Son nom sonne comme le tic-tac d’une montre. Ce n’est pas un hasard. C’est une référence à la durée très courte des vidéos imposée à ses utilisateurs : 15 secondes maximum pour réaliser un clip musical. TikTok est donc une application qui défie le temps. Le challenge ne vaut pas seulement pour ses adeptes. Les plus grands acteurs de l’Internet mondial ont appris à se méfier de ce concurrent qui bat des records de précocité et revendique 350 millions d’utilisateurs actifs par jour.
Né il y a seulement trois ans, le réseau social a déjà passé le cap du milliard de téléchargements. Soit beaucoup plus rapidement que WhatsApp, Instagram ou encore Facebook. Le plus surprenant toutefois : TikTok n’est pas américaine mais chinoise, et son terrain de jeu n’est pas l’empire du Milieu – comme les Baidu, Tencent et autre Alibaba – mais la planète entière. Occident compris.
Des ados accros
Dès l’origine, TikTok a été conçue comme la déclinaison internationale de Douyin, une appli de création et de partage de micro-vidéos musicales développée par le groupe Internet chinois ByteDance et n° 1 des applis de vidéos courtes en Chine, avec 30 % du marché. Son démarrage explosif doit beaucoup au rachat du concurrent Musical.ly, pour près d’un milliard de dollars.

Également d’origine chinoise, Musical.ly avait installé un de ses sièges dans la Silicon Valley (USA) afin de mieux séduire la clientèle occidentale. Elle comptait d’ailleurs une centaine de millions d’utilisateurs au moment de sa fusion avec TikTok, à l’été 2018. Grâce à elle, des ados du monde entier ont découvert la possibilité de faire facilement des lipdubs ou de se filmer en train de danser sur leurs tubes favoris. Et ils sont rapidement devenus accros aux défis lancés sur la plateforme. Qu’il s’agisse de reproduire une même chorégraphie sur un fond musical. Ou d’une blague potache, comme le « unicorn challenge » consistant à se planter un cornet de glace sur le front. Succès viral garanti !
ByteDance ne doit pas tout à Musical.ly. La start-up se définit volontiers comme une société d’Intelligence artificielle. Celle-ci est partout : dans les effets spéciaux, filtres et autocollants qui rendent les vidéos plus fun. Dans l’outil de synchronisation des lèvres avec les chansons choisies. Et surtout, dans les algorithmes de recommandation, qui permettent de proposer des contenus pertinents.
La riposte ratée de Facebook
Loin de copier les géants occidentaux, TikTok fonde son succès sur son avance technologique. Et c’est au contraire Facebook qui a lancé, l’année dernière, sa propre appli de vidéos courtes baptisée Lasso. Mais il n’y a pas match : en janvier dernier, celle-ci n’a été téléchargée que 15 000 fois aux États-Unis contre 6,4 millions pour le leader chinois.
TikTok est aujourd’hui présente dans 155 pays. Elle a occupé la première place des téléchargements de l’App Store. Il est toutefois difficile d’estimer précisément son importance, car sa maison mère distille les chiffres au compte-gouttes. ByteDance revendique ainsi 500 millions d’utilisateurs actifs par mois, auxquels il faut ajouter 400 millions pour Douyin en Chine. Mais cela remonte à juin 2018. Depuis, le nombre de téléchargements a continué d’exploser : il a quintuplé entre 2017 et 2018. Mais combien de ces applications sont-elles vraiment utilisées au bout d’un mois ? Aux États-Unis, le taux serait de seulement 10 %.
Le succès est en tout cas incontestable auprès des jeunes : 41 % de ses utilisateurs auraient entre 16 et 24 ans, selon une étude Global Index. En France, elle serait le troisième réseau social le plus utilisé par les collégiens, derrière Snapchat et Instagram. Mais si cette prépondérance de la génération Z est un atout pour l’avenir, elle comporte aussi des risques.
Appli sous surveillance
Sa popularité auprès des ados lui vaut en effet une surveillance particulière, car elle est accusée d’attirer les pédophiles et d’encourager la pornographie. Elle a ainsi subi une interdiction temporaire en Inde – son deuxième marché après la Chine – et en Indonésie. Et la police française a invité les parents à se méfier de possibles « propositions sexuelles malintentionnées ».
Autre problème, aux États-Unis, elle s’est vu infliger une amende de 5,7 millions de dollars pour avoir collecté illégalement les informations personnelles d’enfants de moins de 13 ans. Elle a depuis promis de prendre des mesures. Mais une nouvelle polémique est née du fait qu’elle appliquait des règles de censure faites pour complaire au gouvernement chinois. De quoi rendre frileux d’éventuels annonceurs. Gênant pour une entreprise qui cherche encore son modèle économique…