Nous pensons tous que nos croyances sur le monde qui nous entoure sont les bonnes, c’est-à-dire qu’elles correspondent bien à la réalité. Certaines de ces croyances nous proviennent de nos sens, d’autres du témoignage de tiers (enseignants, médias, amis…) en qui nous avons confiance.
La source la plus fiable sur laquelle fonder nos croyances est sans nul doute la science. En effet, les connaissances scientifiques résultent d’un travail collectif de validation fondé sur des données vérifiables.
Pourtant, certaines personnes disent ne pas croire en certaines connaissances scientifiques qui font pourtant consensus chez les chercheurs, alors même que ces mêmes personnes n’ont pas de problème à accepter d’autres résultats scientifiques. Comprendre pourquoi permet d’éclairer deux faces de nos croyances : l’une psychologique, l’autre sociale.
Dissonance cognitive
Un grand nombre de connaissances scientifiques admises par tous les chercheurs sont incompatibles avec les croyances traditionnelles ou religieuses. Il ne fait par exemple plus de doute pour les biologistes que l’être humain n’est pas « apparu » tel quel, mais qu’il résulte d’un long processus d’évolution naturelle.
Cette connaissance scientifique entre en contradiction avec la croyance religieuse dite « créationniste » selon laquelle l’être humain aurait été créé par Dieu sous sa forme actuelle dans un passé plus ou moins lointain.
Un croyant aura bien du mal à faire cohabiter dans son esprit la croyance en la théorie scientifique de l’évolution avec sa croyance créationniste. En effet, nos croyances s’organisent en un système supportant difficilement les contradictions internes. De telle contradictions nous plongent dans un état psychologique désagréable, appelé « dissonance cognitive » (A Theory of Cognitive Dissonance, Leon Festinger, Stanford University Press, 1957).
Pour y échapper, nous pouvons alors soit rejeter la croyance qui entre en contradiction avec une croyance antérieure à laquelle nous tenons, soit modifier la nouvelle croyance pour la rendre compatible avec cette dernière. C’est ainsi que la thèse du « dessein intelligent » est apparue et a séduit de nombreux croyants.
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Selon cette thèse, l’être humain a bien évolué, mais cette évolution aurait été guidée par Dieu plutôt que par des mécanismes naturels. Cet accommodement de la croyance est censé la rendre moins directement incompatible avec la connaissance scientifique et soulager ainsi la dissonance cognitive des personnes qui tiennent à une origine divine de l’être humain.
Climato-sceptique et d'extrême droite
Un autre mécanisme, social cette fois, peut conduire des individus à ne pas croire au consensus scientifique sur une question donnée, quand bien même il est solidement établi et que ces personnes ne sont pas réfractaires à la connaissance scientifique sur d’autres questions. Par exemple, une partie de la population, dite « climato-sceptique », rejette le consensus scientifique sur le fait que le climat est en train de se modifier de manière importante en raison de l’activité humaine.
Les chercheurs qui se sont intéressés à ce phénomène ont observé un lien statistique clair entre le fait d’être climato-sceptique et celui d’adhérer à des thèses populistes d’extrême droite. Cette dernière soutient en effet l’idée que les gouvernements démocratiques chercheraient à limiter les libertés individuelles au prétexte de la lutte contre le dérèglement climatique.
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Dès lors, affirmer croire que le réchauffement climatique n’existe pas ou n’a pas de causes humaines est devenu un moyen de signaler son appartenance à un groupe social défini : celui des personnes qui disent lutter contre des élites politiques et scientifiques accusées de vouloir nous contraindre à changer notre mode de vie. En d’autres termes, le rejet de ce consensus scientifique est un marqueur social, un étendard qui permet de s’afficher publiquement comme membre de ce groupe.
En résumé, le fait d’adopter ou non certaines croyances résulte moins d’une évaluation des preuves de leur validité que d’une tentative d’échapper à la dissonance cognitive ou de la motivation d’affirmer son identité sociale.