Economie

L’iPhone 12 retiré de la vente en France : les normes au service du principe de précaution

Mardi 12 septembre, l’Agence nationale des fréquences (ANFR) a demandé à Apple de ne plus vendre son iPhone 12 sur le marché français. Le modèle émet trop d’ondes par rapport aux normes imposées par la réglementation. Apple a décidé de se conformer à ces normes qui participent surtout d’un principe de précaution de la part du législateur européen.

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© EmShuvo / Pexels

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Le hasard fait bien (ou mal) les choses. Alors qu’Apple présentait son iPhone 15 porteur du port USB-C, mardi 12 septembre, l’Agence nationale des fréquences (ANFR) demandait dans le même temps à la marque américaine de ne plus vendre son iPhone 12 en France. Le motif : des tests de la part de l’agence ont montré que les ondes électromagnétiques émises par l’appareil qui sont absorbées par le corps humain dépassent les seuils réglementaires en vigueur dans l’Union européenne.

Pour être conforme en Europe et en France, le Débit d’absorption spécifique (DAS) - soit l’énergie transportée par les ondes électromagnétiques et absorbée par le corps humain - ne doit pas dépasser 2 Watts par kilogramme (W/kg) près de la tête et du tronc et 4 W/kg près des membres. Or, les ondes induites par la nouvelle mise à jour de l’appareil (commercialisé depuis 2020), atteignent 5,74 W/kg pour le DAS “membre”. De ce fait, aucun iPhone 12 ne plus être proposé à la vente en France tant qu’Apple n’a pas réglé le problème, annonce l’agence dans un communiqué.

L’affaire a largement été relayée dans la presse car c’est la première fois qu’Apple est visé. Pourtant, d’autres marques ont dû se conformer auparavant aux normes européennes. C’est le cas du Razer Phone 2 en 2020, d’appareils Xiaomi, Sony, Nokia ou OnePlus en 2021 ou encore de Samsung en novembre 2022 qui s’est même vu infliger une amende de 7 500 euros pour ne pas avoir respecté la première demande de mise en conformité de la part de l’ANFR.

Le ministre français chargé du numérique, Jean-Noël Barrot, a même menacé d’ordonner un rappel des iPhone 12 déjà vendus dans le pays. Apple a d’abord contesté les conclusions des tests de l’ANFR en expliquant que son smartphone est « conforme à toutes les réglementations et normes SAR applicables dans le monde » avant d’annoncer lancer des mises à jour sur les iPhone 12, vendredi 15 septembre, afin de se conformer aux normes européennes.

Pour aller plus loin > Apple peut-elle survivre à l’iPhone ?

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En économie, les normes sont des règles, des critères auxquels il convient de se conformer afin de garantir la qualité d’un produit ou d’un service au sein d’un marché. Ces normes sont souvent fixées par des législateurs nationaux ou supranationaux.

Dans le cas des seuils de fréquences d’ondes électromagnétiques des téléphones portables, les normes sont élaborées au niveau supranational de l’Union européenne. Bruxelles s’est basé sur les préconisations de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP), un organisme scientifique indépendant et à but non lucratif qui évalue l’état des connaissances concernant les effets des rayonnements non ionisants (RNI) sur la santé humaine et sur l’environnement.

À partir de ces préconisations, le Conseil de l’UE (institution qui rassemble les ministres des États membres) a émis une recommandation aux États pour qu’ils respectent ces seuils. À noter qu’au niveau européen, une recommandation est un acte législatif qui ne pose aucune obligation légale mais qui porte un certain poids politique et prépare à une future législation. C’est à la suite de cette recommandation que la France a établi sa réglementation en la matière, par un décret publié en 2002 et qui reprend l’ensemble de seuils présents dans la recommandation européenne.

L’imposition de telles normes se fait dans l’intérêt de la santé du consommateur afin de le protéger des effets néfastes des ondes électromagnétiques. Pourtant, selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), « rien n’indique pour l’instant que l’exposition à des champs électromagnétiques de faible intensité soit dangereuse pour la santé humaine et ce malgré de nombreuses recherches ». Une conclusion confirmée en France par l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) qui indique qu' « à ce jour, il n’y a pas de consensus scientifique concernant des effets à long terme dus à une exposition faible mais régulière. ».

Les normes européennes et françaises semblent donc relever plutôt du principe de précaution.

Pour aller plus loin > Intelligence artificielle, data, cloud… L’UE n’est-elle bonne qu’à réguler ?

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Le Principe de précaution est un principe de comportement et de gestion face à un environnement incertain. Comme l’explique le Parlement européen en 2015, il « vise à permettre aux décideurs de prendre des mesures de protection [même] lorsque les preuves scientifiques relatives à un danger pour l’environnement ou la santé humaine sont incertaines et que les enjeux sont importants. »

Ce concept apparaît en Allemagne à la fin des années 1960 et concerne plutôt au départ les questions environnementales. Il finit par être intégré dans le droit international et notamment dans le traité de Maastricht et dans les États membres comme en France où il est inscrit dans la loi Barnier du 2 février 1995.

Mais aujourd’hui, ses domaines d’applications dépassent le simple cadre environnemental et pénètrent les questions de santé publique. C’est ce qui semble être le cas avec les remontrances faites à Apple et son iPhone.

Malgré l’absence de consensus à propos des dangers des ondes électromagnétiques basse fréquence sur le long terme, les législateurs européens et français ont préféré adopter des normes restrictives.

Pour aller plus loin > Comment fonctionne la surtransposition des normes européennes ?

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Fiche_citation_larrEre_iphone_12.png« On voit souvent [dans le principe de précaution] un principe d’abstention, qui bloquerait toute innovation. Le principe de précaution donnerait satisfaction aux peurs irrationnelles du public, à sa méfiance de principe vis-à-vis de la technique et de la science, ce qui conduirait à l’immobilisme. Mais la critique opposée lui a été aussi été faite : pour certains il serait impuissant à parer aux conséquences catastrophiques de ce développement des techniques. »

Catherine Larrère,

Philosophe, spécialiste de la philosophie morale et politique

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