Cet article est extrait de notre magazine consacré aux super-pouvoirs économiques des politiques. À retrouver en kiosque et en ligne.
Quand Adam rencontre Britney : voyage en économie non pécuniaire
Lui, c’est Adam Smith. Elle, c’est Britney Spears. Vous les croiserez, ainsi que beaucoup d’autres, dans cet ouvrage qui peut être lu de deux façons.
La première consiste à le prendre comme une occasion inespérée de se forger une culture générale en économie : les classiques comme Ricardo, Mill, Schumpeter, mais aussi les modernes, de Gary Becker à Stefanie Stantcheva en passant par Richard Thaler, tout le monde y est, en moins de 300 pages.
Les références, parfaitement choisies, attestent chez les deux auteurs une connaissance remarquable de l’histoire de leur discipline et des autres sciences sociales.
Cette connaissance ouvre sur la deuxième lecture, qui amène au cœur de leur propos : un retour critique de la pensée économique sur elle-même. Celle-ci s’est développée au fil des décennies comme une « science de la sphère marchande ».
Ses méthodes, ses réflexes intellectuels sont profondément imprégnés des logiques qui animent cette sphère ou permettent d’en optimiser le fonctionnement. Les économistes se méfient des rentes, ils saisissent spontanément les désavantages du protectionnisme. Et déplorent que la majorité de la population soit si peu instruite de toutes ces questions.
Or les travers du monde réel sont aussi des préférences et des valeurs. La rencontre entre économie et société, entre économistes et profanes est-elle impossible ? Elle est, à tout le moins, difficile. Car l’économie comme discipline s’est bâtie sur une stricte séparation d’avec la sphère morale, lisible dans l’œuvre même du père fondateur, Adam Smith.
Landier et Thesmar s’emploient à explorer les moyens de rendre possible cette rencontre. Il ne s’agit pas de montrer que tout s’achète et se vend. Mais d’introduire la pensée non pécuniaire en économie, pour se donner les moyens d’identifier le « prix de nos valeurs », c’est-à-dire le point d’équilibre entre ces valeurs et l’efficacité.
Une démarche fondamentale pour le bon fonctionnement de la démocratie. Et ce qui se passe quand Adam rencontre Britney, vous le découvrirez au chapitre sept…

Le Prix de nos valeurs. Quand nos idéaux se heurtent à nos désirs matériels, Augustin Landier et David Thesmar, Flammarion, 2022, 272 p., 20 €.
La revanche du Vieux Continent
Quand Thomas Philippon est arrivé aux États-Unis, il y a un peu plus de 20 ans, beaucoup de biens et de services y étaient moins chers qu’en France. C’est l’inverse aujourd’hui, alors que la concurrence constituait l’ADN de l’économie américaine. Pourquoi ?
Deux mouvements simultanés : d’abord, l’intensification de la concurrence en Europe, notamment dans la téléphonie et le transport aérien, qui ont vu surgir de nouveaux acteurs ; ensuite, le mouvement de concentration en Amérique, où les principaux secteurs économiques sont « dominés par quelques mastodontes » capables d’imposer des prix et d’orienter les politiques en leur faveur. Un livre clair et précis qui a fait grand bruit aux États-Unis.

Les Gagnants de la concurrence. Quand la France fait mieux que les États-Unis, T. Philippon, Seuil, 2022. 416 p., 25 €.
Anatomie d’un succès
Cent millions de covoitureurs dans le monde : l’économie du partage a trouvé dans BlaBlaCar un de ses symboles, articulant l’utilité sociale passant à l’échelle industrielle, l’entreprise à impact visant la réduction des émissions de CO2 et le succès économique et financier, avec une valorisation en milliards d’euros.
Comment l’utopie est-elle devenue réalité ? Son fondateur Frédéric Mazzella, interviewé par Laure Claire et Benoît Reillier, raconte cette aventure dans ce livre très vivant, centré sur les apprentissages et attestant la volonté croissante, dans la première génération de la French Tech, de passer le relais à de futurs entrepreneurs.

Mission BlaBlaCar. Les coulisses de la création d’un phénomène, F. Mazzella, avec L. Claire et B. Reiller, Eyrolles, 2022. 280 p., 19 €.
2050 selon Jancovici
Le Plan était, selon de Gaulle, une « ardente obligation ». Jean-Marc Jancovici reprend ici la formule, en préfaçant un ambitieux « plan de transformation de l’économie française », face une transition environnementale qui prendra plusieurs décennies… ce qui la rend d’autant plus urgente.
Ce plan passe en revue tous les secteurs et explore un « futur désirable », un monde très différent qui remet en cause notre mode de vie. L’enjeu est d’articuler une incontournable « contraction » énergétique avec une forme de progrès et, économiquement, de croissance.
Truffé de chiffres, refusant le simplisme, ce livre est un manuel d’avenir. On en sort prêt à se retrousser les manches.

Climats, crises, le plan de transformation de l’économie française, The Shift Project (collectif), Odile Jacob, 2022, 262 p., 11,90 €.