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Chronique - En économie, le clivage gauche-droite a-t-il encore du sens ?

Au moment de l'élection présidentielle, le clivage gauche-droite a bien souvent été le sujet central. Mais aujourd'hui, cette discussion ne semble plus animer les jeunes.

Pierre Renno, professeur de Sciences économiques et sociales (SES)
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© DR

une_couvCet article est extrait de notre magazine consacré aux super-pouvoirs économiques des politiques. À retrouver en kiosque et en ligne. 

Pour analyser la compétition politique à l’œuvre pendant la campagne présidentielle, les politistes aiment filer la métaphore économique. Ce que proposent les professionnels de la politique en termes de discours et de programmes, c’est l’offre. La stratégie marketing est déterminée par les conseillers en communication. Ils travaillent à rendre le produit attirant pour l’électeur/consommateur, c’est-à-dire la demande.

Ces dernières années, du côté de l’offre, on met volontiers en avant l’obsolescence de l’étiquetage gauche-droite. Il est perçu comme moins vendeur. En 2017, le second tour de la présidentielle a d’ailleurs opposé deux candidats qui refusaient d’être assimilés à la droite ou à la gauche. Pourtant, la politologue Janine Mossuz-Lavau1  l'assure : chez les électeurs, la demande de gauche-droite est toujours bien vivante. Cette grille de lecture leur parle encore.

Pour les plus jeunes, un clivage loin d'être évident

Et les lycéens qui vont passer le bac de SES cette année ? Ces futurs électeurs, qui n’avaient pas plus de 8 ans lors du second tour Hollande-Sarkozy, ont souvent pour premier souvenir politique la victoire d’Emmanuel Macron, le candidat du « en même temps ».

Que peut bien signifier pour eux le clivage gauche-droite ? Une récente étude de l'Institut Montaigne2 a mis en évidence l’impressionnante désaffiliation politique des 18-24 ans. Une partie des élèves de spécialité de SES que je côtoie peine à identifier les candidats à la présidentielle et – a fortiori – à les rattacher à un courant politique.

Le programme de terminale explore pourtant des sujets qui constituent autant de terrains d’affrontement traditionnels entre droite et gauche : les inégalités, la fiscalité, la redistribution, les prestations sociales, le chômage, le déficit public… Certains de ces thèmes ont d’ailleurs émergé durant la campagne présidentielle actuelle. Les droits de succession ou les effectifs dans la fonction publique ont d’ailleurs donné à voir un clivage gauche-droite plutôt bien structuré.

Notons toutefois que chez les lycéens les plus politisés, ces thèmes ont été concurrencés et parfois, éclipsés par des sujets où la grille de lecture gauche-droite peut sembler moins pertinente.

La question environnementale, à laquelle cette génération est très sensibilisée, brouille la donne : alors que la gauche s’écharpe sur l’avenir du nucléaire, la primaire LR a mis en évidence des divisions autour de l’énergie éolienne. Les nouveaux combats identitaires semblent eux aussi s’émanciper en partie du vieux clivage.

Sur le racisme structurel ou les nouvelles identités de genre, le mythe d’une opposition entre gauche progressiste et droite conservatrice est parfois mis à rude épreuve.

Dès lors, faire du clivage gauche-droite une clé de lecture à destination des lycéens a-t-il encore un sens ? En tant qu’enseignant, j’ai tendance à penser que oui. Même chahuté par l’émergence de nouvelles thématiques ou délaissé par les professionnels de la politique, cette division offre des repères à une génération dont la méconnaissance du champ politique nourrit trop souvent un désintérêt préoccupant.

Les droits de succession ou les effectifs dans la fonction publique ont donné à voir un clivage gauche-droite plutôt bien structuré.
Pierre Renno

Professeur de SES et membre du comité éditorial de Pour l'Éco