissage sont meilleures, mais cela implique de revoir la posture de l’enseignant. Il faut accepter de ne plus être au centre de la classe. »
En Seine-et-Marne, dans la classe de Romain Vincent, professeur d’histoire-géographie, on utilise les jeux vidéo : « Je me sers par exemple d’Assassin Creed pour faire réaliser une carte de Damas par les élèves, ou de Stronghold, un jeu de stratégie, porte d’entrée vers le monde médiéval. Ces outils permettent aux élèves de sortir de la routine, mais aussi de coopérer puisqu’ils jouent à deux sur chaque ordinateur. ».
Dans l’enseignement supérieur aussi, c’est déjà demain. Après la mode des MOOCs, ces cours en ligne accessibles gratuitement, est venue celle du serious game. À l’université de Franche-Comté, depuis la rentrée 2019, les étudiants en médecine révisent leur anatomopathologie grâce à un jeu sérieux développé par des professeurs de l’université, en partenariat avec le CHU de Besançon.
Encore plus fort, à Reims, les casques de réalité virtuelle ont fait leur apparition dans les cours de la Neoma Business School. Ils permettent aux étudiants de s’immerger dans un magasin pour en analyser l’organisation. La réalité virtuelle est également promise à un bel avenir dans le domaine de l’enseignement professionnel, pour développer l’apprentissage de gestes techniques précis, en chirurgie comme dans tous les métiers manuels.
Des professeurs « augmentés »
Dernière nouveauté attendue dans les salles de classe, l’arrivée de supports de cours améliorés grâce à l’Intelligence artificielle. Sous le terme learning analytics, il s’agit de collecter, mesurer et analyser des données récoltées auprès de personnes en situation d’apprentissage, pour ensuite mieux adapter les formations au fonctionnement cérébral des apprenants.
La fin des profs ? « On en est loin !, sourit Alain Goudey, directeur de la transformation digitale à Neoma Business School. L’enseignant demeure le chef d’orchestre indispensable pour accompagner les élèves, car tous n’ont pas les mêmes profils cognitifs. Il restera une référence pour sélectionner les sources d’information, aider à développer leur sens critique. Certes le métier évolue, et imposera la maîtrise des approches neuroscientifiques et de nouveaux outils, mais les nouvelles technologies ne vont pas faire disparaître les professeurs – elles vont juste augmenter leur pédagogie. »
La guerre des profs contre les EdTechs n’aura pas lieu !
Les nouvelles technologies coûtent cher. Les établissements d’enseignement s’organisent alors que l’État tend à se désengager. En France, plus encore que dans d’autres pays occidentaux, l’enseignement supérieur s’articule autour de deux secteurs. D’une part le secteur public, avec les universités, certaines grandes écoles d’ingénieurs et quelques écoles spécialisées.
D’autre part, le secteur privé qui comprend à la fois des écoles privées à 100 % et des écoles « consulaires » rattachées à des chambres de commerce et d’industrie, comme la prestigieuse HEC. Public et privé se distinguent notamment par leur logique de financement et leur degré d’indépendance dans la prise des décisions.
Aujourd’hui, les écoles privées accueillent un peu plus de 20 % des 2 678 700 étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur français, une proportion qui ne cesse de croître depuis 1998. Ainsi, les inscriptions dans l’enseignement supérieur ont doublé dans le privé depuis 20 ans quand elles n’ont augmenté « que » de 14 % dans le public.
La tendance devrait s’accélérer dans les prochaines années selon Bernard Belletante, ancien directeur général de l’EM Lyon, expert en éducation : « Les domaines de formation qui ne seront pas mieux soutenus par le public vont passer dans le privé. Je suis persuadé que, d’ici 10 ans, nous verrons s’ouvrir les premières facs de médecine privées en France, sous l’impulsion de laboratoires ou d’hôpitaux privés. Une bascule est en train de se faire entre d’un côté l’État, sans beaucoup de moyens et enserré dans des statuts rigides, de l’autre les investisseurs privés, très flexibles, et prêts à créer des parcours de formation innovants et sur mesure pour répondre aux attentes des étudiants de demain, et des recruteurs. Nombre de ces investisseurs, fonds, banques, particuliers, ont de gros moyens financiers, et il en faut pour construire des écoles adaptées aux pédagogies innovantes et aux EdTechs. »
Lire aussi > Le prof de 2025 : un pilote éducatif augmenté par l’IA ?
La percée inexorable des financements privés
Parmi ces nouveaux acteurs on peut citer l’exemple des écoles 42, deux établissements fondés en 2016 par Xavier Niel, le PDG de Free, qui forment des développeurs informatiques, un métier en tension. « Petit » bémol, ces établissements ne délivrent pas des diplômes de l’Éducation nationale, mais des certifications professionnelles.
Un faux problème, selon Bernard Belletante : « Ce modèle d’établissement, totalement libéré des contraintes de l’État, pas forcément onéreux pour les étudiants, va se développer. Un nouveau système est en train de se mettre en place dans lequel c’est la notoriété de l’établissement à l’international, la force de son réseau d’alumni, et l’ensemble de ses accréditations qui feront sa valeur – pour les étudiants, mais aussi pour les investisseurs. »
Dans cette optique, les business schools françaises sont bien placées puisque la France est sur le podium des trois pays qui comptent le plus d’écoles accréditées, après les États-Unis et la Grande-Bretagne.
À côté des écoles privées, les universités françaises les mieux placées dans les classements internationaux sont donc elles aussi confrontées à un enjeu de taille : continuer à attirer les étudiants français, mais aussi étrangers, alors que leurs financements par l’État baissent, et les poussent à aller chercher d’autres ressources via des fondations. Un changement de paradigme complet.
« Oui, l’éducation est un marché, et ce n’est pas un vilain mot, résume l’ancien directeur de l’EM Lyon. Un marché né d’une rencontre entre une offre et une demande. S’il y a une demande de diplômes et/ou de formation par les recruteurs, il y a un marché. Et donc une offre à construire. »
Mais cette logique pourrait entraîner à terme la disparition de pans entiers de l’enseignement supérieur et de la recherche (comme les sciences humaines ou l’art) faute de financement suffisant, les financeurs potentiels préférant se concentrer sur des domaines de formation plus directement rentables.
- Accueil
- Futur et Tech
- Numérique
Faut-il vraiment plus de nouvelles technologies dans les écoles ?