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Idées

Capital humain. Pourquoi la croissance persiste sur les ex-territoires du goulag

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Les économistes pointent l’influence sur le long terme des niveaux d’éducation. Les « ennemis du peuple » détenus dans les camps de travail soviétiques en fournissent une nouvelle illustration.

André Zylberberg, directeur de recherche émérite, Centre d’économie de la Sorbonne
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© EMILE DUCKE/NYT-REDUX-REA

Dès le début de la Révolution russe de 1917, Lénine fustige les « ennemis du peuple » et réclame leur élimination. Selon un rapport de 1954 du ministère de l’Intérieur de l’URSS, sous le règne de Lénine et jusqu’à la mort de Staline en 1953, 3 777 380 de ces prétendus ennemis sont reconnus coupables d’avoir participé à des activités contre-révolutionnaires, 642 900 sont exécutés et 2 369 220 sont envoyés au goulag.

Concrètement, les ennemis du peuple faisaient partie de la frange la plus instruite de la population (artistes, professeurs, cadres dirigeants, ingénieurs). En étant les moins perméables à la propagande, ils représentaient une menace latente pour le régime communiste, c’est pourquoi ils furent massivement déportés. Ainsi, le goulag s’est avéré l’endroit le plus éduqué de l’URSS : la part des personnes ayant une formation universitaire y était trois fois plus élevée que dans le reste du pays.

Les analystes de la croissance ont souvent mis en évidence la persistance sur le long terme des niveaux d’éducation. L’histoire des ennemis du peuple en fournit une preuve supplémentaire. La figure, établie à partir d’une enquête de 2016 portant sur un échantillon de 19 341 personnes représentatif des descendants des ennemis du peuple, montre que plus de 30 % des petites-filles et petits-fils des ennemis du peuple ont fait des études supérieures alors que cette proportion se situe en dessous de 20 % pour l’ensemble de la population.