Comme celle de 1929, la crise de 2007-2008 débute aux États-Unis. Elle survient dans un contexte de changes flottants et de financiarisation de l’économie mondiale qui a abouti, depuis les années 1980, à la mise en place d’un marché mondial des capitaux.
Cette financiarisation remet en cause les solutions trouvées dans les années trente et appliquées dans l’après-guerre pour sécuriser les marchés des capitaux et les systèmes bancaires. En mars 1933, l’administration Roosevelt fait voter le Glass-Steagall Act qui sépare les banques d’investissement et les banques de dépôt.
En 1934, la législation Securities Act renforce le contrôle des comptes des entreprises et crée la SEC (Securities and Exchange Commission) qui surveille les opérations en bourse. L’objectif est clair : restaurer les capacités de financement de l’économie réelle et se prémunir contre la folie spéculative qui s’est terminée par le krach boursier du « jeudi noir », le 24 octobre 1929.
Course folle en bourse
Entre 1929 et 1932, à la suite du krach, la capitalisation boursière de Wall Street a chuté de 90 % et le revenu national des États-Unis a été divisé par deux.
La crise s’est diffusée dans le monde par deux canaux : le crédit et le commerce international. Les grandes puissances se replient sur elles-mêmes en adoptant des tarifs protectionnistes très élevés : le Hawley-Smoot aux États-Unis frôle les 60 %, et même le Royaume-Uni a mis fin à sa tradition libre-échangiste avec les accords d’Ottawa, en 1932. Elles organisent des zones monétaires qui, dès 1931, se livrent à des dévaluations compétitives. Aucune coopération internationale n’est envisagée.
Ce repli brutal fait suite à sept ans d’expansion continue des valeurs boursières : entre 1921 et septembre 1929, la bourse a grimpé de 300 % alors que la production américaine n’a augmenté que de 50 %.
En Chiffres
300 %
C’est la progression de la bourse entre 1921 et 1929, avant un repli brutal.
La spéculation, financée à crédit, a débouché sur la détresse financière et le credit crunch. L’assèchement du financement de l’économie, la multiplication des faillites d’entreprises et du chômage qui en résulte, plongent les économies dans la déflation, avec les conséquences que l’on sait dans un pays comme l’Allemagne.
Se croire plus fort que les cycles économiques
La crise de 2007-2008 présentait déjà de troublantes analogies avec celles de 1929 :
• une euphorie financière alimentée par une politique de taux d’intérêt faibles, qui fait éclater une bulle boursière et immobilière.
• Des innovations financières : dans les années 1920, les call loans (prêts payables à la demande du prêteur) et les investment trusts (sociétés d’investissement). Depuis les années 1980, ce sont les produits dérivés, la naissance de la finance structurée, la titrisation, la finance offshore et le shadow banking qui ont permis un gonflement sans précédent de la taille des banques et de leurs résultats.
• Un marché financier devenu mondial avec la réforme de places boursières (big bang de la City en 1986) et le développement des Technologies de l’information et de la communication (TIC).
• Un climat d’euphorie financière de 2001 à 2008 : on a confiance dans l’efficience des marchés et la capacité de résistance des grands établissements « trop grands pour tomber ».
On emprunte pour acheter des titres, la hausse appelle la hausse. Comme le président de Wall Street en 1929, on pense avoir vaincu les cycles économiques. On connaît la suite.
Entre juillet 2007 et janvier 2008, les bourses américaines ont chuté de 50 %, les banques se sont retrouvées en difficulté, avec, en point d’orgue, la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008.
Ensuite les catastrophes se sont enchaînées : dépression, faillites, montée du chômage, ralentissement du commerce international, crise des dettes souveraines, de la zone euro et apparition de tendances déflationnistes.
Si on a rapidement sauvé les banques – ce ne fut pas le cas dans les années 1930 – les mesures de renforcement du contrôle des banques pour protéger les déposants contre les défaillances sont restées timides (loi Dodd-Frank aux États-Unis, adoucie en 2018).
Et maintenant, en 2019 ? Les taux d’intérêt très bas et les politiques monétaires non conventionnelles ont accru les quantités de monnaie en circulation. Les marchés boursiers croissent à nouveau à un rythme supérieur à celui de l’économie réelle. Et les nuages s’accumulent : la guerre commerciale mondiale a été déclarée par l’administration Trump, la bataille des monnaies oppose à nouveau les grandes économies, la Chine et l’Allemagne accumulent des excédents commerciaux alors que les États-Unis entassent les déficits. L’Europe est affaiblie par ses dissensions internes et la perspective du Brexit. A-t-on vraiment retenu les leçons de 1929 ?