Le biomimétisme, du grec bio (vie) et mimesis (imitation), consiste à s’inspirer de la nature pour innover de façon durable et soutenable. Avec l’idée clé que le vivant, fort de ses 3,8 milliards d’années d’évolution, est un véritable champion de l’innovation durable.
« Dans nos productions humaines et industrielles, nous utilisons beaucoup d’énergie et de matières premières. Le vivant, lui, optimise pour créer la structure la plus efficiente et la plus sobre en matières premières, en énergie, en quantité d’eau utilisée, etc. », explique Laura Magro, directrice adjointe en charge du développement scientifique du Ceebios, un centre d’études dédié au déploiement du biomimétisme en France.
À lire : Les sources de la décroissance expliquées par un économiste oublié
Le concept est loin d’être nouveau : que l’on pense à Léonard de Vinci, qui en fut un pionnier, ou à Clément Ader, ingénieur français qui s’inspira de la chauve-souris pour concevoir ses premiers avions.
Le biomimétisme, du grec bio (vie) et mimesis (imitation), consiste à s’inspirer de la nature pour innover de façon durable et soutenable. Avec l’idée clé que le vivant, fort de ses 3,8 milliards d’années d’évolution, est un véritable champion de l’innovation durable.
« Dans nos productions humaines et industrielles, nous utilisons beaucoup d’énergie et de matières premières. Le vivant, lui, optimise pour créer la structure la plus efficiente et la plus sobre en matières premières, en énergie, en quantité d’eau utilisée, etc. », explique Laura Magro, directrice adjointe en charge du développement scientifique du Ceebios, un centre d’études dédié au déploiement du biomimétisme en France.
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Le concept est loin d’être nouveau : que l’on pense à Léonard de Vinci, qui en fut un pionnier, ou à Clément Ader, ingénieur français qui s’inspira de la chauve-souris pour concevoir ses premiers avions.
Le capital naturel français, un atout décisif
En retard sur le biomimétisme, la France possède pourtant un capital naturel exceptionnel, un atout pour étudier les modèles biologiques et s’en inspirer. Présente dans tous les océans sauf l’Arctique, elle dispose du deuxième espace maritime mondial après les États-Unis, avec près de 11 millions de km², et du premier espace sous-marin du monde.
Grâce notamment à ses territoires ultramarins (Nouvelle-Calédonie, La Réunion, Mayotte, Guadeloupe, Martinique, Polynésie et Wallis-et-Futuna), l’Hexagone compte 10 % des espèces connues au niveau mondial. Enfin, les collections du Muséum national d’Histoire naturelle, avec près de 68 millions de spécimens, peuvent servir d’inspiration pour bâtir des solutions d’avenir issues du vivant.
Réconcilier innovation et écologie
« Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est le développement d’outils et de méthodologies : on cherche à ce que le biomimétisme ne soit pas le fruit du hasard ou de la passion d’un individu, mais une véritable démarche proactive dans les entreprises », indique Laura Magro.
Le biomimétisme a « la capacité d’être l’un des piliers de la prochaine révolution industrielle tant il permet de créer des technologies plus efficaces, plus performantes et plus parcimonieuses. Il répond à un défi industriel majeur qui est la réconciliation entre la notion d’innovation et la notion d’écologie ».
Sidney Rostan,fondateur du bureau d’ingénierie et d’études Bioxegy.
Le potentiel économique est gigantesque : le biomimétisme pourrait contribuer à hauteur de 1 600 milliards de dollars au PIB mondial d’ici à 20301.

Source : étude socioéconomique territoriale sur le potentiel du biomimétisme en Nouvelle-Aquitaine, Vertigo Lab pour la région Nouvelle-Aquitaine et le Ceebios, 2018.
Certaines entreprises ont été pionnières dans l’utilisation de cette approche pluridisciplinaire, par exemple la société américaine Interface, leader de la moquette modulaire. Au milieu des années 1990, l’entreprise s’est entourée de spécialistes pour l’aider à ne plus avoir aucun impact sur l’environnement à l’horizon 2020.
Économie circulaire
En France, ce concept a été défini dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte d’août 2015 : « La transition vers une économie circulaire vise à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter, en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires [...]. »
Le design aléatoire des feuilles d’arbres
Parmi eux, la scientifique Janine Benyus, qui a popularisé le biomimétisme2. « Les designers d’Interface se sont par exemple inspirés du sol en forêt, où toutes les feuilles sont différentes, pour mettre au point le design aléatoire. Cette innovation permet d’installer les dalles de moquette dans tous les sens, avec de vrais bénéfices environnementaux, puisque le taux de pertes à l’installation passe de 5 % à 1-2 % et que la maintenance est simplifiée », explique Mickaël Cornou, l’un des experts en biomimétisme chez Interface.
Ce design représente maintenant 50 % des ventes d’Interface. Grâce à de nombreuses autres mesures, la société a réussi à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 96 % depuis 1996. Elle a récemment lancé un autre programme de biomimétisme, « Factory as a Forest ».
« L’idée est de parvenir à ce que nos usines fonctionnent comme des forêts, en termes de puits de carbone, de filtration de l’eau, etc. », indique Mickaël Cornou. D’autres entreprises font figure de pionnières, comme L’Oréal ou le secteur de l’aéronautique, « creuset d’innovations bio-inspirées depuis bien longtemps », tandis que d’autres font du biomimétisme « sans l’afficher ou sans le savoir », observe Chrystelle Roger, présidente du cabinet de conseil en biomimétisme Myceco.
Antennes du papilllon
Selon elle, « l’essor du biomimétisme en France passe par son intégration dans une feuille de route stratégique, à la fois au niveau des entreprises et au niveau national ». Un peu comme pour l’Intelligence artificielle, afin de mettre en place des financements dédiés et d’envoyer un signal fort aux industriels. Par rapport à d’autres pays comme l’Allemagne, qui a consacré 200 millions d’euros de financements publics au biomimétisme depuis 20 ans, l’Hexagone accuse un certain retard.
« On a encore beaucoup de chemin à parcourir. Il faut espérer que dans 10 ans, le biomimétisme ne sera plus simplement une approche scientifique, mais une pratique ancrée dans les réflexes industriels et d’innovation des entreprises »
Sidney Rostan,fondateur du bureau d’ingénierie et d’études Bioxegy.
Depuis sa création, il y a trois ans, ce bureau d’études a déjà mené une cinquantaine de projets avec des clients très divers. Par exemple, ses biomiméticiens développent, avec un grand acteur français de l’énergie, une technologie de détection des fuites de gaz en s’inspirant des antennes d’un papillon (le bombyx du mûrier) capables de déceler les phéromones des femelles à plusieurs dizaines de kilomètres.

Source : rapport sur le biomimétisme, Fermanian Business & Economic Institute, 2013.
« Nos premiers résultats montrent que cette technologie est 1 000 % plus efficace que les capteurs actuels », s’enthousiasme Sidney Rostan. Les possibilités du biomimétisme paraissent illimitées, avec des applications dans de très nombreux secteurs d’activité.
Du nid de guêpes au « rotor sans perte »
Tout a commencé par une piqûre. Alors que sa fille de quatre ans venait d’être la cible d’une guêpe, Romain Ravaud, fondateur de Whylot, une entreprise spécialisée dans les moteurs électriques, s’est approché du nid et a eu une illumination.
« Il est formé d’hexagones élémentaires, une forme qui possède des caractéristiques mécano-thermiques particulières. C’est la minimisation de l’énergie dans les systèmes vivants, qui utilisent toujours un minimum d’énergie pour obtenir un maximum de résultats », explique cet ingénieur.
L’idée de génie fut de combiner cette forme hexagonale à une segmentation excessive des aimants du rotor (la partie mobile d’un moteur électrique), pour inventer le concept de « rotor sans perte ». « Il faut imaginer le rotor comme un disque qui tourne. Habituellement, c’est un disque plein, comme une pizza. Chez nous, il est formé d’une multitude de petites alvéoles, comme dans un nid de guêpes, avec un petit aimant dans chaque alvéole », détaille Romain Ravaud.
Cette « révolution » a permis de faire gagner quelques points de rendement aux moteurs électriques développés par Whylot, pour atteindre presque 98 %, contre environ 95 % pour les autres moteurs sur le marché (sachant qu’un rendement de 100 % est impossible).
« Ces quelques points supplémentaires peuvent sembler minimes, mais ils ont des conséquences majeures : les véhicules gagnent en autonomie, les batteries peuvent être fabriquées avec moins de terres rares », explique Romain Ravaud.
Notes
1. “Bioinspiration : An Economic Progress Report”, Fermanian Business & Economic Institute, 2013
2. Biomimétisme : quand la nature inspire des innovations durables, Janine Beynus (Rue de l’échiquier, 2017)