Economie
Mission Alpha de Thomas Pesquet : 5 chiffres sur le coût de l’exploration spatiale
Thomas Pesquet est de retour sur Terre après six mois passés dans l’ISS. Une mission coûteuse rendue possible par la coopération internationale.
Cathy Dogon
© SpaceX/ZUMA Press/ZUMA/REA
Six mois
Thomas Pesquet a décollé le vendredi 23 avril 2021 - initialement prévu la veille, le départ avait été décalé d’une journée en raison des conditions météorologiques. Son retour était prévu fin octobre. Lui et ses trois coéquipiers ont finalement amerri au large de la Floride mardi 9 novembre. Il passe désormais trois semaines au Centre européen des astronautes à Cologne, en Allemagne.
Il a donc passé plus de six mois à bord de la station spatiale internationale (ISS) avec six coéquipiers. L'astronaute français était parti avec l’Américaine Katherine Megan McArthur, son compatriote Shane Kimbrough et le Japonais Akihiko Hoshide. Ils rejoignaient les Russes Oleg Novitsky et Pyotr Dubrov ainsi que l’Américain Mark Vande Hei, déjà sur place.
Une partie de leur temps a été dédiée à l’entretien de l’ISS. En effet, tous les astronautes participent à la maintenance de la station, la réception des vaisseaux pour le ravitaillement (environ un tous les deux à trois mois), à la réparation et au remplacement du matériel.
Thomas Pesquet a supervisé ces opérations en tant que commandant de la station en octobre.
Avec l’amélioration des technologies pour les vols habités, l’ISS accueille de plus en plus d’astronautes simultanément. L’occasion de répartir les tâches inhérentes à la vie de la station afin de dégager du temps pour la recherche scientifique.
12 nouvelles expériences françaises à bord
La France a profité du voyage de Thomas Pesquet pour approfondir ses connaissances en l'absence de pesanteur.
L’ISS offre l’opportunité de mener des expériences prolongées en micropesanteur, une condition que l’on ne peut pas reproduire sur Terre sur une longue durée.
Douze expériences avaient été sélectionnées pour être menées par notre astronaute national.
Le financement public de ces recherches s’élèvait à environ deux millions d’euros : soit un coût unitaire par projet compris entre une centaine et 600 000 euros.
Elles étaient pour la plupart destinées à améliorer les conditions de vie des astronautes pendant leurs futurs voyages (pour faire de l’exercice physique une fois dans la station, bien dormir ou encore adapter les matériaux des emballages qu’ils utilisent).
Côté recherche fondamentale, un projet nommé Blob a analysé les incidences de la micropesanteur sur le métabolisme.
L’astronaute français participait aussi à des expérimentations européennes (une soixantaine) et internationale. Au total, une centaine de projets internationaux de recherche était en cours pendant sa présence à bord de l’ISS.
8,3 % de financements européens dans l’ISS
Initiée en 1983 par le président Ronald Reagan, la station spatiale internationale était un projet 100 % américain.
L’Union européenne n’a été impliquée dans l’ISS qu’en 1998. C’est un manque de d’argent qui a poussé les États-Unis à s’ouvrir aux autres puissances spatiales. Pour des raisons géopolitiques, ils ont d’abord coopéré avec les Russes.
16 pays ont depuis investi dans la station spatiale internationale. Les États-Unis sont propriétaires et assument les charges à hauteur de 76,6 %, le Japon (12,8 %), onze États européens regroupés sous l’Agence spatiale européenne (ESA, 8,3 %), le Canada (2,3 %), et le Brésil. La Russie participe aussi mais avec un budget séparé.
Principalement achevée en 2011, la construction de l’ISS a coûté environ 115 milliards de dollars. Son exploitation fait l’objet d’un accord jusqu’en 2024 - elle a déjà été prolongée plusieurs fois-, mais elle devrait encore servir jusqu’en 2030.
Pendant ce laps de temps, la station spatiale internationale sera de plus en plus utilisée par des investisseurs privés. Les éléments en fin de vie de la station, seront progressivement désorbités et détruits lors de leur rentrée dans l’atmosphère.
2,6 milliards d’euros pour SpaceX
L’ISS est accessible grâce à la capsule Crew-2 Dragon de SpaceX. C’est la troisième fois que l’entreprise d’Elon Musk, fondée en 2002, transporte des passagers, après les missions Demo-2 (un vol d’essai avec deux astronautes) et Crew-1 (première rotation officielle commerciale avec quatre astronautes).
Pour sa première expédition, Thomas Pesquet était monté, le 17 novembre 2016, à bord de Soyouz MS-03. Le véhicule spatial russe assurait provisoirement les expéditions suite au retrait des navettes américaines Discovery, Atlantis et Endeavour en 2011.
Un an auparavant, la Nasa avait lancé un appel à projet pour construire les futurs vaisseaux américains. Plusieurs entreprises privées avaient répondu mais seulement deux sont finalement arrivées au bout de la sélection en 2014 : SpaceX et Boeing.
Le Crew Dragon de SpaceX, emprunté par Thomas Pesquet vendredi 23 avril, a été financé par la Nasa à hauteur de 2,6 milliards de dollars, et 4,2 milliards pour le CST-100 de Boeing.
Ni la France, ni l’Europe ne disposent actuellement de lanceur ou de vaisseau spatial capable de transporter des humains.
"L’Union européenne ne cherche pas à développer la capacité de lancement de vols habités, ni de vaisseaux capables de maintenir des humains dans l’espace" explique Jean Blouvac, responsable Exploration et vols habités au Centre national d'études spatiales (Cnes).
Il n’existe pas en Europe un marché de ce type. "ArianeGroupe avec Airbus et Thales AleniaSpace pourraient très bien envisager de répondre à ces besoins, mais après l’expérience des ATV, développer un vaisseau spatial ou modifier un lanceur pour du vol habité, représenteraient des investissements bien supérieurs au volume de l’activité spatiale. Un autre ordre de grandeur de financements serait nécessaire."
Alors l’Europe développe son expertise dans d’autres domaines. "L’Europe dispose de la famille Ariane pour son autonomie d’accès à l’espace. Ces véhicules sont capables de lancer des satellites à des fins commerciales" continue Jean Blouvac.
Le tout dernier français, Ariane 6, est attendu pour 2022. L’italien Vega est utilisé depuis 2012. "Nous fournissons des prestations aux autres puissances spatiales et des éléments comme le laboratoire Colombus ou le module de service du vaisseau américain Orion. En compensation, l’ESA est autorisée à lancer ses astronautes et à effectuer des séjours dans la station."
La coopération internationale entre agences spatiales en matière d’exploration n’est pas basée sur des transactions pécuniaires. Elle repose sur un échange équilibré en fonction des éléments fournis par chaque partie.Jean Blouvac,
Responsable Exploration et vols habités au Cnes
100 millions d’euros par an
Entre 2019 et 2022, le budget de l'agence spatiale européenne est de deux milliards d’euros pour son programme European Exploration Envelope Programme (E3P). L’exploration spatiale représente 12 % du budget de l’ESA.
La France participe à hauteur de 350 millions d’euros, soit un peu plus de 100 millions d’euros par an. C’est le troisième contributeur, après l’Allemagne et l’Italie.
E3P dispose de quatre objectifs : l’exploration en orbite basse avec l’ISS, la participation au projet de petite station spatiale Gateway en orbite cislunaire, ainsi que les activités à destination de la planète Mars et de la surface lunaire.
À titre de comparaison, les sommes investies par les États-Unis pour l’exploration spatiale dépassent 10 milliards de dollars par an, sur un budget total de la Nasa de 23,27 milliards de dollars.
Son équivalent européen dispose de 5,72 milliards d’euros pour l’ensemble de ces missions chaque année.
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