Sociologie

The Dark Knight. Quand le Joker se prend pour un sociologue

Dans The Dark Knight, de Christopher Nolan (2008), le nemesis de Batman met en place une expérience sociale pour pousser des citoyens au pire : le meurtre.

,
Illustration de l'article The Dark Knight. Quand le Joker se prend pour un sociologue

© Warner Bros

« Ce soir, vous allez tous vous retrouver acteurs d’une expérience sociale », susurre le Joker aux passagers de deux ferrys prêts à quitter la ville. Sa voix, amusée de son propre sadisme, résonne dans les haut-parleurs. « Chaque bateau a une télécommande. Faites exploser l’autre bateau et je laisse votre bateau vivre. À minuit, je vous fais tous exploser. Qui va survivre ? Le bateau rempli de détenus ou celui rempli d’honnêtes citoyens de Gotham ? ».

À l’abri depuis le haut d’un immeuble, le super-vilain observe tranquillement le dilemme du prisonnier, revisité grandeur nature, qu’il vient de mettre en place. « Qu’est-ce que tu essaies de prouver ? Qu’au fond, tout le monde a une âme aussi sombre que toi ? », rugit Batman.

Laboratoire social

Récapitulons la situation des passagers et les choix qui s’offrent à eux. Nous avons un bateau A et un bateau B. Si les passagers du bateau A décident de couler le bateau B, ils survivent. Et inversement. S’ils décident en même temps de faire exploser le bateau d’en face, tout le monde meurt. Si personne ne fait sauter le bateau opposé, les deux sautent 30 minutes plus tard. Et chaque seconde qui passe augmente le risque.

JokersDilemma.png

Le Joker twiste le dilemme du prisonnier classique en introduisant deux groupes sociaux différents : le premier ferry est composé de prisonniers. Le second « d’honnêtes citoyens ». « Ces prisonniers ont eu leur chance. Ils ont fait le choix de voler et tuer. Cela n’a pas de sens pour nous de mourir » implore une « honnête citoyenne » qui souhaite, comme la majorité des passagers, la mise à mort de l’autre ferry. Et c’est le génie du scénario que d’interpeller le spectateur devant son écran, qui est pris en otage : que ferait-il à leur place ?

Pour aller plus loin

Plus de cinéma et de théorie des jeux : Un homme d’exception, Le choix de Sophie, Titanic, La Fureur de vivre

Le dilemme du prisonnier, un jeu « classique »

L’appellation vient d’une anecdote du mathématicien Albert Tucker. Deux individus sont arrêtés, soupçonnés d’avoir commis ensemble un vol. Incarcérés dans deux cellules distinctes sans possibilité de communiquer, ils ont le choix suivant : si un seul des deux avoue et dénonce son complice, il sera libéré, mais l’autre écopera de la peine maximale.

Si les deux se disent innocents, faute de preuves, ils seront condamnés à une courte peine. Si les deux avouent, chacun verra sa peine réduite. Que faire : avouer ou nier ? Au niveau personnel, il est rationnel d’avouer et de dénoncer l’autre pour être libre, alors que du point de vue collectif, les deux ont intérêt à nier. 

Ce dilemme se rencontre souvent en économie, par exemple dans la crise énergétique actuelle. Individuellement, et rationnellement, il peut être séduisant de régler son chauffage à 25 °C, mais cette décision est sous-optimale pour la collectivité si elle est prise par tous.

Lire aussi > C'est quoi, la théorie des jeux ?

  1. Accueil
  2. Idées
  3. Théorie économique
  4. The Dark Knight. Quand le Joker se prend pour un sociologue