Au petit matin du 25 avril 2015, le destin de deux amis d’enfance, Arnaud Pourredon et Romain Renard, est sur le point d’être bouleversé. Ils ne le savent pas encore, mais dans deux ans, le premier abandonnera ses études de médecine, déménagera à Abidjan, en Côte d’Ivoire, et embarquera son ami Romain dans une guerre épique, en Afrique subsaharienne, contre le trafic de faux médicaments.
Pour l’heure, ce 25 avril, comme beaucoup de Français, ils découvrent que pendant la nuit, la terre a tremblé au Népal. Arnaud décide de s’y rendre en mission humanitaire pour le Fonds des nations unies pour l’enfance (Unicef). Dans les régions reculées du pays, il voit pour la première fois des boutiques de fortune vendant dans la rue de faux antibiotiques.
Il accueille des patients qui se soignent à coups de sucre, pensant gober des médicaments antidouleurs. Et Arnaud, bien malgré lui, contribue pendant plusieurs jours à ce trafic mortifère. Le mal est partout, même l’organisation des Nations Unies s’est laissé duper. « L’Unicef s’approvisionnait à la centrale d’achat du pays, elle-même achalandée par la Chine et l’Inde en… faux médicaments. »
Au petit matin du 25 avril 2015, le destin de deux amis d’enfance, Arnaud Pourredon et Romain Renard, est sur le point d’être bouleversé. Ils ne le savent pas encore, mais dans deux ans, le premier abandonnera ses études de médecine, déménagera à Abidjan, en Côte d’Ivoire, et embarquera son ami Romain dans une guerre épique, en Afrique subsaharienne, contre le trafic de faux médicaments.
Pour l’heure, ce 25 avril, comme beaucoup de Français, ils découvrent que pendant la nuit, la terre a tremblé au Népal. Arnaud décide de s’y rendre en mission humanitaire pour le Fonds des nations unies pour l’enfance (Unicef). Dans les régions reculées du pays, il voit pour la première fois des boutiques de fortune vendant dans la rue de faux antibiotiques.
Il accueille des patients qui se soignent à coups de sucre, pensant gober des médicaments antidouleurs. Et Arnaud, bien malgré lui, contribue pendant plusieurs jours à ce trafic mortifère. Le mal est partout, même l’organisation des Nations Unies s’est laissé duper. « L’Unicef s’approvisionnait à la centrale d’achat du pays, elle-même achalandée par la Chine et l’Inde en… faux médicaments. »
Un fléau en Afrique
Ce fléau devient son obsession. En s’abreuvant de rapports de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il apprend que ce trafic rapporte 20 fois plus que l’héroïne et qu’il tue chaque année dans le monde un million de personnes. Un an plus tard, en Tanzanie, puis en Bolivie, lors de nouvelles missions humanitaires, il ne voit que cela : ces marchés ambulants, ces faux cachets qui tuent.
Romain est alors en master de finance à Sciences Po. « Avec Arnaud, nous avons toujours partagé cette envie d’entreprendre, d’agir, de trouver des solutions concrètes aux problèmes », confie ce dernier. La guerre contre les faux médicaments, ils décident de la lancer en Afrique subsaharienne. « C’est dans cette région que ce trafic sévit le plus », explique Romain.
Leur arme : la blockchain. « Elle ressemble à un grand livre de comptes infalsifiable. Les laboratoires inscrivent dedans les numéros de série des boîtes de leurs médicaments. Avec notre application mobile, nous donnons aux patients et pharmaciens accès à cette information. Avec leur smartphone, ils scannent le code-barres sur la boîte de médicaments et l’appli leur dit si ces drogues viennent des labos ou si ce sont des faux », résume Romain.
Blockchain
Technologie transparente et sécurisée de stockage et de transmission d’informations, qui fonctionne sans organe central de contrôle.
Meditect, c'est...
Une entreprise fondée en 2017, qui compte 25 salariés et prévoit 5 recrutements supplémentaires au cours de six prochains mois. Tous et toutes travaillent depuis trois bureaux : Bordeaux (le siège), Abidjan (Côte d’Ivoire), et Yaoundé (Cameroun). À ce jour, quelque 1200 pharmacies en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Sénégal utilisent l’application développée par la startup, qui a levé 1,5 million d'euros pour sa première levée de fonds.
Ils fondent Meditect fin 2017 et se partagent les rôles. Arnaud est sur le terrain, au contact des pharmaciens, patients et autorités sanitaires. Romain négocie avec les laboratoires et convainc les business angels de les suivre. L’affaire démarre assez vite. Le laboratoire Upsa signe début 2018 et valide leur modèle d'affaires.
« L’application est gratuite. C’est Upsa qui nous rémunère pour que nous sécurisions les flux de leurs médicaments », explique Romain, qui se démène aujourd’hui pour trouver d’autres laboratoires partenaires. Début 2018 viennent aussi les prix et la notoriété. Meditect remporte plusieurs concours dédiés aux jeunes entrepreneurs comme le « Let’s go France » (PwC) ou le « Best European Tech Startup » 2018 (MIT Technology Review).
En mai 2020, en pleine crise sanitaire et du haut de ses trois stages en finance, Romain lève 1,5 million d’euros. L’équipe s’étoffe aussi : de six en mars 2018, ils sont 25 aujourd’hui. Au siège de Bordeaux s’ajoutent des bureaux en Côte d’Ivoire et au Cameroun. Et peut-être bientôt un quatrième, au Mali ou au Burkina Faso… Arnaud y travaille. Romain, de son côté, est en pleine troisième levée de fonds.
En aparté
Ma plus grosse erreur
« J’ai souvent peur de ne pas aller assez vite. Donc je me précipite et c’est comme cela que les erreurs arrivent. Le projet “e-money” pour Meditect est un bon exemple. Nous avons lancé une version de notre application qui permet aux pharmaciens de facturer en e-money (monnaie électronique) les médicaments aux patients. En Afrique francophone, la monnaie est le franc CFA. C’est en gros les anciens francs. 1000 francs CFA c’est l’équivalent de 1,5 euro.
Une boîte d’Efferalgan [N.D.L.R. : médicament UPSA à base de paracétamol] coûte en Côte d’Ivoire 1435 fr CFA. Le client donne donc 1500 fr CFA mais le pharmacien ne peut lui rendre la monnaie, cela n’existe pas. La plus petite coupure est le billet de 500 fr CFA. Une monnaie électronique apparaissait donc comme une solution à ce problème de cash. Nos développeurs ont travaillé dessus.
Tout fonctionnait, au moins techniquement. Le client pouvait payer de son smartphone en e-money et le pharmacien encaisser les sommes avec son téléphone. Mais dans la pratique, cela n’a pas du tout marché. Ce n’était pas pratique pour les pharmaciens d’utiliser toute la journée leur smartphone. Nous aurions pu le savoir si nous avions pris le temps de faire quelques tests auprès d’un panel de pharmaciens. Mais quand on est pressé, on zappe cette étape essentielle. Nous n’avons pas abandonné le projet, nous le retravaillons pour l’adapter aux usages des pharmaciens. »
« Pour être honnête, je ne décroche jamais. Meditect est mon bébé, ma vie. J’y pense sous la douche, en me rasant, en mangeant ; même dans mon sommeil, je rêve de Meditect. En ce moment par exemple, je profite des temps morts, hors bureau, comme un trajet en train, pour écouter des podcasts dans lesquels des entrepreneurs expliquent comment ils s’y sont pris pour leur troisième levée de fonds.
Toutefois, je concède qu’il est important, de temps en temps, de casser le rythme quotidien. Alors quand je peux, je prends le large sur un bateau en Méditerranée. Je suis un passionné de voile. »