Economie
Êtes-vous prêt à habiter une maison imprimée ?
Sélection abonnésLa construction de bâtiments par fabrication additive semble promise à un bel avenir, mais pour l’instant, elle se heurte aux normes du secteur et aux modalités d’assurance des architectes. Les startups se multiplient.
Adeline Raynal
© Getty Images/iStockphoto
Un bâtiment administratif grand de 640 mètres carrés et haut de 9,5 mètres, sorti de terre en seulement trois semaines. C’est le nouveau record de Dubaï. Mené à bien par la société américaine Apis Cor, il résulte d’une innovation technologique exceptionnelle : la construction par impression 3D.
Le marché du bâtiment est en perpétuelle recherche de solutions pour répondre à des exigences de performance, d’esthétique, de rapidité, de résistance thermique. Les robots capables d’imprimer en 3D sont très demandés. Il n’y a pas que l’encre ou le plastique, le béton et la mousse s’impriment aussi ! De nouveaux bâtiments imprimés sortent de terre au Moyen-Orient, en Europe et aux États-Unis.
À lire Job du futur ? Technicien en impression 3D
Aux Émirats Arabes Unis, le Premier ministre a fixé un objectif : d’ici à 2030, 25 % des nouveaux bâtiments de Dubaï doivent être « imprimés ». Aux États-Unis, mais aussi en Europe, les projets pour démontrer la validité de cette technologie se multiplient depuis une dizaine d’années.
Un bâtiment administratif grand de 640 mètres carrés et haut de 9,5 mètres, sorti de terre en seulement trois semaines. C’est le nouveau record de Dubaï. Mené à bien par la société américaine Apis Cor, il résulte d’une innovation technologique exceptionnelle : la construction par impression 3D.
Le marché du bâtiment est en perpétuelle recherche de solutions pour répondre à des exigences de performance, d’esthétique, de rapidité, de résistance thermique. Les robots capables d’imprimer en 3D sont très demandés. Il n’y a pas que l’encre ou le plastique, le béton et la mousse s’impriment aussi ! De nouveaux bâtiments imprimés sortent de terre au Moyen-Orient, en Europe et aux États-Unis.
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Aux Émirats Arabes Unis, le Premier ministre a fixé un objectif : d’ici à 2030, 25 % des nouveaux bâtiments de Dubaï doivent être « imprimés ». Aux États-Unis, mais aussi en Europe, les projets pour démontrer la validité de cette technologie se multiplient depuis une dizaine d’années.
En France, à Nantes, depuis mai 2018 et pour la première fois au monde, une famille habite une maison imprimée en 3D baptisée Yhnova. Depuis 2017, d’autres bâtiments imprimés ont été édifiés, notamment à Reims et Valenciennes.
Performance thermique et déchets réduits
Ça marche comment ? Comme pour toute impression 3D, le projet doit d’abord être pensé puis traduit dans un programme informatique. Ensuite, il faut imaginer une matière solide qui puisse être coulée pour former les murs.
À lire L’imprimante 3D va-t-elle relocaliser l’industrie mondiale ?
Dans le secteur de la construction, l’outil qui imprime ne ressemble pas à une imprimante, mais plutôt à un robot doté d’un bras articulé de plusieurs mètres, guidé par laser. L’appareil applique le plan informatique qui lui a été soumis et dépose des couches de matière du sol vers le ciel.
« C’est que cette impression 3D permette de créer des maisons uniques, adaptées à la topologie du terrain et aux besoins de ses futurs habitants », s’enthousiasme Benoît Furet, enseignant-chercheur à l’IUT de Nantes et à l’origine de la première maison imprimée dans sa commune.
Les architectes peuvent en effet imaginer des murs courbes, s’adapter aux arbres déjà présents sur le terrain. Outre la rapidité, l’impression 3D promet une meilleure performance thermique grâce à des murs arrondis, sans aucun angle vif. Elle serait 30 à 40 % supérieure à celle obtenue dans le cadre d’une construction traditionnelle.
Une aubaine à bas coût
De par sa rapidité, certains voient dans l’impression 3D de bâtiments une solution future pour édifier des logements rapidement en cas de catastrophe naturelle. C’est ce que souhaite démontrer l’association américaine New Story.
En partenariat avec la start-up Icon, elle teste actuellement la construction de maisons pour moins de 5 000 dollars à destination de familles très défavorisées de l’état de Tabasco, au Mexique. Les deux premières maisons sont sorties de terre en décembre dernier.
L’entreprise italienne WASP (World’s Advanced Saving Project), fondée en 2012, a, elle, pour objectif, de produire à destination des pays les plus pauvres des imprimantes professionnelles capables d’imprimer des maisons à bon prix en utilisant des matériaux déjà présents sur place.
La fabrication additive révolutionne jusqu’au chantier lui-même.
D’un point de vue écologique, la construction par impression 3D permet d’éviter les déchets liés aux coffrages. L’impression 3D de béton, d’acier et de titane permet d’économiser de la matière, ce qui est plus sobre que d’extraire une pièce à partir d’un bloc de matière.Klaas De Rycke,
architecte chez Bollinger + Grohmann.
« L’impression 3D répond à l’enjeu écologique d’une moindre utilisation des ressources, on gaspille moins de sable par exemple », abonde Alexandre Pierre, maître de conférences à l’université de Cergy-Pontoise. Le travail intense des ouvriers du BTP est effectué par un seul robot.
Le chantier est non seulement plus rapide, mais aussi plus silencieux pour les riverains, il nécessite moins d’allers-retours de camions. D’après Bouygues Construction, cette innovation permet de réduire de 75 % les émissions de CO2 lors d’un chantier. Il faudra toutefois du temps pour que le marché prenne son essor.
« Je m’intéresse à l’impression 3D dans le bâtiment depuis 2004. C’est une innovation très lente à se développer, en partie parce que les standards de la construction sont très exigeants », observe Klaas De Rycke.
Une maison imprimée partiellement en 3D par Bouygues. Crédits : Bouygues.
Les entreprises s’y mettent
Mais les industriels sont à l’affût. Chaque année, les technologies de fabrication additives et automatisées, telles que l’impression 3D de béton, sont exposées lors du congrès Digital Concrete, à Zurich.
Pendant longtemps, ce type de congrès regroupait surtout des enseignants-chercheurs, avec peu d’industriels. Or en 2019, il y avait 40 % d’industriels parmi les inscrits. Pour moi, c’est la preuve que l’intérêt grandit et que les entreprises prennent la chose très au sérieux.Agnès Petit Markowski,
fondatrice de la start-up suisse Mobbot.
« Pour l’instant, on manque du recul nécessaire pour pouvoir anticiper le marché le plus porteur : les maisons individuelles ? Les bâtiments à bas coût ? Il faudra encore des années pour que cette technique suscite la confiance », estime-t-elle. L’impulsion viendra probablement des pouvoirs publics, comme à Dubaï.
À Nantes, les trois chercheurs concepteurs d’Yhnova ont passé la main à un jeune entrepreneur, Hedy Zouaoui. Début janvier 2020, il a fondé la société Batiprint3D.
« Dans un avenir proche, le potentiel de notre robot résidera d’abord dans sa capacité à effectuer des tâches répétitives, l’isolation par exemple, ainsi que la fabrication de partie de murs ou de colonnes aux formes complexes. Nous pourrions construire des musées, des bureaux, des maisons, mais pour l’instant, notre business model, c’est la robotisation sur les chantiers du BTP », confie le dirigeant.
Et d’ajouter : « Nous visons les 10 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023. » En France, le secteur du BTP pèse au total 140 milliards d’euros. « Pour l’instant, le principal obstacle, ce sont les normes et les modalités d’assurance des architectes, mais au vu de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur, je pense que l’on verra se multiplier les robots sur les chantiers d’ici à cinq ans », prévoit Hedy Zouaoui.
Outre de jeunes pousses comme XtreeE, Constructions-3D, Mobbot ou Batiprint3D, le secteur suscite également des investissements au sein de groupes comme Freyssinet ou Vinci, qui a ouvert une usine à Dubaï. Le BTP représente 3,2 % du marché mondial de l’impression 3D. Une niche. Mais d’après une étude Xerfi, ce marché pourrait représenter 20 milliards de dollars en 2020 et croître de 26 % par an d’ici à 2025.
Et certains visent déjà la Lune. « Avec mon équipe, nous avons mené un projet de recherche commandé par l’Agence spatiale européenne afin d’évaluer les possibilités de constructions par impression 3D dans l’espace. Il en est ressorti que techniquement, cela serait possible ! », sourit Klass De Rycke. La start-up lyonnaise Fabulous a elle aussi imaginé un habitat par impression 3D métallique adapté à la planète Mars : le projet Sfero !
Béton frais et polymère
Plusieurs équipes de recherche à travers le monde réfléchissent depuis des années à des technologies d’impression 3D. D’où l’existence de méthodes variées.
« En France, les travaux actuels sont faits par un procédé d’extrusion de mortier ou de béton à l’état frais, couche par couche. Des produits chimiques inclus dans le matériau permettent de provoquer un durcissement très rapide afin qu’il puisse supporter les couches supérieures », décrit Alexandre Pierre.
L’entreprise française XtreeE utilise cette technique. Elle a notamment créé des colonnes très originales aux formes faisant penser à des coraux. « Il existe aussi une technique de liaison sélective de particules : du liant, de l’eau par exemple, est injecté dans des granulats (sable + ciment) et c’est l’ajout de l’eau qui provoque la solidification », ajoute Alexandre Pierre. C’est une technologie mise au point par l’entreprise italienne D-Shape, située près de Pise.
À Nantes, la technique est encore différente. « Dès le début des recherches en 2015, j’ai estimé que la structure ne devait pas être le seul objectif : l’enjeu selon moi, c’était l’isolation », explique Benoît Furet.
Il se renseigne, s’associe à deux autres enseignants-chercheurs de l’université nantaise et après deux ans de recherches, la maison Yhnova de 95 mètres carrés est imprimée en quelques jours, mi-septembre 2017. « Le robot imprime d’abord deux parois de polymère, qui se solidifie instantanément, puis du béton est coulé entre les deux ». Ce polymère est notamment issu de bouteilles en plastique recyclées.
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