En Chiffres
20 milliards
Le nombre de pages vues chaque mois sur les sites de Wikipédia.
En réalité, l’encyclopédie est plutôt fourmi que cigale. Derrière la myriade de sites Wikipédia qui proposent chacun leur propre contenu – il en existe un par langue, soit près de 300 –, il y a un chef d’orchestre unique, la fondation Wikimédia.

Cet organisme à but non lucratif basé aux États-Unis, à San Francisco, publie chaque année son rapport financier. Les affaires vont très bien. Chaque année, les dons financent la maintenance des sites et les développements techniques qui leur permettent de s’adapter aux nouveaux usages.

Ils couvrent toutes les dépenses opérationnelles, qui se montent à plus de 100 millions de dollars par an. Chaque année, il reste de l’argent dans la caisse. Le trésor grossit au fil du temps. Il s’élevait en 2020 à près de 200 millions de dollars, sans compter une autre cagnotte lancée en 2016, la dotation Wikimédia.
Son objectif de réunir 100 millions de dollars en 10 ans a été quasiment atteint avec cinq ans d’avance. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin, puisqu’il s’agit d’assurer « à perpétuité » un « partage gratuit du savoir » ?
Éco-mots
Les dépenses opérationnelles
Appelées aussi « dépenses d’exploitation », ce sont les frais engagés pour assurer l’activité d’une entreprise : loyers, salaires, publicité, etc. Un organisme à but non lucratif comme la fondation Wikimédia n’y échappe pas. Dans son cas s’ajoutent notamment aux salaires et au financement des sites des frais de gestion des donations et des frais de voyages et conférences.
Un million de petites mains en 2021
« Il y a de vraies questions sur ce qu’ils font de l’argent », reconnaît Rémi Mathis, auteur de Wikipédia. Dans les coulisses de la plus grande encyclopédie du monde (First). Jetons un coup d’œil sur les comptes : 112,4 millions de dollars ont été dépensés sur l’année fiscale arrêtée fin juin 2020.
En Chiffres
2,4 millions
En dollars les frais d'hébergements annuels des sites Wikipédia.
Le poste du financement des différents projets de la fondation (les sites Wikipédia, mais aussi Wikimedia Commons pour les images, le dictionnaire Wictionary, ou encore le projet Wikidata, qui permet des traductions automatiques) se monte à 22,8 millions de dollars. À quoi s’ajoutent les frais d’hébergement sur les serveurs, 2,4 millions de dollars. Ce qui fait un peu moins d’un quart du total. En revanche, avec 55,6 millions de dollars, le poste des salaires en représente près de la moitié, ce qui est conséquent.
Bien sûr, les 500 employés de la fondation travaillent entre autres pour l’avenir de Wikipédia. Mais ils vivent avec des salaires dignes de la Silicon Valley, tandis que les contributeurs qui créent le contenu des sites et l’améliorent par leurs lectures croisées sont des bénévoles.
Au cours du mois de juin 2021, près d’un million de petites mains avaient apporté leur pierre à l’édifice. Près de 100 000 rédacteurs avaient effectué cinq modifications ou plus. Sans leur engagement, Wikipédia n’existerait pas. Comment cette communauté s’articule-t-elle à la fondation ?
Un pari sur l’expertise de la foule
Wikipédia naît le 15 janvier 2001 dans sa version anglaise. À l’origine, Nupedia, un projet d’encyclopédie en ligne lancé en mars 2000 par l’entrepreneur libertarien Jimmy Wales et le philosophe Larry Sanger. Comme le processus de validation des articles était rigoureux, leur nombre ne progressait pas. Ils ouvrent alors à tous les internautes la possibilité de participer avec un « wiki », une interface qui permet de modifier le contenu d’une page à partir d’un navigateur web, « wiki » voulant dire « rapide » en hawaïen.
Le succès est immédiat et malgré les craintes, la qualité des articles est acceptable. Après avoir espéré mettre de la publicité sur Wikipédia, Jimmy Wales décide en 2004 de s’associer avec la communauté des rédacteurs bénévoles pour créer la fondation à but non lucratif Wikimédia.
Les contenus de Wikipédia, publiés sous licence libre, n’appartiennent à personne. Mais Wikipédia est une marque déposée par la fondation Wikimédia. Il y a donc interdépendance. Une moitié des sièges au conseil d’administration de la fondation est réservée à des représentants des rédacteurs.
Ce conseil supervise la répartition de la manne financière entre les différents projets de la fondation et les organisations qui lui sont affiliées. Parmi elles, les associations par pays, comme Wikimédia France. Il existe aussi des regroupements par régions ou par centres d’intérêt, et certains dons sont même attribués à des individus. L’argent circule.
Deux gros clients : Google et amazon
Ce qui n’empêche pas que les relations soient souvent houleuses, chacun estimant être le gardien légitime du « temple de l’esprit » – l’expression est de Jimmy Wales – que serait Wikipédia. Début 2020, la fondation s’est attiré une volée de bois vert pour avoir essayé de se rebaptiser « Wikipédia » au lieu de « Wikimédia ». Les bénévoles ont refusé qu’elle s’identifie ainsi avec l’encyclopédie.
Nous allons essayer d’avoir un mode de fonctionnement plus équitable et transparent, avec une sorte de Parlement.
Florence Devouard,cofondatrice de Wikimédia France.
Certains s’inquiètent de son projet Wikimedia Entreprise, consistant à vendre aux géants de la tech des programmes pour alimenter plus facilement leurs assistants vocaux avec les infos de Wikipédia. Google et Amazon, qui sont de très généreux donateurs, se servent déjà gratuitement. N’y a-t-il pas un risque de subordination pure et simple à devenir leur prestataire de services ?
Pourtant, la communauté wikipédienne ne dispose pas des institutions qui lui permettraient d’associer tous ses contributeurs pour peser face à la fondation. Ses débats les plus animés rassemblent tout au plus un millier de personnes. « Nous allons essayer d’avoir un mode de fonctionnement plus équitable et transparent, avec un “Global Council”, une sorte de Parlement », explique Florence Devouard, cofondatrice de Wikimédia France.
Le couple Wikimédia-Wikipédia a surtout intérêt à se montrer plus transparent sur la façon dont il gère son argent, s’il veut conserver ses donateurs. Pour l’avenir, « […] le mot-clé est CONFIANCE », résume un rédacteur sur une liste de discussion.